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Du monftre homme et taureau quelque fût le cour-, Dourrigne

roux,

Ton coeur te fuffifoit pour parer tous fes coups,
Avec un coeur fi dur il n'est point de victoire
Qu'on ne puisse obtenir fans péril et fans gloire.

O toi, de cet ingrat confident odieux,
Sommeil, qui de ton ombre enveloppas mes yeux,
Afin de leur cacher fa fuite criminelle;

Que ne les couvris - tu d'une nuit éternelle ?
Vent, par qui fon vaisseau fut guidé fur les flots,
Devois-tu protéger le plus noir des complots?
Et toi, perfide Amant, par une ardeur trompeufe
Falloit-il abufer mon ame malheureuse?
Cette ardeur, le fommeil et le vent à la fois,
Contre mon foible coeur confpirerent tous trois.

AINSI donc fur ces bords je vais perdre la vie,
Sans pouvoir éfperer qu'une mere chérie,
En me fermant les yeux, foulage mes douleurs,
Et fans voir mon trépas adouci par fes pleurs!
Il faudra qu'en ces lieux, privé de sépulture,
Des avides oifeaux mon corps foit la pature;
Et mes manes errans y chercheront en vain,
Pour affurer leur fort, quelque pieuse main!

Pour toi, tu reverras Athènes; et ton coura-
ge

De mille adulateurs y recevra l'hommage:

Tu leur diras, comment ton bras victorieux
Fit tomber fous fes coups un monftre furieux;

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1

Dourrigne'. Et par quel art tu fus, prodiguant les miracles,
Du labyrinthe obscur franchir tous les obftacles :
Mais vante toi fur tout, à leurs yeux fatisfaits,
D'avoir caufé ma mort pour prix de mes bienfaits;
Ce merveilleux exploit vaut bien que tu t'en flat-

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tes:

La trahison doit plaire à des ames ingrates;
Et tu vas bientôt voir de fi beaux fentimens
Multiplier pour toi leurs applaudiffemens.

NON, d'Egée et d'Ethra tu n'as point reçu

l'être;

Un fang fi glorieux n'eût pas produit un traître ;
Et la mer infidelle a pu feule enfanter

Un monftre tel que toi, né pour me tourmenter.

QUE n'as tu pu, Barbare, hélas! de ton navi.

re,

Etre témoin des maux dont mon ame loupire!
Ce fpectacle, fans doute, eût fléchi ta rigueur,
Et la compaffion eût défarmé ton coeur.
Mais fi ce n'eft des yeux, vois tu moins en idée
Les éternels ennuis dont je fuis obfédée;
Vois Ariane en pleurs, qui, l'oeil triste, abattu,
Languit fur un rocher par les vagues battu:
Vois tous ces ornemens qui relevoient- mes char-

mes

Et mon voile flottant, arrofés de mes larmes.
Mon coeur cede aux tourmens dont il eft accablé;
Semblable à ces moiffons, qu'en champ défolê,

Courbe

Courbe d'un vent fougueux l'impétueufe haleine.
Je friffonne, mon corps ne se soutient qu'à peine,
Et tes yeux en verront un figne trop certain
Dans ces traits mal-formés par ma tremblante main.

C'EN eft fait, je renonce à la vaine efperan

ce

D'inspirer à ton coeur quelque reconnoiffance:
Mais fi par des bienfaits on ne peut l'émouvoir,
L'humanité fur lui n'a-t-elle aucun pouvoir?
C'est affés d'être ingrat; n'étends point ta furie
Jufqu'à donner la mort à qui fauva ta vie:
Vois à travers les flots qui t'éloignent de moi,
Ces mains qu'avec effort je fouleve vers toi:
Confidere ce fein enfanglanté par elles.

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Rien n'égale l'excès de mes douleurs mortelles:
Quel coeurs, en les voyant ne feroient pas tou-

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chés?

Presque tous mes cheveux par moi-même arra

chés,

Sont de mon défespoir une preuve funeste:

Toi feul peux de ma rage en garantir le refte.
Hâte-toi donc, Théfée, et par un prompt fecours,
Au glaive de la mort viens dérober mes jours;
Je fens qu'elle s'approche, et déja fes tenebres
Obscurciffent mes yeux de leurs vapeurs fune-
bres;

Mais ton retour fuffit arrêter fes coups.

pour

Le vent change; et flattant mes fouhaits les plus

doux,

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Dourrigne'. A rentrer dans ce port fon fouffle heureux t'invite:
Répare les chagrins où m'a plongé ta fuite:

Que ta pitié pour moi me tienne lieu d'amour.
Reviens; et fi l'amour, prévenant ton retour,
A terminé les maux d'une Amante trop tendre,
Daigne, en plaignant mon fort, prendre foin de ma
cendre,

A mes os du bûcher accorder les honneurs,
Et fur ma Tombe enfin répandre quelques pleurs.

Leipzig,

gedruckt bei Christian Friedrich Solbrig.

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