Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

SUR

LES PENSÉES

DE M. PASCAL.

I 7 3 8.

AVERTISSEMENT

DES

LORSQUE

EDITEURS.

ORSQUE ces remarques parurent, tous les hommes médiocres qui exiftaient alors dans la littérature furent indignés de l'audace d'un grand poëte qui, après avoir fait Alzire et la Henriade, ofait examiner les opinions d'un des favans les plus illuftres d'un fiècle dont les grands-hommes, morts depuis long-temps, n'excitaient plus la jaloufie de perfonne : et comme M. de Voltaire avait de plus le tort d'avoir raifon prefque toujours, bien des gens ne lui ont point encore pardonné.

Pafcal eft dans fes penfées, comme dans fes Lettres provinciales, un écrivain du premier ordre; mais il ne fut un homme de génie que dans fes ouvrages de mathématiques et de phyfique, dont il avait la bonté de faire peu de cas par foumiffion pour les janféniftes qui

[ocr errors]

On

n'étaient pas en état de les entendre. regrettera toujours qu'après avoir montré dans ces ouvrages un des génies les plus profonds qui aient exifté dans les sciences, il ait fait auffi peu pour leur progrès. Oferions-nous dire que dans fes autres livres il ne peut guère être confidéré comme un philofophe ? Le philofophe cherche la vérité, et Pascal n'a écrit que des plaidoyers. Dans les Provinciales il attaque la morale des jéfuites, mais on y chercherait en vain des détails fur l'origine de cette morale relâchée; il lui aurait fallu dire que toutes les fois que la morale eft dépendante d'un fystème religieux, et que des prêtres s'en font rendus les interprètes et les juges, elle devient néceffairement exagérée et relâchée, fauffe et corrompue.

Ses pensées font un plaidoyer contre l'efpèce humaine; ce n'eft point, comme la Rochefoucauld, un obfervateur qui peint les hommes corrompus, parce qu'il les a vus tels à la cour, dans la guerre civile, dans une fociété occupée de galanterie et de vanité; c'eft un prédicateur éloquent qui veut effrayer fon auditoire pour le difpofer à recevoir, avec plus de docilité, le remède qu'il doit lui préfenter comme le feul qui puiffe guérir un mal incurable. Pascal ne cherchait pas à connaître l'homme; voulant prouver qu'il eft une énigme inexplicable, il

femble craindre de trouver le mot de cette énigme. Toutes ces contrariétés obfervées dans l'homme doivent néceffairement exifter dans tout être fenfible, capable de réflexion et de raifonnement; et il femble qu'il ferait bien téméraire de demander enfuite pourquoi il exifte des êtres fenfibles et raisonnables. It faudrait du moins s'affurer fi nous avons, fi nous pouvons avoir jamais quelques données pour réfoudre cette queftion.

Pafcal avance que la raifon ne nous conduit ni à prouver l'existence de DIEU, ni à la certitude de l'immortalité de l'ame, ni à la connaissance des príncipes certains de la morale. Bayle a dit à peu près la même chofe tous deux ont ajouté que la foi était le feul remède à ces incertitudes; tous deux eurent une probité irréprochable, et ne vécurent que pour l'étude et pour la vertu; tous deux écrivirent avec gaieté et avec éloquence contre les gens qui voulaient dominer fur les opinions par la force, et violer la liberté des confciences. Mais Pafcal joignit aux vertus d'un homme les petiteffes d'un moine, et fut le difciple foumis des théologiens de fa fecte. Bayle fe moqua des vertus monaf tiques, et combattit les théologiens de fon parti: l'un ne défendait contre les jéfuites que des prêtres et des religieufes; l'autre défendait contre les prêtres la caufe du genre humain :

[ocr errors]

P'un était devenu pyrrhonien par l'excès de l'enthoufiafme religieux; l'autre, pour établir plus librement un pyrrhonifme plus modéré, était obligé de mettre la foi comme un bouclier, entre lui et fes ennemis: l'un a prefque paffé. pour un père de l'Eglife, et l'autre eft regardé comme un chef de libres penfeurs.

Nous croyons que tous deux ont trop exagéré l'incertitude de nos connaiffances et la faibleffe de notre efprit. La certitude abfolue n'exifte, ne peut exifter à la vérité que pour les propofitions évidentes en elles mêmes, ou liées, entr'elles par une démonftration dont nous ayons la confcience dans un même inftant, et elle n'existe même que pour ce feul moment. Les autres vérités font des vérités d'expérience fur lefquelles on ne peut avoir par conféquent que des probabilités plus ou moins grandes mais ces probabilités ont fur nous une force irréfiftible, elles fuffifent pour la conduite de la vie; et une expérience conftante nous montre que fur plufieurs points elles n'ont jamais été démenties.

Les réflexions que M. de Voltaire oppofe à Pafcal, font d'une philofophie douce, modirée, fondée fur l'expérience; elle plait moins aux hommes d'une imagination vive que la philo. fophie exagérée de Pafcal. Il y a bien peu d'hommes, même parmi les philofophes, qui foient capables d'attendre dans une tranquille

« AnteriorContinuar »