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Fontenelle., Dans des vers fans objet, fous des hiftoires feintes,
Vous parler de défirs, de tendreffe, de plaintes.
Ces mots plairoient toujours, n'euffent-ils que le fon.
Du refte, point d'avis, moins encor de leçon:
Aimer ou n'aimer pas eft une grande affaire,
Que fur ces deux partis votre coeur délibere,
On les peut l'un et l'autre et louer et blâmer.
Quand tout eft dit pourtant, on prend celui d'aimer.

Sur la fin d'un beau jour, aux bords d'une fon taine,

Corilas fans témoins entretenoit Ismene,

Elle aimoit en fecret, et fouvent Corilas

Se plaignoit de rigueurs qu'on ne lui marquoit pas.
Soyez content de moi, lui difoit la Bergere,
Tout ce qui vient de vous eft en droit de me plaire,
J'entens avec tranfport les airs que vous chantez,
Si vous avez écrit mon nom fur quelque Hêtre,
Aux traits de votre main j'aime à vous reconnoître,
Pourriez vous bien encor ne vous pas croire heu-
reux ?

Mais n'ayons point d'amour, il eft trop dangereux.

Je veux bien vous promettre une amitié plus

tendre,

Que ne feroit l'Amour que vous pourriez préten-
dre:

Nous pafferons les jours dans nos doux entretiens,
Vos Troupeaux me feront auffi chers que les miens,
Si de vos fruits pour moi vous cueillez les premices,
Vous aurez de ces fleurs dont je fais mes délices,
Notre amitié peut-être aura l'air amoureux,

Mais n'ayons point d'amour, il eft trop dangereux,

Dieux! difoit le Berger, quelle est ma recompenfe!

Vous ne me marquerez aucune préference,

Avec cette amitié dont vous flatez mes maux

Vous vous plairez encore aux chants de mes Rivaux.

Je

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Je ne connois que trop votre humeur complaifante,, Fontenelle..
Vous aurez avec eux la douceur qui m'enchante,
Et ces vifs agrémens, et ces fouris flateurs,
Que devroient ignorer tous les autres Pasteurs.
Ah! plutôt mille fois... Non, non, repondoit-elle,
Ismene à vos yeux feuls voudra parroître belle.
Ces legers agrémens que vous m'avez trouvez,
Ces obligeans fouris, vous feront refervez;
Je n'écouterai point fans contrainte et fans peine
Les chants de vos Rivaux, fuffent-ils pleins d'Ismene,
Vous ferez fatisfait de mes rigueurs pour eux,
Mais n'ayons point d'amour, il eft trop dangereux.

Et bien reprenoit-il ce fera mon partage D'avoir fur mes Rivaux quelque foible avantage, Vous favez que leurs coeurs vous font moins assu

rez,

Moins acquis que le mien, et vous me preferez,
Toute autre l'auroit fait; mais enfin dans l'abfence.
Vous n'aurez de me voir aucune impatience,
Tout vous pourra fournir un affez doux emploi,
Et vous trouverez bien la fin des jours fans moi.
Vous me connoiffez mal, ou vous feignez peut-être,
Dit-elle tendrement, de ne me pas connoître;
Croïez-moi, Corilas, je n'ai pas le bonheur
De regreter fi peu ce qui flatoit mon coeur;
Vous partites d'ici quand la moiffon fut faite,
Et qui ne f'apperçut que j'étois inquiete?
La jaloufe Doris pour me le reprocher
Parmi trente Pafteurs vint exprès me chercher.
Que j'en fentis contre elle une vive colere!
On vous l'a raconté, n'en faites paint myftere,
Je fais combien l'abfence eft un tems rigoureux,
Mais n'ayons point d'amour, il eft trop dangereux.

