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j'aurais voulu partager le sort des braves défenseurs qui ont préféré une mort honorable à une honteuse capitulation (on applaudit); et puisqu'il faut être républicain, puisqu'il faut avoir de l'énergie, je vous le déclaré, je ne serai point du comité dont un tel homme fera partie.

>> Cela paraîtra dur; mais, ce qui est plus dur encore pour un patriote, c'est que depuis deux ans cent mille hommes ont été égorgés par trahison et par faiblesse. C'est la faiblesse pour les traîtres qui nous perd. On s'attendrit pour les hommes les plus criminels, pour ceux qui livrent la patrie au fer de l'ennemi; moi, je ne sais m'attendrir que pour la vertu malheureuse; je ne sais m'attendrir que pour l'innocence opprimée; je ne sais m'attendrir que sur le sort d'un peuple généreux que l'on égorge avec tant de scélératesse.

» J'ajouté un mot sur nos accusateurs. Il ne faut pas, sous le prétexte de la liberté des opinions, qu'un comité qui sert bien la patrie soit impunément calomnié par ceux qui, , pouvant écraser une des têtes de l'hydre du fédéralisme, ne l'ont pas fait par excès de faiblesse, ni par ceux qui, à cette tribune, ont osé proposer froidement d'abandonner le Mont-Blanc aux Piémontais. (On applaudit.)

» Quant à la proposition de Billaud-Varennes, je n'y attache aucune importance, et je la crois impolitique. Si les cinquante millions mis à la disposition du comité pouvaient un instant fixer l'attention de la convention, elle ne serait pas digne de travailler au salut de la patrie. Je soutiens qu'il ne faut pas croire à la probité, pour soupçonner le comité de salut public. (On applaudit.) Que les tyrans qui nous détestent, que leurs calomniateurs à gages, que les journalistes qui les servent si bien répandent ces impostures pour nous avilir, je le conçois; mais il ne nous appartient pas à nous de prévoir de semblables inculpations et d'y répondre. Il me suffit de sentir dans mon cœur la force de défendre jusqu'à la mort la cause du peu

ple, qui est grande et sublime; il me suffit de mépriser tous les tyrans et les fripons qui les secondent. (On applaudit.)

» Je me résume, et je dis que toutes les explications qu'on a données sont insuffisantes. Nous pouvons mépriser les calomnies; mais les agents des tyrans qui nous entourent nous observent, et recueillent tout ce qui peut avilir les défenseurs du peuple. C'est pour eux, pour prévenir leurs impostures, qu'il faut que la convention nationale proclame qu'elle conserve toute sa confiance au comité de salut public.» (On applaudit.)

Briez. « Je demande que la convention se fasse faire un rapport sur la reddition de Valenciennes. On y verra que cette ville ne fut rendue que pour sauver la vie à trente mille habitants; on y verra que, pour nous y forcer, une partie des soldats, gagnés par des officiers de ligne qui sont restés impunis, nous ont menacés de nous pendre; on y verra les dangers que nous avons courus pendant le bombardement, toujours entre les éclats des bombes et le fer des assassins, auxquels nous nous sommes offerts, en les menaçant de la vengeance nationale; or y verra que je fus arrêté trois fois par les Autrichiens, que j'ai été au milieu des Hongrois; on y verra enfin que si nous avons quitté cette ville trahie, c'était pour ne pas tomber vivants au pouvoir de l'ennemi. Oui, qu'on fasse ce rapport, qu'il soit sévère; si je suis trouvé coupable, que ma tête tombe.»

Duroy. «Si la tête des fédéralistes n'est pas tombée, ce n'est pas ma faute, c'est celle de celui qui m'a accusé.» (Murmures.)

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Bazire. L'homme qui n'a pas souffert pendant cette misérable discussion n'a pas de vertus civiques. (On applaudit.) Où en serions-nous donc, si Robespierre était obligé de se justifier devant la montagne? (On applaudit.) La contre-révolution sectionnaire est-elle faite ici, ou doitelle se faire demain? Robespierre a fait une proposition qu'on ne peut pas repousser; il a demandé la conven

que

tion nationale déclarât solennellement si le comité de salut public a toute sa confiance. »

Par un mouvement spontané, l'assemblée entière se lève, et déclare que le comité de salut public a toute sa confiance.

Les applaudissements retentissent dans toutes les parties de la salle.

Billaud. « La convention approuve-t-elle les mesures qu'a prises le comité? »

L'approbation est donnée à l'unanimité, et au milieu des applaudissements universels.

SÉANCE DU DIX OCTOBRE.

Nécessité de déclarer le gouvernement provisoire de la France révolutionnaire jusqu'à la paix.

