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Le sacre de Notre-Dame fut une nouvelle occasion; ceux qui dressaient des échafaudages dans la cathédrale prétendirent tout d'un coup que le prix de la journée fût porté de 4 à 10 francs; la police mît à Bicêtre les plus plus mutins, mais les documents laissent l'impression qu'une notable augmentation fût accordée.

En 1810, lors de l'édification du simulacre en bois de l'Arc-del'Etoile, pour le mariage de Napoléon, les charpentiers, encore, profitèrent et abusèrent de la situation. Ils exigèrent la journée de 9 francs. Cette attitude des autorités eut pour effet de stimuler leurs prétentions; de 9 francs, chiffre déjà énorme pour l'époque, le salaire quotidien fut en une semaine porté à 18 francs.

Pends-toi, brave Pataud, on a vaincu sans toi et avant toi! On peut voir d'autres faits analogues dans l'article de M. de Laborie. Je m'arrête pour en tirer la morale en deux points: 1° si les ouvriers peuvent obtenir de pareils résultats sans lois en leur faveur et même ayant la loi contre eux, à quoi bon la loi de 1884 sur les syndicats? 2° Si Napoléon n'a pu, avec son pouvoir absolu, réduire les ouvriers à la raison, comment les gouvernements républicains, et surtout socialistes, viendrontils à bout des prolétaires, qui sont aujourd'hui grands électeurs?

Le socialisme se répand dans les milieux universitaires. Les chaires se multiplient, qui prêchent ouvertement le collectivisme marxiste; il y en a à l'Ecole des Hautes-Etudes sociales, au Collège libre des Sciences sociales, et voici que tout un ensemble de cours de doctrine socialiste sont ouverts à l'Hôtel des Sociétés savantes. M. A. Béchaux s'effraie, ou, du moins,s'émeut de cet élan d'endoctrinomanie et se demande pourquoi la jeunesse universitaire se montre si sympathique au socialisme et à son enseignement.

Bastiat a déjà répondu, en partie, à la seconde de ces ques tions, dans Baccalauréat et Socialisme. Quant à la première, il n'y a pas lieu de se désoler; au contraire, il faut s'en réjouir. Si la doctrine socialiste est vraie, elle se répandra pour le plus. grand bien de l'humanité; si elle est fausse, exposée ainsi au grand jour, on s'en apercevra et, quoique la jeunesse ait plus de cœur que de tête, de bonne volonté que de discernement, elle se détournera du socialisme quand elle en aura reconnu la vanité et l'inanité.

M. Béchaux dit que les doctrines des économistes ont servi AVRIL 1910.

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de base à l'élaboration des systèmes socialistes, notamment du système marxiste. Les socialistes n'ont réellement emprunté aux économistes que des erreurs ou des demi-vérités; ils ont considéré comme absolues les lois économiques qui ne sont que relatives et dont on ne doit jamais user que sous la réserve de « toutes choses égales, d'ailleurs ».

Mais je perdrais mon temps à rectifier cette assertion, puisque M. Béchaux la détruit lui-même à la page suivante: (( Il faut remarquer que les anciennes et célèbres théories sur le salaire et ses variations (et plusieurs autres théories de même farine) sont aujourd'hui abandonnées par les économistes, mais qu'elles restent le fond de la doctrine socialiste. »

Le fond de la doctrine socialiste est donc erroné; les socialistes suivent les progrès de la science économique à un siècle de distance. C'est le parti qui se dit avancé!

-M. Tribot-Laspière nous donne des renseignements sur l'industrie du fer en Lorraine et ailleurs. La production de la partie française du bassin lorrain a passé graduellement de 700.000 tonnes en 1885 à 4.687.000 en 1905, et continuera d'augmenter jusqu'en 1973, où elle atteindra 55.000.000. Alors, le gisement s'épuisera et l'extraction diminuera pour s'éteindre en 2023. En ajoutant aux richesses lorraines les 100 millions de tonnes de fer que contient ailleurs notre territoire national, nos réserves de minerai de fer atteignent 2 1/2 milliards de tonnes, ce qui classe la France comme le pays le plus riche en fer du monde entier.

La production du globe est de 130.000.000 T. La production lorraine croît avec une persistance régulière: tandis que la production totale s'est multipliée par 4 depuis 1860, la production lorraine s'est multipliée par 271.

