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LA LIGUE DU LIBRE-ÉCHANGE

EN OCTOBRE

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I. La spéculation illicite. II. La vie chère et l'État accapareur. III. L'esprit protecteur contre les malades et les blessés. - IV. Quelques mots sur la Belgique en 1913. - V. Les colonies et les matières premières. VI. Les bois en France et dans les colonies. - VII. La politique économique du Comité des forges. VIII. Le régime douanier de la Sarre. IX. Le renversement du Dumping. - X. La liberté des passeports pour les Américains et le change. - XI. Prétextes protectionnistes. - XII. Processus protectionniste. XIII. Xénophobie protectionniste. XIV. Une avance des Pays-Bas au commerce français. XV. La Politique économique depuis l'armistice et les élections. Lettre aux membres de la Ligue du libre-échange.

I. La péculation illicite. Le Journal des économistes reproduit la loi du 23 octobre sur « les spéculations illicites ». Le garde des sceaux a publié dans le Journal officiel du 29 octobre une circulaire qui n'en est que la paraphrase.

Le producteur ne doit pas être inquiété s'il se borne à vendre les produits de son exploitation. Les législateurs n'ont pas osé faire porter le poids de la loi sur les agriculteurs. La fermière peut vendre son beurre et ses œufs le prix qu'elle voudra si elle trouve acheteur; mais si un marchand lui achète un œuf o fr. 75 et le revend i franc, il devient passible de la loi.

La circulaire dit :

« Le producteur qui vend exclusivement les produits de son exploi tation ne saurait être poursuivi pour spéculation illicite, dès lors que la loi de l'offre et de la demande a joué librement. Il y aurait seulement, le cas échéant, une infraction à un décret ou à un arrêté de taxation. >>

Mais est-ce que la loi de l'offre et de la demande ne jouerait pas entre le marchand qui achète le produit et le consommateur auquel il le vend? Est-ce qu'elle est le propre des producteurs agricoles? Qu'est-ce qui détermine ses confins? M. Ferdinand David avait voulu qu'on spécifiât dans la loi qu'elle ne s'appliquait qu'« aux intermédiaires ». M. Nail s'opposa à cette rédaction; mais en fait, cette loi draconienne ne s'applique qu'à certaines catégories de personnes. C'est une nouvelle négation du principe de l'égalité des citoyens devant la loi.

Cette loi proroge pendant trois ans l'article 10 de la loi du 20 avril 1916, qui avait établi le délit de « spéculation », et elle aggrave considérablement les pénalités précédemment édictées. Le Sénat a cependant repoussé l'interdiction du bénéfice des circonstances atténuantes et du sursis, mais l'emprisonnement peut être porté, dans certains cas, à cinq ans, et l'amende à 200 000 francs ou au double du gain illicite constaté. En cas de récidive, la loi prévoit la fermeture et même la vente, par autorité de justice, du fonds de commerce ou de l'entreprise industrielle.

Délit de « spéculation! » J'ai raconté comment l'intendance spéculait sur les pommes de terre qu'elle achetait en Bretagne et qu'elle revendait à Paris 1.

Délit de spéculation! I le commet le marchand qui achète en prévision d'une hausse, c'est-à-dire en prévision du manque du produit et c'est fort heureux pour les agriculteurs qu'il y ait des marchands qui achètent les blés au lendemain de la récolte et les réservent pour le moment où le consommateur en aura besoin. En France, on récolte les céréales en juillet et en août; mais on en consomme en septembre, en octobre, en décembre, en janvier, en février, en mars, en avril, en mai, en juin, et même encore en juillet avant que la nouvelle récolte ne soit ramassée

:

Si on interdit au marchand d'acheter du blé en août ou septenbre, le cultivateur ne rentre pas immédiatement dans ses frais de culture il n'a pas de ressources pour se procurer des amendements, payer les nouveaux frais de culture qui doivent préparer la récolte prochaine, payer son terme de la Saint-Michel. Il doit faire de nouvelles dépenses quand des recettes lui seraient nécessaires.

II. La vie chère et l'Etat accapareur. Mais est-ce que les ministres ne tombent pas sous le coup de cette loi du 29 octobre? La loi

1. V. La Politique économique depuis l'armistice et les élections. Lettre aux membres de la Ligue du libre-échange, p. 13.

du 21 octobre, plus de onze mois après la signature de l'armistice ratifie l'achat des « stocks de toute nature cédés par le gouvernement des Etats-Unis » au gouvernement français.

La loi spécifie que la liquidation fera l'objet d'un décret sous le titre : «Liquidaton des stocks ». Nous espérons que cette disposition de la loi sera scrupuleusement observée.

Avec ces stocks et les propres stocks provenant des préparatifs français, on évalue à 16 milliards la valeur des marchandises que le gouvernement doit liquider.

Le ministre des Finances n'en parle pas comme d'une ressource de nature à atténuer les charges budgétaires et notre dette. Pourquoi?

Ce stock énorme contribue à la cherté de deux manières : l'Etat ne veut l'écouler que peu à peu de manière à maintenir les prix élevés. C'est de la spéculation telle que la font tous les accapareurs. Les ministres et les fonctionnaires qui pratiquent cet accaparement tombent sous le coup de la loi du 29 octobre que le gouvernement fait voter.

Le gouvernement garde, pour ne pas «avilir les prix ».

