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En Australie, le gouvernement, quel qu'il soit, n'a pas la ressource de détourner l'attention du pays en la dirigeant vers des questions sentimentales. La liberté religieuse et celle de l'enseignement y sont entières et hors de discussion. L'ordre règne dans la rue et l'interpellation ne sévit pas au Parlement. L'antimilitarisme irait à l'encontre des idées actuelles, de plus en plus favorables à une solide organisation de la défense nationale, tant sur mer que sur terre. Les rapports avec la mère-patrie sont excellents, et le ministère ne serait pas à même de chercher dans des complications extérieures un dérivatif aux difficultés intérieures puisque, dépendance de l'Empire britannique, le Commonwealth est déchargé du soin d'avoir une politique étrangère. Il n'a donc à s'occuper que de questions économiques. Or, ce sont celles qu'un gouvernement socialiste est, par son inexpérience, le moins apte à traiter, comme par son principe même, il est le moins qualifié pour les résoudre.

J'ai donc pu dire avec raison, au début de cet article, que l'expérience se présentait dans des conditions bien nettes. J'ai ajouté « favorables ». Il faut entendre favorables, non à son succès, mais à son exécution et à sa durée. La Chambre des Représentants est élue pour trois années, le Sénat fédéral pour six années, renouvelable par moitié tous les trois ans. La parfaite cohésion du Labour party ne permet pas de prévoir des défections de nature à affaiblir sensiblement la majorité qu'il possède aujourd'hui dans chaque Chambre. L'opposition parlementaire étant réduite à l'impuissance, et le visa du gouverneur général acquis d'avance à toute mesure votée par les Chambres fédérales, autant qu'elle n'affecte pas les intérêts généraux de l'empire ou les dispositions d'un traité international en vigueur, cette majorité peut légiférer sans frein ni contrôle pour une période d'au moins trois ans. Le champ ouvert au développement de la politique du Labour party n'a plus d'autres limites que celles fixées par la Constitution du Commonwealth, réservant les droits des Etats à l'égard du gouvernement central, et d'ailleurs modifiable, comme on l'a vu plus haut, si le referendum populaire ratifie les propositions adoptées par les deux Chambres.

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Cependant, avant d'engager la lutte sur le terrain constitutionnel, le nouveau gouvernement devra aborder les questions financières, budgétaires et d'administration générale, que a lègue son prédécesseur. Au premier plan, celle des relations avec les Etats et celle de la fusion des dettes, toutes deux urgentes et

complexes. Il ne reprendra pas à son compte le programme da ministère Deakin, mais il est obligé d'en présenter un autre sur les mêmes sujets: réorganisation de l'armée, création d'une marine, extension des voies ferrées, révision des tarifs de douane, codification des lois commerciales, mise en valeur du Northern Territory, amélioration des services de l'agriculture, etc... Ce ne sont pas des questions nouvelles, ni d'ordre secondaire, ni de solution aisée. En même temps, il lui faudra réaliser ses propres engagements, étendre en toutes directions l'autorité et la responsabilité de l'Etat, garantir le salaire des travailleurs, et surtout lutter contre l'impatience de ceux qui l'ont porté au pouvoir. Le caucus (réunion générale du parti) lui dictera ses volontés, et quelles qu'elles soient, les ministres devront s'y soumettre ou se démettre. Telle est la règle immuable et d'avance acceptée.

Que deviendront, pendant cette période de dictature socialiste, les finances de l'Australie? On ne peut, à ce sujet, que faire des conjectures. La situation économique de ce pays dépend des conditions météorologiques plus que de l'autorité législative, parce que la majeure partie de sa richesse est créée par les industries pastorales et agricoles. Après une période de dépression, commencée en 1893, accentuée en 1897, terminée en 1902, l'Australie n'a connu que des années de belles récoltes. Elle a reconstitué ses troupeaux, réduits de moitié pendant la période de sécheresse. Elle a beaucoup dépensé, mais elle a gagné davantage, et porte avec aisance des charges budgétaires alourdies par une dette excessive eu égard au nombre des habitants. Sous un gouvernement sage, l'Australie eût pu, tout en développant ses ressources naturelles, se créer, par l'amortissement de sa dette, des réserves de crédit en prévision des mauvaises années. Sous le gouvernement relativement raisonnable du parti radical protectionniste, le budget fédéral, qui était de 100 millions il y a dix ans, s'est accru à 170 millions (1). En même temps, la somme des dettes des Etats augmentait d'un peu plus d'un milliard, et dépasse aujourd'hui six milliards. La population (4.300.000 habitants) s'accroît, y compris l'immigration, d'ailleurs faible, au taux de 15 p. 100 en dix ans. La valeur des productions du sol et du sous-sol a augmenté dans la même récente période, d'environ 42 %. Ces quelques chiffres suffisent à mettre en évi

(1) Il y faut ajouter les budgets des Etats, comprenant le service des dettes, et s'élevant à environ 900 millions de francs.

dence les belles capacités productrices du pays, l'insuffisance du chiffre de la population et le trop rapide accroissement des dépenses du gouvernement central. Il semble donc que la meilleure politique à suivre eût été d'encourager les initiatives privées, l'immigration sous toutes ses formes (l'excès n'en étant pas à redouter dans une contrée si lointaine), de favoriser l'afflux des capitaux et d'en protéger l'utilisation. Ce sont des vues contraires qui prévalent aujourd'hui. Les destinées de l'Australie, au moins pour les années prochaines, sont confiées à des hommes qu'on dit intègres et intelligents, mais certainement et volontairement dédaigneux des principes nécessaires pour assurer l'ordre et l'économie dans les finances. Ils vont tenter une série d'expériences dont le plus grand nombre ne réussiront pas et la fortune publique en paiera les frais. Telle est la seule conséquence qui se dégage avec certitude de l'examen de la situation politique actuelle de l'Australie.

