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SECTION VI

222]

339

Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête1 (car ce n'est que l'expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir l'homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute2.

339

Cf. B., 39; C., 60; P. R., XXIII, 1; Bos., I, iv, 2; Faug., II, 83; HAV., I, 2; MOL., I, 72; MICH., 469.

1. [Corps.]

2. Port-Royal ajoute : « C'est donc la pensée qui fait l'être de l'homme, et sans quoi on ne le peut concevoir. » - Il est superflu de faire remarquer que c'est là une conception cartésienne : « Je pouvais feindre, dit Descartes, dans le Discours de la Méthode, que je n'avais aucun corps. Je me considérai moi-même comme n'ayant point de mains, point d'yeux, point de chair, point de sang. » 1re Médit. Mais par le fait même de cette fiction, j'existe en tant qu'être pensant. La pensée est l'essence de l'homme. Havet a mème signalé un texte posthume de Descartes dont les expressions sont presque semblables à celles de Pascal (il ne fut publié d'ailleurs qu'en 1701): « Il m'a été nécessaire, pour me considérer simplement tel que je me sais être, de rejeter toutes ces parties ou tous ces membres qui constituent la machine humaine, c'est-à-dire il a fallu que je me considérasse sans bras, sans jambes, sans tête, en un mot sans corps. » (Recherche de la Vérité par la Lumière naturelle.)

PENSÉES.

II 17

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Qu'est-ce qui sent du plaisir en nous? est-ce la main? est-ce le bras? est-ce la chair? est-ce le sang? on verra qu'il faut que ce soit quelque chose d'immatériel.

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La machine d'arithmétique fait des effets' qui approchent plus de la pensée que tout ce que font les animaux; mais elle ne fait rien qui puisse faire dire qu'elle a de la volonté, comme les animaux.

339 bis

Cf. C., 57; P. R., XXIII, 2; Bos., I, IV, 2; FAUG., II, 83; MoL., I, 72; MICH., 883.

340

Cf. B., 391; C., 359; Bos., suppl., I; FAUG., I, 223; Hav., XXV, 67; MOL., II, 149; MICH., 439.

1. Voici ces effets décrits dans le privilège accordé le 22 mai 1649 à la machine arithmétique de Pascal: « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, etc.; salut. Notre très-cher et bien-amé le sieur Pascal nous a fait remontrer qu'à l'imitation du sieur Pascal, son père, notre conseiller en nos conseils, et président en notre cour des aides d'Auvergne, il aurait eu, dès ses plus jeunes années, une inclination particulière aux sciences mathématiques, dans lesquelles, par ses études et ses observations, il a inventé plusieurs choses, et particulièrement une machine, par le moyen de laquelle on peut faire toutes sortes de supputations, additions, soustractions, multiplications, divisions, et toutes les autres règles arithmétiques, tant en nombres entiers que rompus, sans se servir de plume ni jetons, par une méthode beaucoup plus simple, plus facile à apprendre, plus prompte à l'exécution, et moins pénible à l'esprit que les autres façons de calculer qui ont été en usage jusqu'à présent; et qui, outre ces avantages, a celui d'être hors de tout danger d'erreur qui est la condition la plus importante de toutes dans les calculs. >>

2. A la page 202 du manuscrit.

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L'histoire du brochet et de la grenouille de Liancourt: ils le font toujours, et jamais autrement, ni autre chose d'esprit'.

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Si un animal faisait par esprit ce qu'il fait par instinct, et s'il parlait par esprit ce qu'il parle par instinct, pour la chasse, et pour avertir ses camarades que la proie est trouvée ou perdue, il parlerait

341

Cf. B., 391; C., 357; Faug., I, 203; Hav., XXV, 2 bis; MoL., II, 149; MICH., 436.

1. On ne connaît pas autrement l'histoire à laquelle Pascal fait allusion. On soupçonne seulement qu'elle était destinée à défendre << l'esprit des bêtes » contre les partisans de l'automatisme. Le duc de Liancourt, après une jeunesse brillante et orageuse, avait été ramené à la religion par sa femme, il était devenu un des plus fermes soutiens de Port-Royal: ce fut même lui qui, pour avoir logé chez lui un janséniste, l'abbé Bourzeis, essuya le refus d'absolution qui devint le point de départ de l'affaire des Provinciales. Fontaine nous le représente opposant son expérience de chasseur au cartésianisme d'Arnauld: « J'ai là-bas deux chiens qui tournent la broche chacun leur jour. L'un, s'en trouvant embarrassé, se cacha lorsqu'on l'allait prendre, et on eut recours à son camarade pour tourner en sa place. Le camarade cria, et fit signe de sa queue qu'on le suivît: il alla dénicher l'autre dans le grenier et le houspilla. Sont-ce là des horloges ? dit-il à M. Arnauld qui trouva cela si plaisant qu'il ne put s'empêcher d'en rire. » Pascal répondrait à un récit semblable de Liancourt par le second des arguments invoqués par Descartes dans la Ve partie du Discours de la Méthode: la raison est un instrument universel; l'instinct est spécial, il correspond à une habitude particulière de la machine.