Saint-Just, au nom du comité de salut public, « Pourquoi faut-il, après tant de lois et tant de soins, appeler encore votre attention sur les abus du gouvernement en général, sur l'économie et les subsistances? Votre sagesse et le juste courroux des patriotes n'ont pas encore vaincu la malignité, qui partout combat le peuple et la révolution : les lois sont révolutionnaires; ceux qui les exécutent ne le sont pas.

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» Il est temps d'annoncer une vérité qui désormais ne doit plus sortir de la tête de ceux qui gouverneront la république ne sera fondée que quand la volonté du souverain comprimera la minorité monarchique et règnera sur elle par droit de conquête. Vous n'avez plus rien à ménager contre les ennemis du nouvel ordre de choses, et la liberté doit vaincre à quelque prix que ce soit.

» Votre comité de salut public, placé au centre de tous les résultats, a calculé les causes des malheurs publics : il les a trouvées dans la faiblesse avec laquelle on exécute vos décrets, dans le peu d'économie de l'administration,

dans l'instabilité des vues de l'état, dans la vicissitude des passions qui influent sur le gouvernement.

» Il a donc résolu de vous exposer l'état des choses et de vous présenter les moyens qu'il croit propres à consolider la révolution, à abattre le fédéralisme, à soulager le peuple et lui procurer l'abondance, à fortifier les armées, à nettoyer l'état des conjurations qui l'infestent."

» Il n'y a point de prospérité à espérer tant que le dernier ennemi de la liberté respirera. Vous avez à punir non seulement les traîtres, mais les indifférents mêmes; vous avez à punir quiconque est passif dans la république, et ne fait rien pour elle car depuis que le peuple français a manifesté sa volonté, tout ce qui lui est opposé est hors le souverain; tout ce qui est hors le souverain est ennemi.

» Si les conjurations n'avaient point troublé cet empire, si la patrie n'avait pas été mille fois victime des lois indulgentes, il serait doux de régir par des maximes de paix et de justice naturelle ces maximes sont bonnes entre les amis de la liberté; mais entre le peuple et ses ennemis il n'y a plus rien de commun que le glaive. Il faut gouverner par le fer ceux qui ne peuvent l'être par la justice: il faut opprimer les tyrans.

>> Vous avez eu de l'énergie; l'administration publique en a manqué. Vous avez désiré l'économie : la comptabilité n'a point secondé vos efforts; tout le monde a pillé l'état. Les généraux ont fait la guerre à leur armée. Les possesseurs des productions et des denrées, tous les vices de la monarchie enfin se sont ligués contre le peuple et

vous.

» Un peuple n'a qu'un ennemi dangereux; c'est son gouvernement le vôtre vous a fait constamment la guerre avec impunité.

» Nos ennemis n'ont point trouvé d'obstacles à ourdir les conjurations. Les agents choisis sous l'ancien ministère, les partisans des royalistes sont les complices nés de tous attentats contre la patrie. Vous avez eu peu de ministres

patriotes; c'est pourquoi tous les principaux chefs de l'armée et de l'administration, étrangers au peuple pour ainsi dire, ont constamment été livrés aux desseins de nos ennemis.

» Le peuple se trompe: il se trompe moins que les hommes. Le généralat est sans sympathie avec la nation, parcequ'il n'émane ni de son choix ni de celui de ses représentants; il est moins respecté du soldat; il est moins recommandable par l'importance du choix; la discipline en souffre, et le généralat appartient encore à la nature de la monarchie.

» Il n'est peut-être point de commandant militaire qui ne fonde en secret sa fortune sur une trahison en faveur des rois. On ne saurait trop identifier les gens de guerre au peuple et à la patrie.

» Il en est de même des premiers agents du gouvernement; c'est une cause de nos malheurs que le mauvais choix des comptables: on achète les places, et ce n'est pas l'homme de bien qui les achète; les intrigants s'y perpétuent on chasse un fripon d'une administration; il entre dans une autre.

>> Le gouvernement est donc une conjuration perpétuelle contre l'ordre présent des choses. Six ministres nomment aux emplois : ils peuvent être purs; mais on les sollicite ; ils choisissent aveuglément: les premiers après eux sont sollicités, et choisissent de même. Ainsi le gouvernement est une hiérarchie d'erreurs et d'attentats.

>> Les ministres avouent qu'ils ne trouvent plus qu'inertie et insouciance au-delà de leurs premiers et seconds subordonnés.

>> Il est possible que les ennemis de la France fassent occuper en trois mois tout votre gouvernement par des conjurés. En entre-t-il trois en place, ceux-ci en placent six; et si dans ce moment on examinait avec sévérité les hommes qui administrent l'état, sur trente mille qui sont employés, il en est peut-être fort peu à qui le peuple donnerait sa voix.

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