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spiration militaire, une conspiration ourdie avec une latitude, avec un art et un sang-froid que n'eurent jamais ni les Pisistrate, ni les Catilina.

» Une partie des sections s'est déjà prononcée pour la représentation du peuple ; une autre partie accourt au secours de la loi. Si quelques unes sont égarées ou gagnées par des intrigues communales, ne croyez pas que le prestige puisse durer.

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» En attendant, déclarez hors de la loi tous ceux qui donneraient des ordres pour faire avancer la force armée contre la convention nationale, ou pour l'inexécution de ses décrets. Il faut aussi mettre hors de la loi les individus qui, frappés de décret d'arrestation ou d'accusation, n'auront pas déféré à la loi, ou qui s'y seraient soustraits.

» Le courage doit accompagner la vertu publique, et la vertu doit caractériserles représentants du peuple avec du courage et le peuple vous vaincrez.

» L'objet de l'attente des comités est que les citoyens de Paris se souviendront de la république, à laquelle ils appartiennent; qu'ils n'iront pas jurer fidélité à une commune infidèle à son devoir, et complice de la conspiration la plus horrible. Quelques uns de ceux que la convention a frappés se sont évadés, et ont cherché un asile dans le sein de cette commune. Comment ont-ils consenti à souiller ainsi la maison des citoyens de Paris, et peuvent-ils compter sur une longue impunité, s'ils croient être au milieu de Français, au milieu de républicains? La patrie observe Paris, et la convention nationale saura juger les bons citoyens.

» Les sections s'assemblent; c'est à elles que nous devons nous adresser. »

Barrère présente un projet de décret qui est adopté

en ces termes :

a La convention nationale, 'après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public et de sûreté générale, défend de fermer les barrières, ni de convoquer les sections, sans une autorisation des comités de salut public et de sûreté générale.

>> Elle met hors de la loi tous les fonctionnaires publics qui donneraient des ordres pour faire avancer la force armée contre la convention nationale, ou pour l'inexécution des décrets qu'elle a rendus.

>> Elle met aussi hors de la loi les individus qui, frappés de décret d'arrestation ou d'accusation, n'auraient pas déféré à la loi, ou qui s'y seraient soustraits.

» La convention nationale compte sur le zèle, le patriotisme et la fidélité des sections de Paris envers la république indivisible, et leur défend expressément d'obéir à une municipalité conspiratrice que la convention nationale vient de mettre hors de la loi.

» Tout le ralliement des autorités constituées et de la force publique est à la convention nationale. »

Barras, ses adjoints, se mettent en mouvement; les conjurés sont cernés sur la place de la convention; ils s'écoulent à la nouvelle que les autorités municipales sont hors de la loi; les troupes se déclarent pour la convention nationale; les citoyens accourent pour lui faire un rempart de leur corps; la commune est dissoute;, la plupart des rebelles sont pris; on les amène : Robespierre aîné est sur un brancard.

Le président par interim (Charlier). « Le lâche Robespierre est là; vous ne voulez pas qu'il entre?» (Un grand nombre de voix: Non! non!)

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Thuriot. Apporter dans le sein de la convention le corps d'un homme couvert de tous les crimes, ce serait enlever à cette belle journée tout l'éclat qui lui convient; le cadavre d'un tyran ne peut que porter la peste! La place qui est marquée pour lui et ses complices est la place de la Révolution; il faut que les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai » (Oui! oui! Applaudissements.)

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Dubois-Crancé. « Je dois rendre ici hommage à la sagacité de Marat. (Attention.) A l'époque du jugement du tyran Capet, il me dit en parlant de Robespierre: Tu vois bien çe coquin-là? Comment, coquin! m'écrié-je. Oui, re

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prit Marat, cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés. »

Legendre arrive avec des clefs à la main; il monte à la tribune, et rend compte de l'expédition qu'il vient de faire. Il s'est rendu aux Jacobins, il a harangué les citoyennes des tribunes, les a renvoyées, a fermé les portes, et gardé les clefs: Comme c'est la convention en masse, dit-il, qui a sauvé la patrie, demain la convention nationale en masse sera jacobine; ce sera la vertu qui ira rouvrir les portes de cette société. (On applaudit.)

Il est six heures du matin. On annonce que partout le calme règne. La séance est suspendue.

SÉANCE DU VINGT-HUIT JUILLET (10 thermidor).

La convention reçoit de nombreuses adresses de félicitations. Sur la proposition de Granet, elle décrète que les sections de Paris ont bien mérité de la patrie.

Thuriot et Bentabole s'étonnent de ne pas apprendre que la tête des conspirateurs est tombée, et sur leur demande les comités sont chargés de donner des ordres en conséquence.