L'exploitation lorraine nécessite 11.000 ouvriers qui ont touché en 1908 des salaires de 5,50 à 15 francs pour le travail souterrain et de 3,50 à 6 francs pour le travail au jour. Mais ce sont des Belges, Luxembourgeois et Italiens qui font ces travaux et perçoivent ces salaires. L'ensemble des capitaux investis dans les mines lorraines était, au 31 décembre 1908, de 869 millions de francs. Le bassin de Briey, nouveau venu, devra forcément exporter, car ceux de Nancy et de Longwy produisent déjà plus que ne demande l'industrie française; mais Briey trouvera facilement des débouchés, car la production diminue en Angleterre et dans d'autres pays.

Revue des Deux-Mondes. L'ancien régime était socialiste avant

le mot. Nos hommes d'avant-garde n'ont rien inventé, ils ne font que surenchérir. Sous la monarchie, l'Etat réglait une foule de choses: le droit au travail était un droit régalien; le taux des salaires, le prix des denrées, la quantité, la qualité, les dimensions de divers produits, etc., étaient soumis à des Ordonnances qui, comme beaucoup de lois sociales, n'existaient que sur le papier, ou n'avaient pour but que de jeter de la poudre aux yeux des naïfs.

Ce système paternaliste a été, en grande partie, renversé par la Révolution et sur ses ruines s'est élevée, par génération spontanée, une nouvelle économie plus ou moins largement libérale.

Si le libéralisme éconuomique était mauvais, depuis plus d'un siècle qu'il est né, la misère aurait dû prendre un développement immense. Or, M. d'Avenel nous montre ce qu'il en est, en décrivant l'évolution des dépenses privées depuis sept siècles. Comparons donc un peu, d'après ces documents, la condition. du peuple, sous le rapport de la nourriture, avant la Révolution, avec celle d'aujourd'hui.

Le poisson de rivière atteignait des prix incroyables: dans un banquet donné par le sire de La Trémoïlle au roi Louis XII, les brochets et les carpes coûtaient 63 francs pièce; 18 lamproies valent 1.520 francs, 84 francs chacune.

Depuis les siècles passés, la volaille de luxe a plutôt diminué de prix, et les volailles ordinaires ont grossi de volume. Elles ont aussi augmenté en nombre. A Paris, depuis cent ans, la consommation par habitant a triplé. Pour le gibier, l'accroissement n'est pas moins rapide: les entrées dans la capitale sont passées de 400.000 kilogrammes en 1850, à 2.800.000 aujourd'hui.

Si les œufs ont renchéri plus qu'aucune autre denrée, c'est sans doute que les 250 millions de douzaines, auxquelles on évalue la ponte annuelle de nos poules, ne nous suffisent pas.

Les « marais » ou potagers urbains, meublés au milieu du XIXe siècle de 350.000 châssis et de 2 millions de cloches, étaient garnis en 1900 d'un million de châssis et de 6 millions de cloches, sans compter leurs serres chauffées au thermosiphon. Leurs exploitants faisaient 3 millions d'affaires sous Napoléon Ier, ils en font aujourd'hui 36 millions sur quelque 1.200 hectares. La production n'a pas seulement décuplé, comme le chiffre d'affaires; elle est 25 ou 30 fois plus forte, parce que les primeurs sont beaucoup moins chères en 1909 qu'en 1850. « C'est un profit positif pour les consommateurs. »

Et ce profit a été obtenu sans lois, sociales ou autres, sans règlements, sans syndicats.

Sous l'ancien régime, encore en 1786, on faisait du pain avec de la racine de fougère, faute de mieux, dans les années de disette. Aujourd'hui, les disettes ont disparu, non pas grâce aux lois protectrices survivantes, mais malgré elles, et grâce à la pomme de terre, dont la récolte, évaluée en 1815 à 30 millions de quintaux, s'élève aujourd'hui à 120 millions d'une valeur de 680 millions de francs.

Le riz était une rareté dans la France du moyen-âge, où il coûtait 2 à 3 francs le kilo, il demeurait objet de luxe. En 1875, il ne valait plus que 0 fr.75, et nous en consommions 34 millions de kilos; aujourd'hui, nous importons 110 millions de kilos que nous partageons avec les animaux de ferme, car une partie de ce grain ne vaut que 0 fr. 25.

