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bourg. (Après quelques instants, le calme se rétablit.) Carnot réclame la parole. L'assemblée la lui accorde. Carnot. « Citoyens, les accusés ont réclamé mon témoignage; il y aurait de ma part de la lâcheté à le leur refuser.

» Je déclare que tout ce qu'ont dit mes collègues est de la plus exacte vérité; j'ai assisté à toutes les délibérations du comité; il est faux, comme on l'a avancé, que j'aie été relégué dans mon bureau. (On applaudit.) Je dois dire qu'au comité de salut public, ils se sont déclarés contre Robespierre; seulement, lorsque je les pressais de l'accuser, en avouant qu'il était coupable, ils ne croyaient pas qu'il fût encore temps de le dénoncer. La preuve que j'avais en eux la plus grande confiance, c'est que j'ai signé plusieurs fois ce qu'ils me présentaient sans le lire.

» Lorsque Robespierre s'est totalement déclaré, je les ai engagés à ne pas siguer les arrêtés de police générale qu'il nous présentait, et ils furent de mon avis.

» Voilà, citoyens, ce que j'avais à dire: s'ils m'ont trompé, je l'ignore; mais ayant toujours délibéré avec eux, je déclare que je ne m'en séparerai point. » (On applaudit.)

Prieur (de la Côte-d'Or). « La justice et l'équité m'ordonnent également de vous faire la déclaration de ce qui s'est passé au comité.

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J'appuie ce qu'a dit Carnot: je n'ai point été relégué dans mon bureau; j'ai concouru avec mes collègues que l'on accuse, à toutes les mesures qui ont été prises, et je déclare ne leur avoir reconnu que de bonnes intentions. J'ajouterai que l'intimité dans laquelle nous vivions était nécessaire pour nous opposer au tyran; que sɔuvent nous nous laissions entraîner à des mouvements patriotiques que Robespierre ne partageait jamais.

» Apprenez, citoyens, que la conviction n'arrive pas à la fois dans tous les cœurs; que ce n'est qu'après de longues recherches que le comité de salut public a reconnu que Robespierre conspirait.

prétends pas vous prouver que des fautes n'aient

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été commises; moi-même, peut-être, j'en ai fait : mais je veux vous démontrer que, quand jour et nuit on travaille pour la patrie, il ne reste plus de temps pour intriguer et pour entretenir les passions, qui font toujours le mal de la république.

» Je termine par un fait, c'est que toutes les délibérations du comité, autres que celles qui avaient rapport à la police générale, étaient prises à l'unanimité, et que les arrêtés de la police générale n'étaient signés que de Robespierre, Couthon et Saint-Just. En dernier lieu SaintJust voulait nous les faire approuver; mais nous refusâmes de le faire. (On applaudit.)

Bréard réclame l'ordre du jour, et demande que l'assemblée entende le comité de salut public, qui lui dévoilera des vérités propres à faire pâlir ses ennemis. Cette proposition est adoptée, mais n'a pas de suite.

SÉANCE DU DEUX MARS 1793 (12 ventôse an III). Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois et Barrère sont décrétés d'accusation.

Successivement dépossédée de la commune, du tribunal révolutionnaire et des comités d'où Collot-d'Herbois et Billaud-Varennes venaient d'être obligés de se retirer, la montagne ne disposait plus que des faubourgs. Le parti thermidorien résolut de profiter de la circonstance, et de frapper enfin les complices de Robespierre. Saladin, chargé de dresser leur acte d'accusation, se présente à la tribune:

Il commence par retracer le tableau de l'état de la France avant la révolution du 9 thermidor: la terre de la liberté couverte de prisons, affaissée sous le poids des échafauds, regorgeant du sang dont les scélérats l'abreuvaient; la terreur comprimant toutes les âmes, la sûreté individuelle attaquée, les propriétés violées, les actes arbitraires substitués à la marche des lois, la mort frappant les innocents comme les coupables, le plus insolent despotisme siégeant

au milieu de la convention nationale; telle était la position de la France à cette époque mémorable où elle a été ramenée au bien par l'excès du mal, et à la liberté par l'excès de la tyrannie. Robespierre, Couthon, Saint-Just, sont tombés sous le glaive de la loi. La tyrannie a-t-elle péri avec ces tyrans? ont-ils laissé des complices? C'est ce que le peuple veut savoir, c'est ce que la justice et l'intérêt général ordonnent à la convention de prononcer.

Le rapporteur rend compte de la marche qu'a tenue la commission des vingt-un pendant l'instruction de cette grande affaire. Elle a communiqué toutes les pièces aux prévenus; elle les a entendus dans tous leurs moyens de défense. C'est ce qui a dû nécessairement retarder un rapport si long-temps attendu. «Loin de nous, ajoute-t-il, l'idée d'avoir cherché à trouver des coupables! Nous voudrions pouvoir vous dire qu'il n'en existe point. Nous nous sommes demandé si la tyrannie a été exercée sur le peuple, si l'oppression a pesé sur la convention; et nous nous sommes dit il y a tyrannie quand la terreur devient le ressort et l'arme du gouvernement; quand les citoyens ne trouvent plus, dans la déclaration des droits de l'homme, la garantie de leurs propriétés, de leur liberté, de leur existence, de leur honneur ; quand le corps représentatif est opprimé; quand, à la faveur d'une popularité usurpée, des hommes ne cherchent qu'à fonder leur domination et à réduire le peuple à l'esclavage. En vain voudrions-nous le dissimuler, la France entière nous le dirait : cet état destructif de tout gouvernement, subversif de tout ordre, exclusif de toute vertu, meurtrier de la convention, n'a que trop existé.

