Adrien Michel Hyacinthe Blin de Sainmore ift mehr durch seine Heroiden, als durch seine übrigen Poesien von der leichtern Art, und durch seine Arbeiten für die` Schaubühne, bekannt. Jener sind fünf, die man zu Paris, 1773, 12. in eine Sammlung brachte; nåmlich Sappho a Phaon; Biblis à Caunus; Gabrielle d'Etrée à Henri IV; Jean Calas à fa Femme; la Ducheffe de Valière à Louis XIV. Ich wähle darunter die dritte, wegen ihres starken, empfins dungsvollen Ausdrucks, der auch fast durchgängig den übris gen eigen ist. Voran steht ein schöner poetischer Brief an Voltaire, und dessen Antwort, wovon folgende Verse die zweite Hälfte ausmachen:
Tout Lecteur fage avec plaifir verra, Qu'en expirant la belle Gabrielle Ne pense pas que Dieu la damnera Pour trop aimer un Amant digne d'elle.
Avoir du goût pour le Roi Très-Chretien, C'est oeuvre pie; on n'y peut rien reprendre; Le Paradis eft fait pour un coeur tendre, Et les dainnés font ceux qui n'aiment rien.
GABRIELLE D'ESTRÉES A HENRI IV.
Dans ce calme effrayant 1) où la douleur moins
Retient chez les vivans mon ame fugitive, Où, fufpendu fur moi, le glaive de la mort S'apprête à terminer mes tourmens et mon fort,
1) Pendant que Henri IV. étoit à Fontainebleau Gabriel- le d'Eftréès fut attaquée deux fois en quatre jours d'apo- plexie dont elle mourut à Paris. C'est dans l'interval- le de ces deux attaques, qu'elle est supposée écrire cet- te Epître.
BlindeSain; Où, de ce dieu vengeur, que je crains et que
J'attens, en fremiffant, la Sentence fuprême, Il m'eft encor permis de tracer à tes yeux
Mes derniers fentimens et mes derniers adieux,
Tu fais combien l'amour, égarant ma foi- bleffe,
Dans de folles erreurs a plongé ma jeuneffe: Tu fais combien de fois, armé de vains efforts,. Mon coeur, prêt à fe rendre, étouffa fes trans- ports.
Je refiftai long-tems; mais ce jour favorable, De clémence et de gloire 2) exemple mémorable; Ce jour où contre toi tes peuples révoltés, Défiant ton courage, et bravant tes bontés, Se laiffoient confumer par la faim dévorante, Où, sensible aux clameurs d'une Ville expirante, Tu voulus de ton peuple oublier les forfaits, Où Paris étonné vécut de tes bienfaits, Ce triomphe, où fi grand tu parus fi modefte, Vint à mon foible coeur tendre un piege funefte. Hélas! je vis ce coeur fans ceffe combattu, Inflexible à tes feux, fe rendre à ta vertu': Qui pourroit refifter à de fi nobles charmes? Paris te couronna, je te rendis les armes; Et ta clémence enfin, utile à tes projets,
Te fit vaincre en un jour mon coeur et tes fu- jets.
Oui, ce fatal inftant, marqué par ma foiblesse,
Dans mon efprit confus fe retrace fans ceffe; Sans ceffe le plaifir, repouffant le remord,
Vient mêler fes attraits aux horreurs de la mort.
2) La reduction de Paris; cette Ville périffoit par la famine, Henri IV. qui l'affiègoit, fut attendri de fon fort, et la fécourat. Les Parifiens touchés de cette générofité, tomberent aux pieds de Henri IV. et fe rendi
Je crois encor te voir: je crois encor entendre Les fons de cette voix li flatteufe et fi tendre. Je revois ces bosquets, ce dangereux féjour, 3). Formé par la nature, embelli par l'amour, Où le fouffle léger du jeune amant de Flore; Oppole aux feux du jour la fraîcheur de l'aurore; Où l'art industrieux fait briller à la fois Le luxe des plaifirs, et le fafte des Rois; Où fur un lit de fleurs, au fein de l'opulence,, La molleffe s'endort dans les bras du filence. Je t'apelle... ta voix répond à mes accens: Les flammes de l'amour embrafent tous mes fens; Je ne me connois plus; je brûle, je frislonne, Je fuccombe; à tes feux, Amour, je m'abandonne.
Quelle coupable erreur vient encor me trom- per!
Ah! peignons nous plutôt la mort prête à frapper: Déja je l'apperçois, deja ma tombe s'ouvre, Et l'abyme éternel à mes yeux fe découvre. Quelle affreufe clarté luit au milieu des airs! Qui brife fous mes pas les portes des enfers? Ciel, quels feux devorans! Que de cris!.... Ga- brielle!...
