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vention nationale les a reconnus aux larmes de regrets qui coulaient de leurs yeux lorsque vos victoires étaient annoncées. Continuez par vos brillants succès le deuil des ennemis du peuple; nous continuerons de les démasquer et de les punir.

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SÉANCE DU TROIS OCTOBRE 1794 (12 vendém. an III). Legendre accuse Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois et Barrère. Ils sont défendus par Carnot et Prieur.

Robespierre était abattu, mais son parti disposait encore des comités, du tribunal révolutionnaire et des faubourgs. Trop faibles pour lutter à force ouverte, les thermidoriens eurent recours à l'adresse. Ils rallièrent les modérés de la convention, se glissèrent dans le gouvernement, livrèrent Tinville à la vengeance des lois, effrayèrent, dépossédèrent leurs adversaires, et se crurent bientôt en mesure de les poursuivre. Lecointre ouvrit l'attaque le 30 août; mais l'opinion n'était pas encore assez prononcée: sa dénonciation fut repoussée comme calomnieuse. Les décemvirs sont aujourd'hui plus odieux. Un ex-juré du tribunal révolutionnaire vient de se rendre coupable de quelques excès. Legendre saisit la circonstance: il monte à la tribune, accuse les complices de Robespierre de n'avoir pas dévoilé une conspiration qu'ils connaissaient depuis six mois.

«

Quoi, vous saviez, vous voyiez que l'on conspirait, et vous ne l'aviez pas dénoncé; et vous craigniez des déchirements! Je sais que je vais ouvrir une discussion terrible, mais je brave les murmures et les récriminations. Il est dans l'ordre des choses que la vertu fasse pâlir le crime. J'ai juré au peuple que je suppléerai au défaut de talent par l'énergie que la nature m'a donnée. J'ai promis au peuple que je porterai toujours ma ceinture de probité.

» On a envoyé en mission Saint-André et Prieur (de la

Marne); c'est-à-dire qu'on s'est débarrassé des hommes dont on craignait la vertu. Robespierre est venu faire un rapport; il a attaqué, parcequ'il craignait de l'être ; on a décrété que son discours ne serait pas imprimé, il est allé le prononcer aux Jacobins. Alors on a dit: il veut le pouvoir, à lui tout seul, quand nous devions le partager avec lui. Robespierre, Couthon, Saint-Just ont été dénoncés, parceque Billaud, Collot, Barrère en sont devenus jaloux. Je le déclare à la convention, je les regarde comme des conspirateurs.

» La France entière ne se laissera point intimider par les députations que l'on envoie à la barre. Et de qui sontelles composées? De fripons, d'intrigants qui restent dans les sections jusqu'à onze heures, quand les pères de famille en sortent à dix.... Si le peuple a bien voulu jeter les yeux sur moi, ce n'est point pour mes talents; il savait bien que je n'appartenais ni à la caste des hommes de lettres, ni à celle des gens riches, mais à la caste des hommes probes.

» Représentants, j'ai fait mon devoir, c'est à vous à faire le vôtre. Je vous en somme au nom du peuple.» (Vifs applaudissements.)

Barrère, Collot-d'Herbois, Billaud-Varennes, demandent à la fois la parole.

Barrère monte à la tribune.

Barrère. « C'est la seconde fois que je suis inculpé devant la convention nationale. Je saisis cette occasion pour me faire entendre en présence de tout le peuple, et pour déployer mon amour et mon respect pour ses lois. Je sais que c'est le sort des fonctionnaires publics d'être attaqués pour leurs opérations; il faut répondre à de nouvelles accusations. Il y en a contre le comité, il y en a qui me sont personnelles. Je réponds d'abord à ce qui me con

cerne.

» Il est vrai que, le 7, j'ai parlé de Robespierre comme d'un homme qui, depuis cinq ans, avait rendu des services à la cause de la liberté et de l'égalité, et qui en avait ma

nifesté les principes. J'ai dû parler ainsi. Souvenez-vous de l'époque de cette révolution : il avait été question de grands mouvements aux Jacobins; on faisait des motions violentes dans les tribunes même de la convention; des femmes disaient la veille qu'il fallait un nouveau 31 mai. Le comité arrêta qu'il serait fait dans la nuit un rapport par moi, sur la situation de la république depuis le commencement de la révolution jusqu'au 31 mai, et depuis cette époque jusqu'à celle où nous nous trouvons. Il fallait démontrer la différence qui se trouvait entre ces époques, et prouver qu'un second 31 mai était une horreur inventée par l'aristocratie. Robespierre lui-même avait eu l'air aux Jacobins de parler contre ce mouvement. Je rédigeai dans la nuit ce rapport qui fut utile, puisqu'il étonna Robespierre, et qu'il accéléra l'exécution de ses projets. Alors il vint, le 8, prononcer le discours qui l'a perdu.