>> C'est au courage de la convention que nous devons notre renaissance à la liberté. Il faut maintenir ce retour en frappant avec la tyrannie ceux qui en ont été les agents les plus féroces. C'est dans cet esprit que la commission a examiné si Barrère, Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois et Vadier ont véritablement été auteurs, fauteurs et complices de la tyrannie qui a existé avant le 9 thermidor.

Ont-ils couvert la France de prisons? ont-ils interprété d'une manière atroce la loi du 17 septembre? ont-ils influencé le tribunal révolutionnaire, tous les tribunaux ? ontils, de leur autorité privée, établi des commissions populaires? ont-ils autorisé, excité les agents sanguinaires qu'ils avaient répandus dans les départements? ont-ils exercé sur la représentation nationale une influence despotique ? Si ces faits sont constants, la tyrannie est certaine; pouvezvous en méconnaître les auteurs ?

» Sous le despotisme royal, on comptait à Paris trois ou quatre prisons; sous la dernière tyrannie, trente bastilles s'élevaient dans cette seule cité, et enchaînaient des milliers de citoyens; et comme si ce nombre eût été insuffisant, un arrêté du comité de salut public, signé Collot, Barrère, Couthon et Robespierre, destine au même objet le collège des Quatre-Nations. Ce n'était qu'un dépôt provisoire et momentané, et cependant on y a calculé jusqu'au degré d'air et de jour qu'il fallait laisser aux prisonniers pour ne pas les exposer à mourir. Qu'on juge par là du régime intérieur des prisons; la nomenclature des actes d'oppression serait incalculable. Les mandats d'arrêt les plus atroces émanaient du bureau de police générale. Barrère a dit que ce bureau avait été créé par Kobespierre, qu'il était dirigé par lui seul, et en son absence par SaintJust; mais pourquoi le comité n'a-t-il pas réclamé contre cet établissement ? Étaient-ils étrangers à ce bureau ceux qui apposaient avec tant de complaisance leur signature aux mandats d'arrêt; celui qui, le 7 thermidor, faisait à cette tribune un éloge pompeux de Robespierre; qui dans son discours ajoutait que cette police générale délivrerait la France de tous les intrigants adroits, de tous les bas valets de l'aristocratie ? Lejeune, commis principal de ce bureau, ne venait-il pas à tout moment au comité de salut public faire approuver les mesures prises par la police générale? Fouquier-Tinville n'a-t-il pas déclaré que jamais ce bureau n'avait été distinct du comité de salut public? Robespierre n'a-t-il pas été absent du comité pendant quatre

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décades? Saint-Just n'était-il pas continuellement à l'armée du Nord? Les arrêtés liberticides ne sont-ils- pas souvent signés d'un seul membre, quelquefois de tous? La forme des mandats d'arrêt donne une idée de la tyrannie.

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Le rapporteur cite celui qui porte que la citoyenne Cabarrus sera arrêtée avec le jeune homme qui demeure dans sa maison, et tous ceux qui pourront s'y trouver; celui qui emprisonne tous les artistes du Théâtre-Français, parceque, disait Barrère, il serait possible qu'ils fussent d'intelligence avec les ennemis de la France, pour corrompre l'esprit public; celui qui, sur une lettre de SaintJust à Collot-d'Herbois, envoie à la Conciergerie la citoyenne Lambert, parcequ'elle avait voulu voir Saint-Just, et que ce ne pouvait être que pour-l'assassiner; mandat où étaient inscrits ces mots: Traduite au tribunal révolutionnaire: ces mots ont été rayés depuis ; celui qui, sans motifs, fait arrêter Hérault-Séchelles avec tous ceux qui logeaient chez lui.

Il entre ensuite dans le détail des moyens employés par ce gouvernement pour établir son atroce domination.

Barrère, au mois de septembre 1793, proposait de déporter les ennemis de la liberté; Collot-d'Herbois disait qu'il fallait incarcérer tous les hommes suspects, placer des barils de poudre sous les prisons, tenir toujours la mèche allumée pour les faire sauter s'ils conspiraient.

Barrère comprenait dans la loi du 17 septembre toutes les classes de citoyens, français, étrangers, pauvres, citadins, campagnards, politiques, marchands, banquiers, éloquents, indifférents, écrivains périodiques, etc.

Billaud-Varennes disait, en parlant de Lebrun et de Clavière, ex-ministre : Il faut les juger en huit jours. De Custines: Il faut qu'il n'existe plus dimanche prochain ; ces mesures donnent de l'aplomb au gouvernement.

Barrère parlait souvent de déblayer les prisons; dans son rapport contre les repas fraternels, il disait que les banquets civiques pourraient être établis quand la popu, lation serait épurée.

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