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L'angoisse de tes nuits glace mes membres morts,
Je déchire des mains mes blessures pansées,
Et je sens dans mon front l'assaut de tes pensées
Battre l'oreiller que je mords! etc., etc.

(A M. F. Guillemardet, sur sa maladie.)

Mais il aurait goûté plusieurs des stances adressées par le même poëte à son ami Virieu, après la mort d'un ami commun, entre autres les suivantes :

Aimons-nous! nos rangs s'éclaircissent;
Chaque heure emporte un sentiment;
Que nos pauvres âmes s'unissent
Et se serrent plus tendrement.

Nous, absents de l'adieu suprême,
Nous qu'il plaignit et qu'il a fui,
Quelle immense part de nous-même
Est ensevelie avec lui!

Combien de nos plus belles heures,
De tendres serrements de mains!...

Combien de muettes pensées

Que nous échangions d'un regard !...

Ainsi nous mourons feuille à feuille,
Nos rameaux jonchent le sentier........

Horace, plus simple, sans tous ces détails, me convainc bien mieux de son amitié.

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Si La Fontaine avait lu cette pièce pindarique à M. Sainte-Beuve :

L'aigle, c'est le génie...., etc., etc.

J'en passe, et des meilleurs, pour arriver tout de suite à la dernière strophe, la plus éclatante.)

Vois l'astre chevelu qui, royal météore,

Roule, en se grossissant, des mondes qu'il dévore;
Tel, ô jeune géant, qui t'accrois tous les jours,

Tel ton génie ardent, loin des routes tracées,

Entraînant dans son cours des mondes de pensées,
Toujours marche et grandit toujours!

d'une effusion si retentissante de camaraderie, il aurait dit assurément :

Mieux vaudrait un sage ennemi.

Ainsi pense aujourd'hui, sans nul doute, le poëte même dont la naissance était si magnifiquement saluée. Peut-être alors se rappela-t-elle, avec un sourire, l'ultra placitum laudârit, cette muse intime et délicate qui, dans les sentiers secrets qu'elle aime, n'a jamais eu ces prétentions gigantesques'.

La Fontaine n'aurait-il point trouvé chez les poëtes de nos jours un cœur auquel donner le prix ? Il aurait trouvé Béranger, un des siens, sollicitant, d'une manière si touchante et si pieuse, l'assistance publique pour le Tombeau de Manuel :

Prêtez secours au pauvre chansonnier.

ce

'Beaucoup du poëte encore dans le critique chez M. Sainte-Beuve, Plutarque si fin, si pénétrant, si vrai de nos écrivains, hommes et femmes, avec lesquels il semble avoir eu, comme l'un des leurs, et non pas le moins distingué ni le moins séduisant, un commerce réel et tel qu'assez souvent il les a mieux connus qu'ils ne se connaissaient eux-mêmes.

Tout est fini; la foule se disperse;
A son cercueil un peuple a dit adieu,
Et l'amitié des larmes qu'elle verse
Ne fera plus confidence qu'à Dieu1.
J'entends sur lui la terre qui retombe.
Hélas! Français, vous l'allez oublier.
A vos enfants pour indiquer sa tombe,
Prêtez secours au pauvre chansonnier.

. Je tends la main au plus humble denier....

Une des pièces les plus attendrissantes qu'ait inspirées l'amitié, pièce supérieure par la composition, par l'intérêt, par l'éloquente simplicité du style, par la noblesse des images, à l'ode sur la mort de Quintilius Varus, et qui, n'était cette séduction d'une langue plus musicale, de lieux plus sympathiques, je ne sais quel reflet du ciel italien, et surtout, l'empire d'une première impression mélancolique dans notre âme, nous toucherait plus que le Septimi, Gades, et le Tu calentem....

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Tu calentem

Debita sparges lacryma favillam

Vatis amici3.

1 La Fontaine, Fénelon, Chénier, etc., auraient-ils aimé ces deux vers!

2 Une des odes qui me plaisent le moins dans Horace (je ne dis pas qu'elle ne me plaît point), et je suis fâché, je dirais presque attristé, que Fénelon la cite dans sa lettre à Destouches sur la mort de la duchesse de Bourgogne. Était-ce le cas de citer, et précisément ce froid passage:

Præcipe lugubres

Cantus, Melpomene?....

