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Goutte ne faut avoir ici ni crampe;
Je le faurai doucement débrider:
Toi cependant habile à t'évader,
Sur le cheval monte, pique et décampe;
Puis, fur nos pas, derriere ce rocher,
Tandis qu'à fin je menerai l'affaire,
Tournant tout court, tu courras te cacher.
Je fuis un fot, ou tu n'attendras guère,
Que fain et fauf je n'aille t'y chercher.

Le complot fait et la marche hâtée,
Gaillardement à l'oeuvre les voilà;
Déjà par l'un voici la bride ôtée,
Et proprement à fon col ajustée,
Tandis que l'autre en galoppant f'en va,
Sans que le bruit des pieds du quadrupede
Fût ni ne pût de Blaife être entendu:
Le paillaffon fur la plaine étendu,
Un pied de neige y mettoit bon remède.
Au lieu marqué le cavalier alla :
Qu'il ne foit plus parlé de celui-là.
Son compagnon, cette affaire arrangée,
Refté pour gage et feul dans l'embarras,
Sur les talons de Blaife pas à pas,
La bride au col pendante et négligée,
La tête baffe et l'échine allongée,
Alloit un train dont il étoit bien, las,
Quand Blaife aufli las de marcher lui-même,
Voulut enfin reprendre l'étrier:
Figurez-vous quelle furprise extrême,
Se retournant de voir un Cordelier!
Eft-il efprit fi fort qui n'y fuccombe?
En pareil cas, en croiriez-vous vos yeux?
Au pauvre Blaife, homme fimple et pieux,
La bride échappe et de la main lui tombe.
Le papelard, humble à fendre les coeurs,
S'agenouillant, et d'un oeil de colombe,
Bien tendrement laiffant couler des pleurs,
S'écrie: hélas! je fuis père Paphnuce,
De S. François indigne et lâche enfant,

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Piron.

Diron.

Que de la chair le démon triomphant
Dans fes filets fit tomber par aftuce.
Que voulez-vous? le plus fage a bronché;
Le tentateur mit un morceau d'élite
A l'hameçon: j'y mordis, je péchai,
J'y remordis, j'y reftois attaché;

C'en étoit fait: j'allois en proie au diable
Etre du vice à jamais entiché:

Mais Dieu qui veut en père pitoyable
L'amendement, non la mort du coupable,
Pour me tirer de l'abîme infernal
Où m'entraînoit cette habitude au mal,
Et m'amener à la récipifcence,
Conftitua mon ame en pénitence,

Pendant fept ans, dans le corps d'un cheval;
Le terme expire, et vous êtes le maître
De me traiter à votre volonté :
Ordonnez-moi l'ecurie ou le cloître;
Je fuis à vous, vous m'avez acheté.
Eh oui! dit Blaife, au diable foit l'emplette!
J'eus belle affaire à vos péchés paffés,
Pour en payer ainfi les pots caffés!
De Dieu pourtant la volonté foit faite :
Car, après tout, comme vous j'ai péché;
J'ai comme vous mérité pénitence;
Chacun fon tour: toute la différence
Qu'ici je vois, dont je fuis bien fâché,
La vôtre eft faite, et la mienne commence.
Quitte j'en fuis encore à bon marché:
Dieu m'auroit pu fept ans envoyer paître;
Un Roi pécheur fut ours pendant fept ans
Vous fûtes vous cheval un pareil tems:
Un tems pareil, âne je pouvois être,
Et maintenant travaillant au moulin,

Bien autrement je rongerois mon frein.

Eh bien, je perds une affez grosse somme :

Mais cinq cens francs ne font la mort d'un homme;

Soyez donc libre et libre fans rançon;

Vous ferez fage, et vous n'irez pas comme

Un étourdi, remodre à l'hameçon.

Qui de fi près a frifé les chaudières,

Sur fon falut, n'eft pas fi négligent:

Père Paphnuce, au moins pour mon argent,
Souvenez-vous de moi dans vos prières.
Notre beau père alors fe profternant,
Et par trois fois ayant baisé la terre,
Son chapelet et les pieds du manant,
Gai fur les pas, f'en retourne grand'erre,
Tandis que trifte et le goufset vuidé,
Blaife chargé d'une bride inutile,
En véritable et bel oifon bridé,
Regagne à pied fon petit domicile.

