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IX.

ÉPITRE XVI.

SI.

Nous ne nous sommes guère arrêté sur la description qui commence l'épître à Quinctius. Cette description champêtre, nous la réservions pour ce chapitre auquel depuis longtemps nous désirons arriver la campagne d'Horace, le goût d'Horace pour les champs, la félicité qu'ils lui donnaient.

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Si ce n'est pas loin de soi, hors de soi, mais en soi, chez soi qu'on doit chercher son bonheur (Bene vivere, ép. 11, Recte vivere, ép. vi, - Recte vivis, ép. xvi), II, où le trouvera-t-on plus vite et plus sûrement qu'à la campagne, le lieu de la véritable vie et de l'indépendance, comme dit l'épître x. Vivo et regno? Et plus bas :

Vivere naturæ si convenienter oportet....
Novistine locum potiorem rure beato?

Une campagne bienheureuse! Telle était, en effet, aux yeux d'Horace et pour son cœur, celle qu'il possédait entre les montagnes de la Sabine. Campagne ingrate, presque misérable, quant au revenu, mais fertile en jouissances de toute espèce'.

Balzac :

a ....

Je vous supplie de vouloir considérer que ce lieu (la terre de

« Je vous avoue à la fois ma misère et mon bonheur... » disait Voltaire en parlant de la sienne, dans les commencements, alors qu'elle n'était pas productive, et ressemblait, par ce côté, à celle de notre poëte: « Presque aucune plante délicate ne réussit dans ce climat...; toutes les belles fleurs dégénèrent. Les vignes, quoique plus méridionales que celles de Bourgogne, ne produisent que de mauvais vin (point de vin dans le Sabinum, quoique plus méridional que Ferney); le froment (point de froment non plus) qu'on sème, rend quatre pour un tout au plus; les figues n'ont point de saveur, les oliviers ne peuvent croître (pas de figues ni d'oliviers). Enfin nous avons un très-bel aspect avec un très-mauvais terrain; mais aussi nous lisons, nous imprimons ce qui nous plaît, et cela vaut mieux que des olives et des oranges... >> remplacées aussi par d'autres avantages que vante ailleurs Vol

taire.

Mais ils ne lui devaient pas suffire ces autres avantages. Le vieillard de Ferney transforma bientôt sa terre, comme celui de Coryce ses quelques

Balzac, près d'Angoulême), qui a beaucoup de réputation, a très-peu de revenu. L'Ithaque d'Ulysse a esté celebre, et neantmoins ce n'estoit qu'un nid attaché à un rocher. La mienne, comme vous pouvez penser, est quelque chose de moins. C'est peut-estre un agreable Desert, mais non pas une riche Parroisse. Les chemins y sont fort beaux et les terres fort mauvaises; et par conséquent dans ces terres il y a plus de quoy resver à un Philosophe que de quoy recueillir à un Pere de famille.... ›

Noter que Balzac, écrivant pour obtenir une décharge d'impôts, était intéressé à déprécier sa terre comme il fait ici (X, xxvш, À l'intendant de la justice et finances, en Saintonge, Aunis, etc.).

Ducis disait d'une campagne stérile :

Les champs ici sont si pauvres en productions, qu'ils sont très-riches en solitude et en silence.» (Lettre à Lemercier.)

arpents. Je cite encore, tant pour le charme des paroles qu'afin d'établir un contraste avec la statistidu domaine d'Horace :

que

« Les vraies richesses sont chez nous, elles sont dans notre industrie; je vois cela de mes yeux. Mon blé nourrit tous mes domestiques; mon mauvais vin, qui n'est pas malfesant, les abreuve; mes vers à soie me donnent des bas; mes abeilles me fournissent d'excellent miel et de la cire; mon chanvre et mon lin me fournissent du linge. On appelle cette vie patriarcale; mais jamais patriarche n'a eu des granges telles que la mienne, et je doute que les poulets d'Abraham fussent meilleurs que les miens. Mon petit pays... est entièrement changé en peu de temps. » (1770.)