Nulle citation d'Horace dans ses lettres relatives à la mort du duc de Bourgogne et du duc de Beauvilliers.

3 Un de mes amis a lamartinisé cette ode, c'est-à-dire, comme il l'entend, imité dans le rhythme irrégulier et dans le ton de quelques-unes

SII.

ÉPITRE III. A JULIUS FLORUS.

Horace, qui avait refusé la place de secrétaire auprès de l'empereur, comptait parmi ses amis

des Méditations. Voici cet essai qu'il me demande de rapporter ici. Neget quis carmina amici?

O toi qui me suivrais par un fidèle accord

Chez le Maure indompté, chez le Scythe barbare,
Aux plus lointains pays dont la mer nous sépare,
Sous les feux du Midi, dans les glaces du Nord!
Plaise aux dieux que Tibur, ma ville inhabitée,
Par les enfants d'Argos sur l'Anio jetée,
Abrite mes vieux ans !

Fatigué des combats, des flots, et de la terre,
Plaise aux dieux que j'y trouve un repos salutaire
Dans ses bosquets riants!

Si le sort m'en éloigne, ah! du moins que Tarente,
Fille aussi de la Grèce, offre à ma vie errante
Le calme désiré !

Puissent mes jours couler comme l'eau nonchalante
Du Galèse doré !

Aucun lieu ne me rit comme ce coin du monde
Où luit un si beau ciel!

Où voit-on la brebis plus belle et plus féconde?
Sur l'Hymette et l'Hybla l'abeille vagabonde
Fait-elle un si doux miel?

L'olive aussi plus savoureuse

Donne à longs filets d'or son heureuse liqueur.
Nulle part de Bacchus la grappe généreuse
D'un nectar plus divin ne réjouit le cœur.

Là-bas de verts coteaux, une riante plaine
Où le zéphyr épand des fleurs à chaque haleine;
Là-bas de longs printemps et de tièdes hivers:
Jamais l'oiseau joyeux n'interrompt ses concerts.
O mon ami le plus fidèle!

Ces coteaux fortunés, ce beau lieu nous appelle :
Allons, allons ensemble y goûter le bonheur,
Jusqu'au jour où peut-être au lever de l'aurore
Tu pleureras, ami, sur le sein tiède encore
Du poëte cher à ton cœur.

Variante, pour éviter la répétition de cœur, mis deux fois à la rime :

Verse à longs filets d'or ses onctueux présents.

Ne réjouit les sens.

intimes deux secrétaires de prince : c'était Florus et Celsus. Il écrivit au premier deux épîtres. Nous avons déjà parlé de l'une d'elles, épître doublement remarquable pour la poésie et pour la philosophie. Nous la retrouverons encore ailleurs. Voyons maintenant celle qu'il écrivit à ce même Florus, quand il accompagnait en Orient Tibère, dont il devait plus tard devenir le secrétaire, en remplacement peut-être de Celsus, qui l'était lors de ce voyage.

Le poëte s'adresse à Florus pour lui demander de leurs nouvelles à tous, c'est-à-dire Tibère et ses compagnons, studiosa cohors.

Il commence par Tibère. Cela devait être : Ab Jove. Le Jupiter de la bande, au moins. Mais il se garde bien d'oublier l'autre, le Jupiter suprême, Auguste. Claudius Augusti. Il lui consacre un peu plus bas deux vers entiers, faisant au beau-père, quoique absent, la part plus grande et plus flatteuse qu'au fils. Nous avons déjà vu ailleurs le même tact, la même adresse. Si le poëte paraît s'intéresser à ce que fait Tibère (scire laboro), il s'intéresse bien davantage à ce qui regarde la gloire d'Auguste.

1

Thracane vos Hebrusque nivali compede vinctus, etc.

Description brève et pittoresque, comme toutes celles du poëte:

Qui vous retient? la Thrace et l'Hèbre, dont les pas
S'arrêtent enchaînés de glace et de frimas?

Ou ce détroit qui court entre des tours voisines?

Ou les champs gras d'Asie et ses riches collines?

Fleuve ou détroit.

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- Fleuve enchaîné par la glace, détroit courant.

Terre d'Europe ou d'Asie. -Sol âpre et rude, ou molles et grasses campagnes; et ces campagnes, plaines ou collines.

Voici l'opposé du nivali compede vinctus :

Levis crepante lympha desilit pede. (Épod., XVI.)

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