Il ne dit rien de l'accident fatal,

Et f'en fut tu long-tems, comme on peut croire,
Si, quelques inois après, dans une foire,

Il n'eût revu, reconnu fon cheval,
Que marchandoit fon compère Grégoire.
Il f'émerveille, et fouriant à part,
Ami, dit-il, le tirant à l'écart,
N'achete pas ce cheval et pour caufe,
Tu t'en mordrois les pouces tôt ou tard;
Je le connois fois bien fûr d'une chofe,
C'est un beau jour, te pannadant en roi,
Sur cette bête en effet affez belle,

Crac, en chemin, tout d'un coup au lieu d'elle,
Tu trouveras un Cordelier fous toi.

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--

Un Cordelier! tu voudrois que je cruffe..
Un Cordelier! tu gauffes. . . - Point du tout,
Un maître moine, ayant cordon, capuce,
Grife vêture, et nom père Paphnuce.
Lors il conta le fait de bout en bout,
L'achat, la route et la métamorphofe,
Et l'hameçon fatal au Francifcain,
Et les fept ans de purgatoire, enfin
Tout ce qu'il fait, le refte il le fuppofe.
Tiens, pourfuit-il! A peine le bourreau
S'eft retrouvé fous fa première peau,
Et fous le froc, que perdant la mémoire
Du châtiment qui lui fut fi bien dû,

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Piron. Voltaire.

A l'hameçon il aura remordu,

Et le voilà! Pefte, interrompt Grégoire!
Qu'il aille au diable avec fon hameçon,
Et fes fept ans de nouveau purgatoire!
Vraiment fans toi j'étois joli garçon;
C'eft cinq cens francs que je gagne: allons boire.

Voltaire.

(Frankreichs berühmtester Dichter, Marie Franz Arouet de Voltaire, geboren 1694, gestorben 1778, ließ fast keine einzige Dichtungsart unversucht, und belebte wes nigstens alle diese Versuche, wiewohl fie sehr ungleich gelans gen, durch den Reichthum seiner höchst ergiebigen Phantasie, und durch die einnehmende Anmuth seiner Wendungen der Ideen, Sprache und Verfifikation. Man hat von ihm mehs rere poetische Erzählungen, vornehmlich in der Sammlung, die er unter dem angenommenen Namen eines damals schon verstorbenen weit geringern französischen Dichters Vade' hers „ausgab, und die von Seiten der Sittlichkeit minder Empfeh Tung verdient, als von Seiten der Poesie.)

LES TROIS MANIERES.

Que les Athéniens étoient un peuple aimable!
Que leur esprit m'enchante, et que leurs fictions
Me font aimer le vrai fous les traits de la Fable!
La plus belle, à mon gré, de leurs inventions
Fut celle du théatre, où l'on faifoit revivre
Les Héros du vieux tems, leurs moeurs, leurs paf-
fions.

Vous voyez aujourd'hui toutes les Nations,

Con

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Confacrer cet exemple et chercher à le fuivre,
Le théatre inftruit mieux que ne fait un gros livre.
Malheur aux efprit faux dont la fotte rigueur
Condamné parmi nous les jeux de Melpomene!
Quand le Ciel eut formé cette engeance inhu.
maine,

La nature oublia de lui donner un coeur.

Un des plus grands plaifirs du théatre d'Athène
Etoit de couronner, dans des jeux folemnels,
Les meilleurs Citoyens, les plus grands des Mor
tels;

En présence du peuple on leur rendoit justice.
Ainfi j'ai vu Villars, ainsi j'ai vu Maurice,
Qu'un mauvais courtifan quelquefois cenfura,
Du champ de la Victoire allant à l'Opéra,
Recevoir des lauriers de la main d'une Actrice.
Ainfi quand Richelieu revenait de Mahon,
(Qu'il avoit pris pourtant en dépit de l'envie)
Par-tout fur fon paffage il eut la comédie;
On lui battit des mains encor plus qu'à Clairon.

Au théatre d'Efchile, avant que Melpomene
Sur fan cothurne altier vînt parcourir la fcène,
On décernoit les prix accordés aux Amans.
Celui qui dans l année avoit pour fa Maîtreffe
Fait les plus beaux exploits, montré plus de te
dreffe,

Mieux prouvé par les faits fes nobles fentimens,
Se voyoit couronné devant toute la Grèce.
Chaque Belle plaidoit la caufe de fon coeur,
De fon Amant aimé racontoit les mérites,
Après un beau ferment dans les formes prescrites,
De ne pas dire un mot qui fentît l'Orateur,
De n'exagérer rien, chofe affez difficile

Aux Femmes, aux Amans, et même aux Avocats.

On nous a conservé l'un de ces beaux débats,

Doux enfans du loifir de la Grèce tranquille.

C'étoit, il m'en fouvient, fous l'archonte Euda

mas

Voltaire.

De

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