BIARD D'AUNET.

MOUVEMENT SCIENTIFIQUE

ET INDUSTRIEL

La mise à contribution économique des réserves que nous offre la nature: la captation de la lumière et de la chaleur solaire. Les tentatives peu satisfaisantes faites jusqu'à ce jour; ce que représente de charbon le rayonnement du soleil. Les essais d'Ericsson. Les expériences récentes et les installations de Shuman en Amérique; l'accumulation de la chaleur; les dépenses de premier établissement. Prix de revient comparé du cheval-vapeur obtenu avec la chaudière solaire et avec le combustible ordinaire. Les tentatives de MM. Wilsie et Boyle. Le four solaire de MM. Stock et Heynemann. Le besoin de matières premières pour la fabrication du papier; les succédanés déjà employés et ceux qu'on essaie en vue d'un abaissement du prix de revient et d'une plus complète satisfaction de la consommation. Papier imprimé rentrant dans la fabrication; joncs et ajoncs, plantes du Brésil, ananas, filasse et gousses du cotonnier; bambou, etc. Le machinisme dans la pêche maritime. La crise du chalutage à vapeur en France. Bon marché d'établissement et de fonctionnement des bateaux dotés de moteurs tonnants. La vulgarisation du bateau de pêche à pétrole dans tous les pays. Ce qu'on peut faire et ce que l'on a déjà fait en la matière en France,

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Sans tomber dans l'illusion grossière des « richesses naturelles gratuites », il faut bien comprendre que, dans le domaine technique et industriel, nous avons intérêt à serrer de plus en plus près la nature; à lui demander les produits dont nous avons besoin, l'énergie indispensable à presque toutes les opérations de la vie moderne, en les empruntant, en les captant et les asservissant là où ils se présentent en plus grande abondance, et à l'état qui nécessite le moins de transformations intermédiaires. Nous parvenons ainsi à diminuer le prix de revient; et nous avons, de plus, on pourrait presque dire surtout,

l'avantage de puiser à une réserve qui semble pratiquement inépuisable.

C'est ce que l'on est arrivé à faire pour les nitrates dits artificiels, que nous fournit l'air atmosphérique. Et voici que l'on voudrait procéder de façon quelque peu analogue vis-à-vis de ce soleil, qui est normalement pour nous une source admirable de lumière et de chaleur; mais lumière et chaleur que nous recevons quand les phénomènes naturels le permettent, et que nous n'avons guère encore domestiquées. On peut dire que la nature dilapide la lumière solaire, au moins en apparence, et en ce sens qu'elle nous la distribue durant la journée en surabondance souvent fatigante pour nos yeux. Combien ne serait-il pas précieux d'en pouvoir capter une partie pour l'avoir ensuite à sa disposition, au moment où le soleil a disparu et où la nuit est venue! De même, cette chaleur solaire qui accompagne la lumière, et qui est encore bien plus excessive, dans certaines saisons ou certains climats, qui se répand à la surface de la terre sans que sa totalité soit nécessaire à la vie animée, ne pourraitelle nous procurer le calorique que nous demandons à la houille? Ne pourrait-elle chauffer des chaudières pour engendrer de la vapeur, commander des moteurs, produire, par suite, de la force motrice, du mouvement, de la lumière aussi d'ailleurs, et tout ce que nous demandons à nos machines motrices ?

Ces rêves ou ces désirs hantent depuis bien longtemps la tête d'une multitude d'inventeurs, plus ou moins ingénieux, plus ou moins naïfs parfois. Les appareils les plus variés ont été imaginés pour ce qu'on appelle l'utilisation industrielle de la chaleur solaire. Cette captation paraît, du reste, b.en simple. Le fait est que la température solaire est extrêmement élevée; et, sans nous appesantir sur la question de sa mesure, à laquelle s'acharnent une foule de savants, nous n'avons pas à démontrer que la terre en reçoit une proportion très notable. Nous allons voir tout à l'heure pourtant qu'il ne faut pas s'exagérer cette importance de la chaleur déversée sur la terre, par unité de surface du moins. En tout cas, ce qui prouve que la mise à contribution, la domestication du soleil est poursuivie par les esprits les plus sérieux, c'est qu'elle faisait l'objet d'un exposé récent à la Faculté de l'Art de l'ingénieur dépendant de l'University College de Londres. M. Fleming y rappelait que, d'après les recherches de Langley et d'autres, le soleil, par beau temps et à midi, quand il est vertical, envoie sur la terre l'équivalent d'une puissance de 17.500 chevaux-vapeur par hec

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