>> Voilà ma réponse aux reproches qu'on m'a faits d'avoir flatté le tyran la veille même de sa mort; au surplus, ce n'est pas moi qui ai pu chercher à flagorner un homme qui, dans tous ses papiers, a laissé par écrit que je serais le premier pendu, qui m'avait conduit aux Jacobins pour m'y perdre ; qui, le 25 messidor, lorsque j'étais président de la société, me dénonça en face et dit : « que ceux qui faisaient des rapports contre M. Pitt ne devraient pas perdre la langue ici quand il s'agit de défendre les opprimés. Je viens aux faits généraux.

J'invoque la probité bien connue de mes collègues Prieur, Carnot et Lindet. Ils ont assisté à toutes nos séances, rien n'a été fait qui n'ait été délibéré et arrêté en commun. Quant à Jean-Bon Saint-André, il s'étonnait toujours qu'on l'eût fixé au comité. Il demandait sans cesse à aller à Brest et dans nos ports pour activer la marine; et l'on peut dire que peu de membres avaient en cette partie autant de connaissances que lui. Il en est de même de Prieur (de la Marne), qui nous a rendu de grands services par ses correspondances; aussi, loin de nous cette accu

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sation qui n'existe pas, dans le fait, que nous ayons envoyé à dessein nos collègues en mission.

» Ouvrez les délibérations du comité, les minutes existent; vous y verrez toutes nos signatures accolées. Il est très certain que si nous avions agi ostensiblement, nous n'aurions pas eu à cette époque ces vingt-cinq victoires contre Robespierre, pendant le mois qu'il fut absent du comité. (On murmure.) Nous n'aurions pas pu abattre cette gigantesque popularité dont il jouissait encore le 8 thermidor. Je prie mes collègues de se reporter aux circonstances; ils auraient mieux fait que nous, sans doute; peut-être eussent-ils agi avec moins de prudence. (On murmure.) Oui, nous avions pris le parti de la prudence; car nous discutâmes dans le comité le moyen de l'attaquer, et nous dîmes: si nous l'attaquons, nous irons à l'échafaud comme de vils scélérats, et le tyran continuera d'opprimer Paris et la république. Citoyens, il avait marqué ses victimes, et ce sont les mêmes que l'on attaque aujourd'hui ! »

Cambon. « Il faut dire une vérité; il est temps que je dévoile des secrets qui ont dû être ensevelis jusqu'ici; mais ils feront peut-être connaître la source des passions qui nous agitent. Le 31 mai a été une époque glorieuse dans les fastes de la révolution. Il existe un registre secret que six membres du comité de salut public eurent le courage de signer. Les membres étaient Guyton, Lindet, Bréard, Delmas, Barrère et Cambon. Robespierre et Danton y étaient accusés. Nous avons été pendant un mois sur le point d'être victimes de nos signatures. Il faut vous dire quelle était la situation de la république à cette époque. La frontière du nord était entièrement dégarnie ; toutes les places réduites à huit cents défenseurs; on nous avait menés au dernier point d'épuisement, en nous faisant payer les troupes avec du numéraire. Nous n'entendions tous les jours que des demandes de numéraire ; nous n'avions pas six cents millions dans nos caisses; l'argent était hors de toute atteinte. Gustine commandait au Rhin; nous étions

battus; à Perpignan nous éprouvions des revers: on avait pris Bellegarde; à Bayonne, nous étions sur le point de perdre cette place forte : nous n'avions pas six cents hommes à y envoyer. La Vendée était presque dans un état désespérant.

» Que fit alors le comité de salut public? Nous dîmes : il faut répondre à la confiance de la convention; la patrie est en danger, nous pourrions avoir des discussions entre nous; pour les éviter, déclarons que nous signerons toutes les délibérations, quels que soient les avis particuliers. Vous aviez une grande confiance en Danton, le jour où la première pétition contre plusieurs membres de l'assemblée fut faite à la barre; if partit pour la campagne quelques jours après. On nous apprit qu'il allait à Charen- ' ton avec Robespierre, pour y combiner des mesures. Mon assiduité au comité faisait que je décachetais toutes les lettres. On annonçait dans une, que Robespierre, Danton, Pache et la commune, se réunissaient à Charenton. Nous avions promis que nous ne nous cacherions rien de ce qui serait utile à la patrie. Alors voyant qu'on créait à Charenton un comité de salut public, tandis que vous en aviez créé un à Paris, nous nous réunîmes six; nous nous enfermâmes; nous primes des instructions; nous envoyâmes le ministre le fait fut prouvé. Il fut constaté qu'il y avait des repas. »

Une voix. « Il fallait le dénoncer à la convention. >» Cambon. « On nous a fait le reproche de ne l'avoir pas dit; mais peut-être avons-nous en cela aidé à sauver la patrie. Nous appelâmes les membres dénoncés. Nous leur dîmes: « Nous pouvons faire un rapport contre vous; voulez-vous être dominateurs?» Danton dit : Il est vrai, nous avons dîné ensemble; mais ne crains rien, nous sauverons la patrie.

» Un autre objet qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que dans le même temps on nous dénonçait que dans les conciliabules il était question de proclamer le jeune Capet, roi de France. Nous fimes arrêter les individus qui nous avaient

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