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Segrais. Devoit accompagner son extrême fouffrance; Qu'il répandit de pleurs, qu'il pouffa de foûpirs! Enfin gelé de crainte et brûlé.de defirs,

Il voulut exprimer fa douleur infinie.

O trop belle! (fans doute il eut dit Uranie)
Mais le puiffant refpect qui regnoit dans fon coeur
Défendit à fa voix de nommer fon Vainqueur;
Et plus cruel encor que fon martire même,
Voulut qu'il en eclât la violence extrême,
Doutant fi ce Rocher, cet Antre, et ces Forêts,
Pour en être témoins étoient affez fecrets.

O! combien en fon ame il forma de pensées
Et combien auffi-tôt en furent effacées!
O! combien il conceut de funeftes deffeins,
Qui tous contre fa vie exciterent fes mains!
Certes, de moins de fruits nous enrichit l'Autonné,
L'Eté de moins d'epices nos Campagnes couronne,
L'Hyver a moins de vents, le Printemps moins de
fleurs

Qu'il ne fentit alors de mortelles douleurs:
De fombres defespoirs tous fes fens f'occupérent,
La rage et la fureur à l'envie l'attaquerent,.
Et fon efprit, emû de leurs rudes transports,
Fut cent fois fur le point d'abandonner fon corps:
Il le croïoit du moins, lorsqu'en la forte idée,
Dont fon amour tendoit fon ame poffedée,
Il penfa que fa Nymphe avec tous les apas
Dans ce lieu folitaire eût adreffé fes pas.
Ses yeux foibles déja de verfer tant de larmes
Crurent être éblouïs de l'éclat de fes charmes,
Ses fentimens perdus, fes efprits diffipez
De leur perçans raïons crurent être frapez:
Même il f'imagina, que de cet antre fombre
Leur fplendeur banniffoit et la fraîcheur et l'om
bre:

L'air qu'il y refpiroit lui fembloit allumé,
Et c'étoit fes foupirs qui l'avoient enflamé.

Ce n'eft pas toutefois qu'en fon ame infenfée,
Il ofât concevoir la fuperbe pensée,

Que

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Que ce divin objet vint pour la fecourir;
Il crût que ce n'étoit que pour le voir mourir;
Et dans ce fentiment, prêt à lui fatisfaire,
Il penfa qu'il pouvoit, fans craindre fa colere,
Ni fortir du refpect, lui tenir ces propos
Souvent entrecoupés de pleurs et de fanglots.

Je meurs, vous les voïez; et quelque violence
Qui m'oblige fans ceffe à rompre le filence,
Si devant vos beaux yeux je ne perdois le jour,
Jamais vous n'auriez fçeu l'excez de mon amour,
Ce n'eft point par des cris, ce n'est point par de
plaintes,

Que mon mal vous fait voir fes fenfibles atteintes,
Je l'ai fi bien caché, que malgré fon effort,
Il ne f'eft découvert qu'en me donnant la mort:
Et quand vous daignerez, Belle pour qui j'expire,
Comparer mon audace avecque mon martyre,
S'il m'ofa, direz-vous, déclarer fon tourment,
Son audace du moins n'a duré qu'un moment,
Et fa flame.... mais las! vous ignorez encore,
Depuis combien de tems fon ardeur me devore,
Si ce n'eft que vos yeux connoiffant leur pouvoir
Sachent qu'il faut aimer quand on ofe les voir.
Ces beaux yeux font fi clairs, et fi remplis de fla-

mes,

Qu'ils peuvent aifément pénétrer dans les ames.
Mais f'ils ont daigné voir, ces aimables vainqueurs,
Que j'aimois mieux montrer au milieu des lan-
gueurs,

Au milieu des tourmens, des fupplices, des gênes,
L'excez de mon refpect que celui de mes peines;
S'ils m'ont vû, fans efpoir d'aucune guérifon,
Idolâtrer mes fers, et chérir ma prison,

Ils peuvent voir encor mon ame confumée
Conferver les ardeurs dont ils l'ont enflamée,
Mais telles, que fentant qu'elles me font mourir,
Je l'aime encore mieux que de les amoindrir.

Croïant à ce difcours, fa bouche criminelle,

Il alloit fe jetter aux pieds de cette Belle,

Segrais.