342

Cf. B., 37 bis; C., 57; Faug., I, 203; Hav., XXV, 11; MOL., II, 148 Місн., 493.

bien aussi pour des choses où il a plus d'affection, comme pour dire : Rongez cette corde qui me blesse, et où je ne puis atteindre'.

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Instinct et raison, marques de deux natures".

1. Le fragment doit avoir pour but de répondre à une objection présentée par un adversaire des animaux-machines, un chasseur comme le duc de Liancourt, contre le premier argument cartésien, à savoir que les animaux n'ont point de langage. Les chiens de chasse ont une façon de parler entre eux. Mais ce langage, réplique Pascal, ne traduit pas une pensée véritable; autrement ils seraient capables d'exprimer ce qui devrait leur tenir le plus au cœur. S'ils ne le peuvent pas, c'est qu'il n'y a point d'universalité dans le langage des bêtes, et là où il n'y a pas universalité, il n'y a pas d'esprit.

343

Cf. C., 57; FAUG., I, 260; HAV., XXV, 74; MoL., I, 47; MICH., 882.

344

Cf. C., 60; FAUG., I, 223; HAV., XXV, 15; MoL., I, 67; MICH., 884. 2. Ce court fragment est susceptible de deux interprétations: la première, et la plus générale, est expliquée par Pascal lui-même dans son Fragment de Préface pour le Traité du Vide: « N'est-ce pas là traiter indignement la raison de l'homme, et la mettre en parallèle avec l'instinct des animaux, puisqu'on en ôte la principale différence, qui consiste en ce que les effets du raisonnement augmentent sans cesse, au lieu que l'instinct demeure toujours dans un état égal ? » La seconde se réfère au titre du fragment 395: « Instinct, Raison »>, et au fragment 396: « Deux choses instruisent l'homme de toute sa nature l'instinct et l'expérience. » Dans ces fragments, Pascal entend par instinct le souvenir de la perfection originelle, l'aspiration au vrai et au bien dont les constatations de l'expérience ou les arguments de la raison montrent la vanité. L'instinct et la raison seraient ainsi les marques des deux natures qui coexistent dans l'homme même.

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La raison nous commande bien plus impérieusement qu'un maître; car en désobéissant à l'un on est malheureux, et en désobéissant à l'autre on est un sot.

169]

63]

346

Pensée fait la grandeur de l'homme'.

2

347

H. 3. L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible

345

Cf. B. 397; C., 371; Bos., I, IX, 2; FAUG., I, 212; HAV., VI, 2; MoL., II, 143; MICH., 552.

346

Cf. B., 395; C., 367; FAUG., II, 83; MoL., I, 70; MICH., 418.

1. Mont., III, III: « Le mediter est un puissant estude et plein, à qui sçait se taster et employer vigoureusement: i'aime mieux forger mon ame que la meubler. Il n'est point d'occupation ny plus faible, ny plus forte, que celle d'entretenir ses pensees, selon l'ame que c'est; les plus grandes en font leur vacation, quibus vivere est cogitare aussi l'a nature favorisee de ce privilege, qu'il n'y a rien que nous puissions faire si longtemps, ny action à laquelle nous nous adonnions plus ordinairement et facilement. C'est la besongne des dieux, dict Aristote, de laquelle naist et leur beatitude et la nostre. » Le Discours sur les passions de l'amour commence par ces mots : « L'homme est né pour penser. »

347

Cf. B., 100; C., 129; P. R., XXIII, 6; Bos., I, iv, 6; Faug., II, 84; HAV., I, 6; MOL., I, 70; MICH., 174.

2. Les signes H. 3 paraissent ultérieurement ajoutés. On peut conjecturer que H est l'indication du titre Homme, et 3 le numéro du chapitre ou du paragraphe. Cf. fr. 72, et l'indication du fr. 693.

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