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trop de pareils exemples. Mais on ne peut imaginer aucun interêt qui les porte, en aucun pays du monde, à ordonner, ou à maintenir un code pénal plus rigoureux qu'ils ne le croy ent nécessaire pour la répresfion des crimes, et pour le bien de la focieté. Ce ne peut donc étre que la feule opinion de la necesfité de la peine du mort, et de l'impossibilité d'y suppléer, qui la leur fait encor conferver dans leur code.

Le devoir des gouvernemens est, aujour d'hui, de s'empresfer d'approfondir cette opinion, dont l'examen les conduira à la conviction de la verité contraire.

L'exemple de la Penfilvanie a montré évi demment, pour cet État, l'inutilité de la peine de mort, et le bienfait de fa fuppresfion. I devait faire la cenfure févère de tous les autres Etats de l'Amérique, qui ne s'empresseraient pas à l'imiter entiérement, parce que tous font dans une fituation femblable, ou à peu-près pareille de focièté; mais il n'en est pas de même pour toutes les nations Européennes. J'ai asfés indiqué ces differences esfentielles, et les caufes principales de ces differences, dans la premiere partie de cet écrit, pour qu'il foit necesfaire de les repèter ici, ou même de donner plus de developpement à leur expafé,

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Tout convaincu que je fois, qu'un tei fistême peut être établi en Europe, fans plus d'incon yéniens, et avec les mêmes avantages qu'en Amérique, et que par conféquent fon établis fement y est un dévoir: tout empressé que je fois de voir opèrer dans ma patrie, cette heureufe révolution; je ne penfe pas qu'elle doive y avoir lieu, fans les précautions, et les préli minaires, qui en asfurent et qui en fixent le fuccès.

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Il s'agit ici d'un grand bienfait pour l'humai nité du plus grand, fans doute, qu'elle puisfe obtenir, puisque fon résultat est d'arracher annuellement à la mort, un grand nombre d'hommes, et de faire concourir à l'ordre, à la prosperité de la fociété, l'existance d'un bien plus grand nombre encor, qui ne font aujourd'hui, pour elle, qu'une fource toujours rénaisfante, de pauvreté, de corruption, et des défordres les plus dangereux. Il ne faut donc pas, par une précipitation inconfiderée, en com-t. promettre le fuccès; et le gouvernement qui; brusquerait la tentative d'une telle inftitution mériterait autant le réproche, que celui qui fe réfuferait aux mojens de l'opèrer.

Il ne faut pas fe disfimuler, que le préjugé de la peine de mort, a encor beaucoup de

défenfeurs, même parmi les hommes les plus justes, et les plus humains.

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Ils voyent dans cette peine, une réparation publique, des grands crimes, nécesfaire au bon ordre. Leur pitié n'est pas interesíée à la confervation d'un fcelerat; ils croyent que de fa déftruction dépend la fureté de la focieté. Entretenus dans l'opinion de la nécessité du dernier fupplice, par l'ufage de tous les tems, et de tous les peuples, ils ne réflechisfent pas, que la crainte de la mort arrête peu de criminels; que leur exécution n'est qu'un fpectacle pour le peuple, qui s'y porte en foule, et qui, ne s'y occupant pas du crime qui est puni, n'y est frappé que de la contenance du condamné, qui obtient fon interêt, et, en quelque forte fon admiration, ou fon mépris, felon qu'il se préfente à la mort avec courage ou avec faiblesfe. Ils ne reflechisfent pas, que depuis qu'un fentiment eclairé d'humanité a fait profcrire les tourmens du fupplice, l'effroi falutaire que l'on pouvait espèrer du fpectacle horrible d'une mort douloureuse n'existe plus: que la destruction du préjugé barbare qui faifait, dans l'opinion participer la famille du condamné à la honte du fupplice, concourt encor à diminuer l'effet de la mort fur l'echafaut. Ils ne croyent pas

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l'amendement posfible duplus grand nombre des criminels: ils n'imaginent pas qu'ils puissent être employés utilement, gardés avec exactitude; et la crainte que fauvés de la mort, ils ne forcent aifément les prifons, que les portes ne leur en foient méme, facilement ouvertes, parceque leur nombre s'accroitrait, à l'infini, et que leur entretien deviendrait une charge onéreuse, leur fait encor regarder la peine de mort, pour ces criminels qu'ils jugent corrom pus fans resfource, comme un acte de fureté prévoyante, et de fage politique.

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Convenons encor, que le petit nombre d'hom mes plus éclairés, plus réflechisfans, et qui portent le plus ardemment dans leur cœur le voeu de l'abolition de la peine de mort, ont craint que la doctrine de Beccaria, qu'ils chérisfaient, ne fut plutôt la vifion d'un philosophe philantrope, qu'un fiftême pratique, applicable à la focieté. L'exemple de Penfilvanie doit déjà rasfurer ceux-ci; mais la grande masse des pré jugés fubfifte encor. C'est vers leur destruction qu'il faut diriger les premiers efforts. C'est leur anéantisfement, qu'il faut appeller à l'aide du grand bienfait de l'abolition totale de cette peine cruelle et inutile.

Il est peu de grandes innovations, même de

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celles qui doivent produire le plus d'utilité, qui puisfent être introduites avec fuccès, fans être dévancées, ou au moins accompagnées par l'opinion publique. Vouloir la violenter, c'est armer contre ces falutaires innovations la vanité, qui avec l'ignorance est un des plus formidables appuis des préjugés. Il faut la gagner par la conviction: et alors les fuccès feront certains.

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Sans doute on ne peut trop fe presfer d'opèrer le bien de l'humanité. Mais le retard de quelques anneés, employeés avec prudence, et au delà même de la ftricte nécessité à l'établis fement folide de ce bien, peut-il être comparé, à une précipitation irréfléchie qui, pouvant être fuivie de mauvais résultats, l'éloignerait pour beaucoup plus longtems, peut-être pour jamais, car l'erreur trouverait alors pour s'y op pofer, le prétexte de l'expérience.

La fituation actuelle de la fociété en France ainfi que dans beaucoup d'autres États Européens, n'est pas d'ailleurs celle, où cette précipitation toujours condamnable, pût être même excufée. Le nombre confidérable de grands crimes, qui fe commettent dans ces pays, fi P'on en croit au moins le rapport des papiers publics, ne permet pas d'espèrer que l'on puisfe trouver dans la majorité de ces nations, une

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