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la prifon n'est pour eux que privation de la liberté, obligation au travail, à l'ordre, au filence. Quand en 1786, la loi qui abolisfait la peine de mort et qui ordonnait le nouveau régime des prifons, fut faite, deux prifonniers arrêtés pour crimes que l'ancien code pénal punisfait de mort, et qui par le nouveau ne l'étaient que de détention, préférèrent d'être jugés felon l'ancienne loi, plutôt que de fe foumettre à cette reclufion longue et rigoureuse, à ce folitary confinement qu'ils redoutaient avec effroi, fans en avoir cependant éprouvé l'amer tume. Ils étaient encore guidés dans ce choix, par l'espérance du pardon qui alors lès eut vendu entièrement à la liberté. Un d'eux ne fut pas trompé dans fon espérance, l'autre fubit la mort. Ceux des prifonniers d'alors; destinés à rester en prison et qui n'avaient vu que des bienfaiteurs et des amis dans les membres du comité; tant que leurs foins s'étaient bornés à leur donner des vêtemens et à leur procurer une meilleure fubfiftance, n'y virent plus que des ennemis, quand ils furent qu'ils s'occupaient d'écarter de la prifon tout espèce de désordre. Tout ce qu'ils purent mettre d'oppofitions partielles et combinées à l'établissement du nouveau régime par astuce, par réfistance ouverte, par refus de

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travail, par tous les moyens enfin en leur pouvoir, ils l'employèrent; et le premier jour même où le régime commença, tous mettant à exécution le complot fait d'avance, tentèrent de forcer la prifon. Quinze s'échappèrent; les autres en furent empêchés. Le geolier lui-même plus intêresfé qu'aucun autre à la continuation des désordres, mit tous les obftacles qu'il put aux efforts faits pour les détruire. Il disputait de crédit aux infpecteurs avec avantage, s'oppofait à tout changement, perpétuait les abus, et fes exactions, et les infpecteurs ne pouvaient pas obtenir feulement qu'il fut puni. Car comme les préjugés étaient très répandus contre l'innovation projettée, cet homme pouvait trouver des défenfeurs, même parmi ceux qui défiraient fincèrement le bien. Mais bientôt après, une circonftance d'une nature grave ouvrit les yeux à fes protecteurs abufés, ils l'abandonnerent: il fut chasfé de fa place, et les obftacles cesfèrent.

Toutes ces oppofitions faites à cette époque, prouvent autant combien le régime d'ordre, de travail et d'exacte févérité, était redouté des prifonniers, et de leurs gardes, que l'heureux réfultat dont j'ai rendu compte, prouve combien il était fagement défiré de ceux qui en ont conçu, provoqué et fait l'établissement. La ferme

détermination de vaincre tous les obftacles, les a tous vaincus. Ce moyen est rarement employé fans fuccès. Aucune tentative d'évasion n'a été faite depuis par les prifonniers: neuf feulement qu'un excès de confiance avait laissé travailler hors l'enceinte de la prifon, fe font échappés; quatre d'entr'eux ont été repris.

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Ceux qui de la connaissance de ce fait concluraient, comme Brisfot, que les prifonniers fé trouvent fi bien dans leur prifon qu'ils ne tentent pas de la forcer, concluraient très faux (heureufement pour le nouveau régime); car le bienêtre qui ferait aimer le féjour d'une prison, ferait tout ausfi condamnable dans la fin de la détention; qué la dureté et l'injustice qu'on en à bannies. Les murs font élevés, les portés font fortes, la furveillance est continuelle et grandez et le prifonnier fait que s'il échappait, il courrait le risque probable d'être repris, et de voir fa détention prolongée, après un long tems de ce redoutable folitary confinement, fans qu'alors il lui restat de probabilité de pardon à aucune époque: il fait que fa bonne conduite abrègera la durée de fa détention; c'en est asfez fans doute pour prévenir les tentatives d'évafion; car les prifonniers que l'on ne prive jamais de leur couteau, ont pour leurs différens travaux, l'ufage des outile

qui pourraient leur en faciliter les moyens, fi l'usage n'en était pas furveillé ; et presque aucun n'échappe de l'intérieur de la piifon.

Il réfute donc de cet esfai, qui compte déjà quatre années d'épreuve, 1° que beaucoup d'hommes jadis perdus pour la fociété y font utiles, y rapportent l'habitude & les moyens de travail, qui dans tous les pays du monde font un grand préservatif contre les crimes. 2°. Que la dépense de leur détention, n'en eft pas une pour la fociété, puifque l'état qui avant l'établissement de la clouterie n'avait déjà à fupporter que les frais des réparations et des gages des employés (1), fe trouve aujourd'hui par cette manufacture defrayé de toute dépense, et qu'il y a même un excédant de recette versé dans le tréfor, pour être employé à d'autres dépenfes publiques. (2)

(1) La totalité de ces dépenfes fupportées par le Comté pour gages du geolier et des porte-clefs, réparations etc. n'étoient que de mille dollars. Il ne fera pas fans intérét d'ajouter, que dans le tems où les fers étoient employés dans les prifons, le mémoire du ferrurier s'élevoit à 800 dollars par an (terme moyen) aujourd'hui et depuis quatre ans que les fers font fupprimés, il ne s'éleve annuellement qu'à 40.

(2) Comme cette manufacture est toujours croisfante, et que fon gain dépend du nombre de bras qui y font employés, on n'a parlé que généralement du profit qu'elle donne à la mai"fon qui est réel et déjà confidérable,

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Le fystême nouveau est donc arrivé au point d'être plus complet, qu'Howard lui-même n'avoit ofé en concevoir l'idée : car il traitait d'illufion l'espoir que le travail des détenus pût fatisfaire à la dépenfe de leur entretien (1), et ceux de Philadelphie emportent toujours en fortant un bénéfice, après avoir payé tous les frais qu'ils ont occafionnés car il croyoit que les fers et même les coups étaient indispenfables pour la punition des prifonniers (2); et les coups, et les fers font prohibés dans la prifon de Philadelphie; et la peine de mort enfin dont encore Howard lui-même penfait que la loi devait punir le bris des maifons, l'incendie, et le meurtre, est réfervée aux meurtres au premier degré. Cette peine fi fouvent prononcée par les législateurs dans le feul embarras de ce qu'ils pourraient faire des criminels à qui on laisferait la vie, n'est en bonne morale et en fage politique posfible à

Il est à efpérer que l'état particulier de toutes les dépenfes, et des produits de chaque branche de travail fera mis au jour par les infpecteurs: ces connaisfances de détail font précieuses, et elles ne peuvent être transmifes avec confiance par l'homme étranger à cette administration qui ne veut dire que la vérité.

J'en joins un a cette nouvelle edition, que je me fuis procuré depuis l'impresfion de la premiere et qui est authentique. (1) Vol. 1er. page 41.

(2) Vol. 2d. Règle pour les prifons, page 227.

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