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prit de discussion et d'analyse est plus important dans les assemblées actuelles que le talent d'émouvoir.

de

Il faut

que la logique de l'orateur, au lieu presser l'homme corps à corps, comme Démosthènes, l'attaque avec de certaines armes convenues, dont l'effet est plus indirect. D'ailleurs, le gouvernement représentatif resserrant nécessairement et le cercle des objets que l'on traite, et le nombre de ceux auxquels on s'adresse, l'éloquence de Démosthènes n'auroit pas de proportion avec l'auditoire et le but: les témoins comptés et connus qui environnent de près les orateurs anglais, la table sur laquelle ils marquent par un geste uniforme le retour des mêmes raisonnemens, tout leur rappelle un conseil d'état plutôt qu'une assemblée populaire; tout doit les ramener à ne sé servir que des armes du sang-froid, l'argumentation ou l'ironie (1).

(1) L'orateur de l'opposition n'étant point chargé de la direction des affaires, doit montrer presque toujours plus d'éloquence que le ministre. On auroit de la peine maintenant, en Angleterre, à prononcer entre

Plusieurs des causes que je viens d'énoncer devroient s'appliquer également au gouvernement représentatif en France; mais les premières époques de la révolution ont offert à ses orateurs des sujets antiques de discussions. Mirabeau, et quelques autres après lui, ont un genre d'éloquence plus entraînant, plus dramatique que celle des Anglais; l'habitude des affaires s'y montre moins, et le besoin des succès de l'esprit beaucoup davantage. Les longs développemens seroient en tout temps aussi beaucoup moins tolérés en France qu'en Angleterre. Les orateurs anglais, comme Cicéron, répètent souvent des idées déjà comprises; ils reviennent quelquefois aux mouvemens, effets d'éloquence déjà employés avec succès. En France, on est si jaloux de l'admiration qu'on accorde, que si l'orateur vouloit l'obtenir deux fois pour le même sentiment, pour le même bonheur d'expression, l'auditoire lui reprocheroit une confiance or

aux

deux talens prodigieux : néanmoins les mouvemens de l'ame se rallient toujours plus naturellement à celui qui n'est pas dans le pouvoir.

gueilleuse, lui refuseroit un second aveu de son talent, et reviendroit presque sur le premier.

Cette disposition d'esprit, chez les Français, doit porter très-haut le vrai talent; mais elle entraîne la médiocrité dans des efforts gigantesques et ridicules. Elle favorise aussi quelquefois, d'une manière funeste, le succès des plus absurdes assertions, S'il falloit prolonger un raisonnement, sa fausseté seroit plus sensible; si l'on pouvoit le réfuter avec les formes qui servent à développer les vérités élémentaires, les esprits les plus communs finiroient par compren→ dre quel est l'objet de la question. La dialectique des Anglais se prête beaucoup moins que la nôtre au succès des sophismes. Le style déclamateur, qui sert si bien les idées fausses, est rarement admis par les Anglais; et comme ils donnent une moins grande part aux considérations morales dans les motifs qu'ils développent, le sens positif des paroles s'écarte moins du but, et permet moins de s'égarer.

La langue de la prose étant beaucoup plus

perfectionnée chez les Français, ce que nous avons eu, ce que nous pourrions avoir d'hommes vraiment éloquens, remueroit plus fortement les passions humaines; ils sauroient réunir dans un même discours plus de talens divers. Les Anglais ont considéré l'art de la parole, comme tous les talens en général, sous le point de vue dé l'utilité; et c'est ce qui doit arriver à tous les peuples, après un certain temps de repos fondé sur la liberté.

Le repos du despotisme produiroit un effet absolument contraire; il laisseroit subsister les besoins actifs de l'amour-propre individuel, et ne rendroit indifférent qu'à l'intérêt national. L'importance politique de chaque citoyen est telle dans un pays libre, qu'il attache plus de prix à ce qui lui revient du bonheur public, qu'à tous les avantages particuliers qui ne serviroient à la force commune.

pas

CHAPITRE XV I I.

De la Littérature allemande.

LA littérature allemande ne date que de ce siècle. Jusqu'alors les Allemands s'étoient occupés des sciences et de la métaphysique avec beaucoup de succès; mais ils avoient plus écrit en latin que dans leur langue naturelle; et l'on n'appercevoit encore aucun caractère original dans les productions de leur esprit. Les causes qui ont retardé les progrès de la littérature allemande, s'opposent encore, sous quelques rapports, à sa per fection; et c'est d'ailleurs un désavantage véritable pour une littérature, que de se former plus tard que celle de plusieurs autres peuples environnans car l'imitation des littératures déjà existantes, tient souvent alors la place du génie national. Considérons d'abord les causes principales qui modifient l'esprit de la littérature en Allemagne, le caractère des ouvrages vraiment beaux

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