Au XIV siècle, les oranges coûtaient 5 francs la pièce. Aujourd'hui elles ne coûtent pas 5 francs le cent et leur consommation a triplé depuis trente-cinq ans. Le Paris de 1819 mangeait 20 fois moins de raisin que le Paris de 1909. La progression n'est pas moindre pour les autres fruits frais, secs ou conservés.

La France de 1750 ne consommait que 1.275.000 kilos de café; aujourd'hui elle en consomme cent fois plus: 120 millions de kilos, sans parler des 20 millions de kilos de chicorée qui s'y ajoutent.

Inutile de citer d'autres exemples. M. d'Avenel se demande comment la même créature a la capacité de consommer, suivant ses ressources, tant et si peu de chose; et il ajoute: Pour procurer à ce Français actuel ce qu'il mange et boit si béatement, il a fallu révolutionner l'agriculture et l'industrie, découvrir les engrais artificiels, acclimater et sélectionner des races, des plantes et des graines, inventer des faucheuses, des batteuses, des moulins, des pressoirs, etc.

Et ce peuple que nous sommes ignore si bien tout ce que ses devanciers immédiats ont fait pour susciter son bien-être, que personne ne s'en aperçoit; personne donc, n'en jouit. « De ces chiffres pourtant, qui nous font saisir l'évolution accomplie, une conclusion philosophique se dégage: c'est que l'humanité est, au fond, indifférente au progrès matériel; elle ne se passionne que pour des idées. »

Les philanthropes qui se donnent tant de mal pour améliorer, par l'Etat, la condition du peuple, perdent donc bien leur temps.

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Bibliothèque universelle et Revue suisse. On s'imagine volontiers que nos rois nageaient dans une abondance sans limites et que les pourpoints de Henri IV percés au coude sont une exception. Il faut en rabattre, si l'on en croit M. Dumoulin. Louis XVI, entre autres, était pauvre comme tous les Panurges du monde. Quoiqu'il fût très économe, il était toujours à court d'argent. Les aumônes, les quêtes, les pensions aux courtisans, etc., etc., absorbaient toutes ses ressources. Tout ce qu'on lui vendait, tous les services qu'on lui rendait, étaient excessivement surfaits. On lui fait payer jusqu'aux produits de ses propres manufactures. « Le roi, visite-t-il la manufacture royale de Sèvres? Les objets qu'il y choisit, il les paie, mais il les paie à tempérament. »>

La dignité de roi de France ne l'exemptait pas de payer le port de ses colis. Autour de lui, on n'avait pas l'ordre et l'économie, qui le caractérisaient: sa sœur et sa femme le désolaient par leur imprévoyance et par les gratifications qu'elles lui arrachaient pour leurs favoris.

A la veille de la Révolution, les courtisans qui mettaient ainsi à contribution le roi et par conséquent le peuple, n'eurent même pas l'esprit de prévoir la catastrophe qui les menaçait. Les courtisans de nos jours seront-ils plus avisés ?

Revue d'économie politique. M. Philippovich décrit l'infiltration des idées sociales dans la littérature économique allemande. L'école historique a engagé la lutte contre le classicisme théorique en attaquant sa conception abstraite de l'économie. et sa méthode générale de raisonner sur les phénomènes économiques en les isolant des circonstances politiques et sociales concomitantes. Le libéralisme classique, en ne tenant compte que de l'égoïsme, avait fait de l'économie politique la science. de la cupidité et de l'avarice. « L'économie politique, dit Hildebrand, ne doit pas se borner à considérer l'individu comme mû par le seul souci de son intérêt propre, mais doit l'examiner avec tous ses attributs. >>

Je ne sais pas trop si l'école historique ne s'attaque pas à des moulins à vent. La méthode analytique, qui consiste à isoler certains phénomènes de tout ce qui les entoure, pour les mieux étudier, en procédant des plus simples aux plus complexes, est la méthode en usage dans toutes les sciences, qui s'en trouvent bien. Pourquoi la science économique ferait-elle exception à cette règle?

Si les économistes classiques s'étaient bornés à isoler, sans réunir ensuite, à abstraire, à analyser en négligeant de synthé

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