« Voici mon aventure (écrivait-il à Saint-Lambert l'année précédente). De longues allées où parmi quelques ormeaux et mille autres arbres, on cueille des abricots et des prunes; des troupeaux qui bondissent entre un parterre et des bosquets; un petit champ queje sème moi-même, entouré d'allées agréables; des vignes, au milieu desquelles sont des promenades; au bout des vignes, des pâturages, et au bout des pâturages, une forêt. >>

Dans une intéressante épître, au même poëte, même année, il revient avec une complaisance paternelle sur tout ce qu'il a fait.

J'ai fait, depuis quinze ans, tout ce que vous chantez.
Dans ces champs malheureux, si longtemps désertés,

Sur les pas du Travail j'ai conduit l'Abondance..., etc., etc.

Il répète à peu près la même chose en d'autres épîtres, à Mme Denis, à Horace.

La terre d'Horace, elle, n'était guère de nature à changer, non plus que le naturel de son maître, qui la trouvait fort bien comme elle était. Si parfois il prenait la pelle et le râteau, c'était un passe-temps qui contribuait plus à l'amusement des voisins qu'il ne tendait à l'amélioration de la propriété.

Cette petite propriété, les Délices d'Horace, voyons, d'après lui, comme elle se comportait. Absence complète, nous le savons, de blé, d'olives, de vignes, etc. Mais voici de quoi faire compen

sation.

Continui montes, nisi dissocientur' opaca

Valle.

« Un long rang de collines. » — Le regard la suit cette longue chaîne de montagnes, jusqu'à ce qu'il s'arrête et, pour ainsi dire, tombe à valle.

Sed ut veniens dextrum latus adspiciat sol.

La fin du vers semble rivaliser de pittoresque avec le commencement. Soudaine apparition du soleil au-dessus des montagnes qui le cachaient : illumination soudaine des montagnes opposées. Le contraire dans ruit Oceano nox2. — «< Il paraît enfin. Un point brillant part comme un éclair, et remplit tout l'espace.» (Émile.)

Le soleil en naissant la regarde d'abord.

Traduction littérale, pourtant infidèle. Qu'est de

1 J'aime ce dissocientur !

2

« Le crépuscule dura peu (écrivait Chateaubriand dans le pays même du ruit Oceano nox), et fut remplacé subitement par la nuit. » (Itinér.)

venu sol, ce point brillant qui part? Pénible hémistiche! la regarde d'abord. - Horace avait plus d'une fois attendu cette venue du soleil, plus frappante dans les pays de montagnes qu'ailleurs.

Lævum discedens curru fugiente vaporet.

Vaporet. Lumière vaporeuse du couchant, pour contraster avec la lumière nette et brillante dont l'astre éclaire à son lever les montagnes qu'il regarde.

Temperiem laudes.

C'était dans l'Apennin, saluberrimo montium, dit Pline le jeune, qui y possédait lui-même une campagne. Saluberrimum, ajoute-t-il plus bas, afflatum ex Apennini vallibus.

Quid? si rubicunda benigni
ferunt?

Corna vepres et pruna

Au lieu des prunes de Voltaire, force prunelles. En outre, grande quantité de cornouilles rubicondes. -Stérile abondance pour le vulgaire, benigni! Des commentateurs, amis du positif, veulent absolument tirer parti de ces cornouilles, en les faisant confire. Une note de l'édition Lemaire dit que ces buissons offraient à leur possesseur des vestiges de l'âge d'or, et là-dessus elle vous cite, avec un à-propos merveilleux, pour appuyer son dire,

Incultisque rubens pendebit sentibus uva!

Si quercus et ilex
Multa fruge pecus, multa dominum juvat umbra?

L'ombrage n'était pas le seul bien qu'il sût faire;
Il courbait tous les fruits.

(X, II.)

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