Qu'auroit dit davantage une Bergere amante?
Le mot d'amour manquoit, Ismene étoit contente,
A peine le Berger en efperoit-il tant,

Mais fans le mot d'amour, il n'étoit point content.
Enfin pour obtenir ce mot qu'on lui refuse,

Sontenelle, Il fonge à le fervir d'une innocente rufe:
Il faut vous obéir, Ismene, et dès ce jour,
Dit-il en foupirant, ne parler plus d'amour.
Puisqu'à votre repos l'amitié ne peut nuire,
A la fimple amitié mon coeur va fe reduire,
Mais la jeune Doris, vous n'en fauriez douter,
Si j'étois fon amant, voudroit bien m'écouter,
Ses yeux m'ont dit cent fois, Corilas, quitte Ismene,
Viens ici. Corilas, qu'un doux efpoir t'amene.
Mais les yeux les plus beaux m'appelloient vaine-
ment,

J'aimois Ismene alors comme un fidele Amant,
Maintenant cet amour que votre coeur rejette,
Ces foins trop empressez, cette ardeur inquiette,
Je les porte à Doris, et je garde pour vous
Tout ce que l'amitié peut avoir de plus doux,
Vous ne me dites rien? Ismene à ce langage
Demeuroit interdite et changeoit de vifage.
Pour cacher fa rougeur, elle voulut en vain
Se fervir avec art d'un voile ou de fa main,
Elle n'empêcha point fon trouble de paroître,
Et quels charmes alors le Berger vit-il naître?
Corilas, lui dit-elle en détournant les yeux,
Nous devions fuir l'Amour, et c'eût été le mieux,
Mais puisque l'amitié vous paroit trop paffible,
Qu'à moins que d'être Amant vous êtes infenfible,
Que la fidelité n'eft chez vous qu'à ce prix,
Je m'expofe à l'Amour, et n'aimez point Doris.

Gref

Grefset.

(Jean Baptiste Louis Grefset, geboren zu Amiens, 1709, gestorben 1777, war einer der angenehmsten, gefälligs ften und beliebtesten Dichter der Franzosen, in mehrern Gatz tungen. Vorzüglich war er Meister in der Kunst das anges nehmste Kolorit mit den feinsten Zügen des Wißes, der immer der Natur getreu blieb, und mit dem lieblichsten Wohllaut der Sprache zu verbinden. Die von ihm mehr nachgeahmten als überfekten Eklogen Virgil's behaupten noch immer unter so vielen ähnlichen Versuchen französischer Dichter die erste Stelle. Folgende Schilderung des goldnen Weltalters hat zwar die lyrische Form, aber doch den ganzen innern Charakter der Schäferpoesie. Der fel. Gög hat fie sehr glücklich im Deutschen nachgeahmt, und in manchen Stellen sein Original noch übertroffen. S. defen Verm. Gedichte, Th. I. S. 16.)

LE SIECLE PASTORAL.

Greffet,

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Greffet.

Tout l'Univers étoit champêtre,
Tous les hommes étoient Bergers;
Les noms de fujet et de Maitre
Leur étoient encor étrangers,

Sous cette jufte indépendance,
Compagne de l'égalité,

Tous dans une même abondance
Goûtoient même tranquillité.

Leurs toits étoient d'épais feuillages,
L'ombre des Saules leurs lambris,
Les Temples étoient des bôcages,
Les Autels des gazons fleuris.

Les Dieux défcendoient fur la Terres
Que ne fouilloient aucuns forfaits;
Dieux moins connus par le tonnerre,
Que par d'équitables bienfaits.

Vous n'étiez point, dans ces années,
Vices, crimes tumultueux:
Les paffions n'étoient point nées,
Les plaifirs étoient vertueux.

Sophismes, erreurs, impoftures,

Rien n'avoit pris votre poison;
Aux lumiéres de la Nature
Les Bergers bornoient leur raison.

Dans leur République champêtre
Regnoit l'ordre: image des Cieux,
L'homme étoit ce qu'il devoit être;
On penfoit moins, on vivoit mieux.

Ils n'avoient point d'Aréopages,
Ni de Capitoles fameux;
Mais n'étoient-ils point les vrais fages,
Puisqu'ils étoient les vrais heureux?

Ils ignoroient les Arts pénibles,
Et les travaux nés du besoin;

Des

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