Mais, en même temps, les industriels et les commerçants qui savent que l'Etat a cet énorme stock et qu'il ne pourra pas le garder toujours redoutent qu'il ne le jette sur le marché. Par crainte de ce gigantesque concurrent, ils n'osent s'approvisionner. Le gouverne ment reste le seul accapareur et le seul spéculateur et si les prix montent, c'est parce qu'il entend les maintenir, afin de faire une opération fructueuse!

III. L'esprit protecteur contre les malades et les blessés. M. Emmanuel Brousse s'est plaint que nombre de médecins désertaient les campagnes. Le Concours médical en explique les raisons parmi lesquelles nous trouvons celle-ci :

((

« Dès le début de cette année, syndicats, association générale, association de la presse médicale, Concours médical, signalaient ta situation difficile dans laquelle se trouvaient les médecins démobilisés pour reprendre l'exercice de la profession. Ils insistaient sur la nécessité de faciliter aux médecins l'achat de voiturettes automobiles que la cessation des hostilités laissait en très grand nombre inutilisées. Au nom de ces divers groupements, nos collègues Claisse. Levassort, Triboulet, Helme, Decourt, multipliaient sans succès les démarches officielles et officieuses (Conc. méd. 15 fév. 1919).

<«< Après avoir été renvoyés du service de santé au ministère des Finances, des domaines à la liquidation des stocks et de l'inten

dance aux douanes, ils firent intervenir le président du groupe médical du Parlement, M. le sénateur Chauveau, qui reçut comme réponse de M. le sous-sécrétaire d'Etat, Morel, qu'aucune auto ne serait cédée à un particulier. Il ne fallait pas porter préjudice à l'industrie nationale, qui, elle, ne pouvait rien livrer (Conc. méd., 15 mars 1919). >>

Voilà la théorie du protectionnisme dans tout son relief. Pendant la guerre les fabricants d'automobiles ont rendu de, grands services en fabriquant des automobiles militaires, des obus, des tanks et des armements de toutes sortes mais leurs gains ont été proportionnés à leurs efforts.

Dans les discours officiels, on parle de la dépopulation et de la nécessité d'augmenter la population. La première mesure à prendre est de conserver les vivants. Des médecins réclament le moyen actuellement indispensable à l'exercice de leur profession.

Attendez! Il faut d'abord protéger l'industrie nationale qui ne peut pas vous fournir des automobiles, mais qui en fera plus tard : et pour protéger ces automobiles à venir, on ne vous livrera pas celles qui se comptent par milliers dans les stocks français, américains et anglais!

Ce n'est pas seulement au point de vue des automobiles étrangères que le génie protecteur a agi contre les médecins et les malades.

Le Concours médical du 27 juillet a publié la lettre d'un médecin. En voici les principaux passages :

« M. le professeur X... qui, d'après ces données, avait fait fabriquer appareils (ces derniers avaient été réunis dans son laboratoire), veut bien m'inscrire pour l'achat de deux séries, et j'adresse (le 21 mai) une demande au sous-secrétariat du Service de santé. »

Enfin, on lui répond dans le courant de juillet que le Service de santé garde les appareils. Pourquoi?

« La vérité est que l'on veut retirer de la vente, au public les appareils de mécano, de même qu'on l'a fait pour les autoclaves, et cela, pour satisfaire les appétits des fabricants.

«Les fabricants, avec la complicité d'un personnage quelconque du sous-secrétariat d'Etat au Service de santé, voudraient-ils renouveler pour les appareils de mécanothérapie, le coup des instruments de chirurgie? Je m'explique :

« A M..., en février, on avait fait revenir toutes les séries des appa

reils de mécanothérapie en service dans les différents centres de physiothérapie; cela représentait huit séries, en dehors des deux en service au centre de physiothérapie de M...

« Il ne fallait pas faire non plus concurrence aux fabricants d'instruments de chirurgie qui, cependant, pendant la guerre avaient été suffisamment occupés et rémunérés. »

Le Concours médical raconte qu'un médecin, ayant voulu s'en procurer à l'office de la liquidation des stocks « dut attendre cinq mois et faire dix-sept démarches, la plupart à Paris, et certaines au chef-lieu de son département, pour se voir proposer aux magasins du quai de la Râpée des instruments usagés à un prix supérieur à celui des instruments neufs dans le commerce parisien. »

Le directeur du Service de santé entend protéger les producteurs. Quant aux médecins, ce sont des consommateurs.

Mais les médecins? S'ils ont besoin d'automobiles, d'appareils de mécanothérapie, d'intruments de chirurgie, c'est pour les mettre au service de malades et de blessés!

Question secondaire. Il ne faut pas que « les malades et les blessés portent préjudice à l'industrie nationale »>!

IV. Quelques mots sur la Belgique en 1913. — Le ministre de l'Intérieur de Belgique vient de faire paraître deux volumes très intéressants. Ils sont dus au service de la statistique générale.

1o Exposé de la situation du Royaume de 1876 à 1900. Tome III, I vol. gr. in-8, 963 p.;

2° Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge 1913.

Ces deux ouvrages montrent l'activité de ce peuple qui, sur 2 945 kilomètres carrés comptait, au 31 décembre 1910, 7 423 000 habitants, soit 252 par kilomètre carré.

Si la France avait une semblable population, elle aurait compté. pour ces 536 000 kilomètres carrés qu'elle avait avant la guerre, 135 millions d'habitants.

En 1912, les importations de commerce spécial se répartissaient de la manière suivante :

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