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y imposer leurs rasoirs ; et la majorité de ses coilègues, effrayée, a adopté le droit le plus élevé. On a proposé et adopté des majorations de droits sur certains articles parce que les droits existants n'en avaient pas empêché l'importation. Les Américains ont dû abandonner l'argument de la nécessité de protéger les industries au berceau. Mais ils affirment que la création de toute nouvelle industrie est utile.

Dans le Sénat, s'élevèrent d'énergiques réclamations pour une réduction des droits de la part des représentants des grands Etats agricoles du Middle West, le Wisconsin, l'Iowa, le Nebraska, le Minnesota ; mais aucun ne se plaça au point de vue vraiment économique.

Si les importations sont mauvaises par elles-mêmes, et la production intérieure bonne par elle-même, pourquoi exonérer les peaux et frapper le bois ? Les Etats du Sud votèrent contre les droits sur le bois et l'emportèrent.

Les discussions du tarif américain ont montré à quelles considérations sont livrées les intérêts économiques du pays quand ils sont subordonnés aux intérêts politiques. Le Sénat américain se compose de deux membres par Etat, de sorte que les grands Etats industriels comme la Pensylvanie et New-York ne peuvent faire prévaloir leur opinion que par des coalitions avec les petits Etats. Washington, Idaho, Montana, Wyoming, West Virginia, demandaient des droits sur le charbon, parce que les mines de charbon de Washington et des autres Etats voisins sont mal situées et que leur produit est de qualité inférieure.Le droit était de 67 cents par tonne, il a été réduit à 45 cents, mais maintenu. Ils réclamaient aussi des droits sur les peaux, qui avaient été accordés en 1897, sur l'insistance d'un membre. « Ce sénateur, à tendances populistes, dit M. Payne, n'aurait pas voté le tarif s'il n'avait pas compris ce droit sur les peaux. C'est une courtoisie du Sénat de céder à l'un de ses membres quand il demande quelque chose et le droit fut adopté. »

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Modestement, les protectionnistes invoquent volontiers l'autorité des économistes. Une phrase d'Adam Smith et une autre de Stuart Mill sont exploitées par les tariff Reformers, qui voudraient se mettre sous leur patronage. M. Paul Deschanel a essayé de faire de Bastiat un partisan des droits sur les blés. Hélas! tous les orateurs ont montré une ignorance profonde

des principes de l'échange. M. Tausig constate qu'« à peine, dans la discussion du tarif de 1909, a-t-on aperçu une ombre de raisonnements fondés sur les principes exposés dans les livres des économistes >>.

On peut faire la même constatation pour la France de là, la faiblesse de la cause du libre-échange. En dépit des démonstrations de Quesnay, de Turgot, de J.-B. Say, de Bastiat, de Molinari, de Frédéric Passy, renouvelées par l'étude et par la constatation de faits décisifs, le préjugé protectionniste domine et tel qui se croit libre-échangiste ne donne que des arguments protectionnistes. La plupart des hommes que ces questions intéressent le plus n'ont pas encore appris l'a. в. c. du libre-échange.

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Pour réformer les idées, sur ce point, il faut réformer l'idée qu'on attache au commerce international.

D'après M. Cairnes, les conditions qui déterminent le caractère du commerce international sont : 1° la distance géographique. Or, il y a moins loin de Charleroi à Maubeuge que de

Paris à Maubeuge.

2o La différence dans les institutions politiques. Le commerce n'a besoin que d'un minimum de sécurité et de liberté, qui ne dépendent pas toujours des institutions politiques.

3o La différence dans le langage, la religion et les habitudes. Comme il y a quatre langues en Suisse et au moins trois religions, le commerce y serait international! Quant aux habitudes, comme celles de l'habitant de Lyon et celles de l'habitant de Marseille ne sont pas les mêmes, le commerce entre ces deux villes serait international!

Frédéric List a soutenu que, dans le commerce international, c'étaient les nations et non les individus qui faisaient des échanges. Cependant la plus simple observation prouve que ce n'est point le ministre du Commerce français qui envoie pour 1.300 millions de marchandises à son collègue, le président du Board of Trade, en échange de 800 millions de francs de marchandises britanniques que celui-ci lui retournerait. D'un côté à l'autre des frontières, ce sont les individus qui échangent entre eux comme d'un côté à l'autre de la rue.

Le commerce n'est international que lorsque le douanier l'arrête.

Au point de vue économique, que l'échange se fasse dans la même commune, dans le même département, dans la même nation ou entre nations différentes, il est plus ou moins complexe, plus ou moins important; il a des modes divers, mais il est toujours identique. Il n'y a pas de distinction entre le commerce local, le commerce national et le commerce international : il n'y a qu'un commerce!

L'échange a partout et toujours le même caractère. Ses lois sont aussi universelles et constantes que celles de l'arithmétique. Le Belge et le Français vendent et achètent l'un à l'autre en vue d'un gain réciproque, exactement comme le Breton et le Parisien achètent et vendent l'un à l'autre. Le Belge et le Français échangent des produits résultant de la division du travail exactement comme le bourgeois de Lille achète du vin au marchand de vin de Bordeaux, et le meunier du Midi achète du blé de la Beauce.