Quelle terrible voix fous ces voûtes m'appelle! Je te vois, ô mon Juge, et de ton tribunal J'entends avec effroi fortir l'Arrêt fatal. Dans quel gouffre enflainmé ta Juftice éternelle Entraîne des humains la foule criminelle!
Un inftant de foibleffe et les plus grands forfaits Sont-ils aux mêmes maux condamnés pour jamais? Dans ta clémence encore, grand Dieu, mon ame efpere:
Qui créa les humains, n'en est-il plus le pere? Eh quoi! tous ces plaifirs fi doux, fi pleins d'at traits,
Précédés de la crainte, et fuivis, des regrêts, Ne laiffent dans nos coeurs qu'une trifteffe amere, Du bonheur qui nous fuit, voilà donc la chimere;
3) Anet. Beisp. Samml. 6. V.
Blin desain Dieu terrible, eh quels font vos pretendus bien
Ne nous donnez-vous donc que des biens impar
A mes pleurs, à mes cris feriez-vous inflexible? Puniriez-vous mon coeur d'avoir été fenfible? Eft-on fi criminel, en aimant à la fois
Le plus grand des humains, et le meilleur des Rois? Oui, de votre bonté mon amant eft l'image:
Hélas! aimer Bourbon, c'est aimer votre ouvrage. N'eft ce pas vous, grand Dieu, dont le bras tout- puiffant,
Deux fois, fauvant fes jours 4) du glaive menaçant, Le conduifit vainqueur au trône de les petes?. Par vous fa Foi, foumile au joug de nos Mysteres, Des enfans de Calvin abandonna l'erreur,
Et la grace des Cieux defcendit dans fon coeur.
Cher amant, cher objet de ma foibleffe extrê
Tu vois, par mes combats, à quel excés je t'aime. Si d'une égale ardeur tu fus jamais épris, J'ofe, de mon amour te demander le prix. Ce n'eft pas qu'en fecret, d'un vain titre jalouse, Je veuille m'élever au rang de ton Epouse, Ni qu'admile au Confeil, ou réglant le Sénat, J'afpire à gouverner les rénes de l'Etat:
Dans la nuit du tombeau prête enfin à defcendre, D'Eftrée à tes grandeurs n'a plus rien à prétendre; Mais fi ma voix, fouvent propice aux malheu-
En te peignant leurs maux, s'intéressa pour eux, Si je puis espérer que, pour grace derniere, Tu prêteras encor l'oreille à ma priere:
4) Henri IV. avoit manqué deux fois d'être dffaffiné par Barriere et Chaftel. Ce fut dans la chambre de Gabrielle d'Eftrées, que le dernier de ces deux fcelerats s'introduifit pour commettre ce parricide.
Sur mes triftes enfans 5) daigne jetter les yeux, Vois de nos tendres coeurs ces gages précieux, Que la Nature avoue, et que la Loi rejette, Formés du fang des Rois au fein de ta fujette. Ces innocens, vers toi, levent leurs foibles mains; Daigne les adopter, veille fur leurs deftins. I Verras-tu tes enfans, rebuts de la fortune, Traîner dans les affronts une vie importune? Verras tu, fans pitié, des Princes de ton fang, Dans la foule inconnus, ramper au dernier rang? Peux tu, les puniffant des fautes de leur mere, Les priver du plaifir de connoître leur pere? Je ne demande point que, placés après toi, Ils écartent du Trône un légitime Roi; Funeste ambition, injuftice cruelle!
Non, vous ne régnez point au coeur de Gabrielle: Je veux que mes enfans, auprès de toi nourris; Au fentier des vertus fuivent tes pas chéris; Qu'ils fachent qu'en tout temps, fideles à leurs Maî- tres, 6) 03
La France, au champ de Mars, vit périr mes Ancê
Et qu'ils puiffent, comme eux, dédaignant le re
S'ils ne font pas des Rois, être un jour des Héros. Voilà tous mes deffeins: c'est à toi d'y louscrire: Je mourrai fans regrêt; mais, avant que j'ex-
s) Henri IV. fit Gabrielle d'Eftrées Ducheffe de Beaufort; il lui promit de l'époufer et de légitimer fes enfants; il étoit même prêt à exécuter ce deffein, lorsqu'elle mou- rût; il eut d'elle deux fils et une fille, César, Duc de Vendôme; Alexandre, Grand-Prieur de France, mort prifonnier d'Etat; et Henriette, qui fut mariée à Char les de Lorraine, Duc d'Elbeuf,
6) Gabrielle d'Eftrées, d'une anaienne Maifon de Picardie, etoit fille et petite fille d'un grand Maître d'Artillerie Voyez la Henriade, Ch, IX.
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