Barrère, au nom du comité de salut public. « Citoyens, la justice nationale a triomphé! Le peuple s'est montré aussi grand qu'il fut jamais, et les sections de Paris ont bien mérité de la république. Voilà les premières paroles qui doivent sortir des comités de salut public et de sûreté générale, et qui doivent être proférées dans le sein de la convention.

» Voilà donc les dangers que l'orgueil, l'esprit de domination et le poison du despotisme ont fait courir à la liberté! Un seul homine a manqué de déchirer la patrie, un seul individu à manqué d'allumer le feu de la guerre civile et de flétrir la liberté, car elle ne peut ni se perdre ni s'obscurcir!

» C'est une grande leçon pour les assemblées de législa

teurs ! c'est un grand exemple pour tous les citoyens !

» Quand un homme s'empare despotiquement de la volonté, des délibérations et des mouvements de la plus nombreuse, de la plus célèbre société populaire, il devient insensiblement le dominateur de l'opinion publique, et l'opinion publique, qui seule a le droit de régner sur un peuple libre, perd son empire.

. Quand un homme seul a dans les mains les influences des sociétés, de l'autorité judiciaire, révolutionnaire, et du pouvoir militaire, il n'y a plus de contre-poids suffisant pour maintenir une assemblée nationale libre, un gouver nement actif et droit, et une égalité légale.

>> Sur quels principes établirions-nous donc la pondération des droits égaux, fondés sur la loi, si nous les laissions à la merci d'un homme, d'un tribunal, d'un commandant, d'une société, ou même des comités créés par la conven→ tion? Elle seule doit régir, faire les lois, la guerre, la justice et la police nationale; elle est tout vous, individus, vous n'êtes rien à l'égard du peuple et de sa réprésentation.

>> La hideuse contre-révolution s'était réfugiée à la maison commune; c'est là qu'elle a essayé plusieurs fois de s'établir, de se filtrer ensuite dans les diverses autorités constituées, soit par vanité, soit par perversité, soit par ambition, soit par aristocratie ou par vénalité une foule de citoyens s'étaient livrés à cette épidémie contre-révolutionnaire qui a produit tant d'obstacles à la liberté. A certaines époques la contre-révolution, usurpatrice des pouvoirs quand elle ne pouvait les renverser, a fait des efforts moins ardents, a eu des résultats plus secrets; mais aujourd'hui la contre-révolution avait jeté le masque, ses fauteurs paraissaient au grand jour, ses partisans s'aggloméraient, ses satellites se rassemblaient en foule; et nous avons vu jouer, en quelques heures et à la fois, tous les ressorts de cette manoeuvre infernale.

» Depuis Robespierre jusqu'au dernier agent de police, depuis Hanriot jusqu'au plus vil sicaire, depuis l'aristocrate

jusqu'à la plus obscure dévote, depuis l'ambitieux le plus hardi jusqu'au dernier des prisonniers, tout s'est agité, tout a paru à nos yeux; et les ombres de la nuit n'ont pu dérober à la convention la connaissance de tant de mouvements divers, de tant de projets parricides..

>> Si des hommes qui ne veulent rien croire, ou trop croire, doutaient encore dans la journée d'hier au matin de tous les crimes commis par Robespierre et ses complices contre la patrie, ces derniers se sont chargés de dissiper eux-mêmes tous les doutes, de déchirer de leurs promains tous les voiles, et de montrer à des Français libres la dictature et le despotisme dans toute sa difformité. » Par leurs agents les décrets de la convention nationale sont enfreints; par leurs complots préparés, les prisons qui reçoivent ces grands coupables ne peuvent se refermer sur

pres

eux.

» Le conseil général de la commune s'érige en puissance plus que nationale; car elle infirme ses décrets, et accueille dans son sein des députés décrétés d'accusation pour crime de tyrannie.

» Un chef factieux de la force armée court insolemment dans les places publiques; il excite impunément les citoyens à la révolte contre l'autorité du peuple, excite leur fureur contre ses représentants, calomnie ses décrets, force les maisons d'arrêt, ordonne de n'y recevoir les prisonniers que par ordre de la commune, viole le comité de sûreté générale, menace et frappe des députés dans les rues, et crée par ses ordres militaires ce qu'il appelle des magistrats du peuple.

» Un maire, investi de la confiance des comités, les trompait encore le matin par les rapports les plus rassurants sur l'état de Paris et de l'esprit public; il faisait le soir sortir des prisons les accusés par la convention nationale, et leur donnait une préséance dans le conseil général de la commune. Saint-Just était nommé chef d'un comité d'exécution; Lebas était le pouvoir exécutif; les deux Robespierre et Couthon étaient le conseil; Dumas s'occupait de

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