Nul ne comprendrait plus, en France, le rétablissement de la demi-douzaine de lignes de douanes qui, avant 1789, existaient entre la Bretagne et la Provence. Personne n'admettrait que la Lorraine fût considérée comme une province réputée étrangère. Les octrois eux-mêmes ne sont considérés que comme des moyens de perception d'impôts, mais ils ne doivent pas constituer de douanes intérieures. De même, le Zollverein a fait l'unité économique de l'Allemagne ; la constitution des Etats-Unis a assuré la liberté des échanges sur un territoire presque aussi grand que l'Europe. Le commerce anglais ne se heurte pas à des droits de douanes pour ses exportations; mais pour les importations, il a acquis le marché du monde. Le commerce n'est international que là où il est soumis à l'élément perturbateur de la protection. Cette notion supprime tous les arguments qui essaient de la justifier.

YVES GUYOT.

LES

CLAUSES SUR LA VALEUR DU SOL
DU BUDGET ANGLAIS DE 1909
SONT-ELLES ÉCONOMIQUEMENT JUSTIFIABLES

Quelles que soient les vicissitudes traversées par le Budget de 1909, de M. Lloyd George, il paraît devoir conserver une notoriété considérable. Cette réputation ou cette notoriété regrettable pourra être attribuée dans la suite à différentes causes. Quelques-unes intéresseront peut-être l'historien qui s'occupe des changements de la politique fiscale en Grande-Bretagne, tandis que d'autres inspireront probablement un chapitre au narrateur des développements constitutionnels du Royaume-Uni. Mais ce n'est pas à ce point de vue pourtant si large que nous nous placerons pour faire l'examen suivant. C'est à titre d'expérience nouvelle, grossièrement conçue et gauchement exécutée, que la première partie au moins de ce Bill des Finances recevra notre inspection approfondie. Car, l'étude des méthodes par lesquelles ce Bill tente de donner une expression législative à une idée spécieuse, mais illusoire, sera instructif et permettra d'en tirer une morale pratique, d'application plus étendue.

Dans les clauses traitant des taxes sur les terres, telles qu'elles parurent tout d'abord, nous pouvions suivre les luttes des promoteurs de la législation cherchant à imaginer un fonctionnement intelligible pour une conception incertaine et impalpable. La forme dans laquelle les propositions sortirent enfin du creuset de la critique parlementaire indiquait une amélioration des détails, et les « concessions » accordées en Comités, ou lorsqu'on en vint au Rapport, avaient pour objet de

(1) L'article suivant est dû à M. L.-L. Price, reader in Economic history à l'Université d'Oxford, secrétaire honoraire de la Royal Economic Society, vice-président de la Royal statistical Society, membre de l'Institut International de statistique.

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JOURNAL DES ÉCONOMISTES

modifier quelque brusquerie involontaire. Mais ces clauses
Ini dans leur état primitif lorsqu'elles parurent à la Chambre
des Communes, ni dans l'état où elles furent plus tard présen-

tées à la Chambre des Lords

--

ne pouvaient être considérées

comme des modèles de discernement administratif adaptés par des experts à un fonctionnement facile et régulier. Les distinctions subtiles et les conceptions raffinées qui peuvent être appropriées aux théories imaginaires ne sont point adaptées, - ceci fut démontré incontestablement — à la mise en pratique journalière. Telle est la leçon qui restera gravée dans l'esprit de ceux qui se sont donné la peine de suivre régulièrement les discussions prolongées qui se sont déroulées autour de ce Bill.

un

On aurait pu prévoir le résultat, car ce n'est pas sans surprise que celui qui étudie les développements les plus avancés de la pensée économique, a entendu affirmer hardiment que ces clauses sur la valeur du sol sont la reproduction d'opinions unanimes et autorisées d'un grand nombre d'économistes. Si l'on peut appliquer aux moyens actuels de percevoir les fonds nécessaires aux finances locales d'Angleterre la phrase d'Adam Smith écrite en 1776 (1), que « les rentes foncières urbaines et la rente ordinaire de la terre » sont « le genre de revenu qui peut le mieux supporter une taxe spéciale », examen plus prolongé démontrera l'extension du champ d'action, et l'atténuation de la substance, des arguments avancés à l'appui de cette politique dans les pages de la Richesse des Nations. Une « taxe sur les rentes foncières urbaines », y estil dit, «retombera entièrement sur le propriétaire du sol qui agit toujours en monopoliste »; et « aucun genre d'industrie ne sera découragé » parce que « les rentes foncières urbaines et les rentes ordinaires de la terre sont une espèce de revenu dont le propriétaire jouit, souvent sans avoir à y consacrer aucun soin ou souci personnels ». « La rente ordinaire de la terre », ajoute l'auteur, pour trancher la question, « est fort souvent due, au moins en partie, à l'attention et aux bons soins du propriétaire », mais les « rentes foncières urbaines en tant qu'elles dépassent la valeur ordinaire du terrain, sont entièrement dues à la bonne administration du souverain, protégeant l'industrie soit de toute la nation, soit des habitants d'un endroit particulier ». Dans cette déclaration, les adhérents, envers et malgré tout, du Budget, peuvent s'imaginer qu'ils

(1) « Wealth of Nations ». Livre V, chap. II.

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