Segrais. Mais n'embraffant que l'air au lieu de fes genoux,
O mes douleurs! dit-il, où me reduifez-vous?
Ces mots furent suivis d'une mortelle tranfe
Qui priva fes efprits de toute connoissance,
Il demeura fans voix, fans poux, fans mouvement
Et n'eut point vû finir ce long faisissement,
Si de fon cruel fort l'impitoïable haine,
Qui prolonge fes ans pour prolonger fa peine
Ne l'eût fait vivre encor par un cruel fecours,
Si c'eft, vivre pourtant que mourir tous les jours.

GAMACHES, cher Marquis, dont l'ame noble et
belle

M'a toujours honoré d'une amitié fidelle;
S'il eft vrai que le ciel t'ait fait affez heureux,
Pour n'être point fenfible aux tourmens amoureux,
Donne quelques foûpirs aux cruelles atteintes
Que dans ces triftes Vers ma Mufe t'a dépeintes:
Et fi ton coeur f'émeut aux maux de mon Bergers
Que ce foient les derniers qui puiffent t'affliger!

Ma

Madame Deshoulieres.

(Antoinette Deshoulieres, geborne du Ligierdi la Garde, lebte zu Paris von 1634 bis 1694, und besaß viel Talent zu leichten gefälligen Gedichten; aber sehr wenig für größere Dichtungsarten, am wenigsten für die dramatische. Ihre Idyllen haben eine vorzügliche Anmuth der Ideen und des Ausdrucks, und dabei alle erfoderliche Simplicitåt. Ihr berühmteftes Schäfergedicht hat die Aufschrift, les Moutons. Schade nur, daß ihr davon fast nichts weiter gehört, als die Umånderung des Versbaues; denn das Stück selbst findet sich in den früher gedruckten Promenades der poetischen Sammə lung eines damals schon fast vergessenen åltern Dichters, Coutel, beinahe wörtlich. Man sehe hier gleich die drei ers ften Stanzen:

Hélas! petits mutons, que vous êtes heureux!

Vous paissez dans nos champs fans fouci, fans alarmes;
Sitôt qu'êtes aimés, vous êtes amoureux;

Vous ne favez que c'eft de repandre des larmes.

Vous ne formez jamais d'inutiles defirs;

Vous fuivez doucement les loix de la Nature;

Vous avez, fans douleur, tous fes plus grands plaifirs,
Exempts des paffions qui caufent la torture.

Nous fommes malheureux les ayant parmi nous;
Car quoique nous ayons la raison en partage,
Cette même raison que vous n'avez point chez vous,
Nous réduit bien fouvent dans un dur éfclavage.

Ich habe daher noch ein zweites, ihr vermuthlich mehr eig
nes, Idyll beigefügt.)

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Madame Deshoulies

res.

Hélas! petits moutons, que vous êtes heureux!
Vous paiffez dans nos champs fans' fouci, fans allar-

mes,

Diadame

Auffi-tôt aimés qu'amoureux,

Deshoulie: On ne vous force point à repandre des larmes;

res.

Vous ne formez jamais d'inutiles defirs;

Dans vos tranquilles coeurs l'amour fuit la nature;
Sans reffentir fes maux, vous avez fes plaifirs.
L'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture
Qui font tant de maux parmi nous,

Ne fe rencontrent point chez vous.
Cependant nous avons la raifon pour partage;
Et vous en ignorez l'ufage.

Innocens animaux, n'en foyez point jaloux;
Ce n'eft pas un grand avantage.

Cette fiere raison, dont on fait tant de bruit,
Contre les paffions n'est pas un fur remede!
Un peu de vin la trouble; un enfant la féduit;
Et déchirer un coeur qui l'appelle à son aide,
Eft tout l'effet qu'elle produit.
Toujours impuiffante et févere,

Elle f'oppose à tout, et ne furmonte rien.
Sous la garde de votre chien,
Vous devez beaucoup moins redouter la colere
Des loups cruels et raviffans,

Què fous l'autorité d'une telle chimére

Nous ne devons craindre nos fens.

Ne vaudroit-il pas mieux vivre comme vous faites,
Dans une douce oifiveté?

Ne vaudroit-il pas mieux être comme vous étes,
Dans une heureufe obfcurité
Que d'avoir fans tranquillité

Des richeffes, de la naiffance,
De l'efprit et de la beauté?

Ces prétendus tréfors dont on fait vanité,

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Valent moins que votre indolence.

Ils nous livrent fans ceffe à des foins criminels:

Par eux plus d'un remords nous ronge.
Nous voulons les rendre éternels,

Sans fonger qu'eux et nous pafferons comme un

fonge.

Il n'eft dans ce vafte univers
Rien d'afluré, rien de folide.

Des

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