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et par la fureur. Dans ce choc de deux factions opposées en apparence, mais dont les chefs étaient unis par des nœuds secrets, l'opinion publique était dissoute, la représentation avilie, le peuple nul, et la révolution ne semblait être qu'nn combat ridicule pour décider à quels fripons resterait le pouvoir de déchirer et de vendre la patrie.

» La marche des chefs de parti qui semblaient les plus divisés fut toujours à peu près la même ; leur principal caractère fut une profonde hypocrisie.

>>

Lafayette invoquait la Constitution pour relever la puissance royale Dumourier invoquait la Constitution pour protéger la faction girondine contre la Convention nationale : au mois d'août 1792 Brissot et les girondins voulaient faire de la Constitution un bouclier pour parer le coup qui mena çait le trône; au mois de janvier suivant les mêmes conspirateurs réclamaient la souveraineté du peuple pour arracher la royauté à l'opprobre de l'échafaud, et pour allumer la guerre civile dans les assemblées sectionnaires: Hébert et ses complices réclamaient la souveraineté du peuple pour égorger la Convention nationale et anéantir le gouvernement républicain.

» Brissot et les girondins avaient voulu armer les riches contre le peuple : la faction d'Hébert, en protégeant l'aristocratie, caressait le peuple pour l'opprimer par lui-même.

» Danton, le plus dangereux des ennemis de la patrie s'il n'en avait été le plus lâche; Danton, ménageant tous les crimes, lié à tous les complots, promettant aux scélérats sa protection, aux patriotes sa fidélité; habile à expliquer ses trahisons par des prétextes de bien public, à justifier ses vices par ses défauts prétendus, faisait inculper par ses amis, d'une manière insignifiante ou favorable, les conspirateurs près de consommer la ruine de la République, pour avoir occasion de les défendre lui-même ; transigeait avec Brissot, correspondait avec Ronsin, encourageait Hébert, et s'arrangeait à tout événement pour profiter également de leur chute ou de leurs succès, et pour rallier tous les ennemis de la liberté contre le gouvernement républicain.

>> C'est surtout dans ces derniers temps que l'on vit se

XIV.

II

développer dans toute son étendue l'affreux système ourdi par nos ennemis de corrompre la morale publique: pour mieux y réussir ils s'en étaient eux-mêmes établis les professeurs ; ils allaient tout flétrir, tout confondre par un mélange odieux de la pureté de nos principes avec la corruption de leurs cœurs.

»Tous les fripons avaient usurpé une espèce de sacerdoce politique, et rangeaient dans la classe des profanes les fidèles représentans du peuple et tous les patriotes. On tremblait alors de proposer une idée juste; ils avaient interdit au patriotisme l'usage du bon sens : il y eut un moment où il était défendu de s'opposer à la ruine de la patrie, sous peine de passer pour mauvais citoyen; le patriotisme n'était plus qu'un travestissement ridicule, ou l'audace de déclamer contre la Convention. Grâce à cette subversion des idées révolutionnaires, l'aristocratie, absoute de tous ses crimes, tramait très patriotiquement le massacre des représentans du peuple et la résurrection de la royauté; gorgés des trésors de la tyrannie, les conjurés prêchaient la pauvreté ; affamés d'or et de domination, ils prêchaient l'égalité avec insolence pour la faire haïr; la liberté était pour eux l'indépendance du crime, la révolution un trafic, le peuple un instrument, la patrie une proie. Le péu de bien même qu'ils s'efforçaient de faire était un stratagème perfide pour nous faire plus aisément des maux irréparables; s'ils se montraient quelquefois sévères, c'était pour acquérir le droit de favoriser les ennemis de la liberté et de proscrire ses amis; couverts de tous les crimes, ils exigeaient des patriotes non seulement l'infaillibilité, mais la garantie de tous les caprices de la fortune, afin que personne n'osât plus servir la patrie; ils tonnaient contre l'agiotage et partageaient avec les agioteurs la fortune publique ; ils parlaient contre la tyrannie pour mieux servir les tyrans les tyrans de l'Europe accusaient par leur organe la Convention nationale de tyrannie. On ne pouvait pas proposer au peuple de rétablir la royauté; ils voulaient le pousser à détruire son propre gouvernement: on ne pouvait pas lui dire qu'il devait appeler ses ennemis ; ou lui disait qu'il fallait chasser ses défenseurs on ne pouvait pas lui dire de poser les armes; on le décourageait par de fausses nouvelles; on comptait pour rien

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ses succès, et l'on exagérait ses échecs avec une coupable malignité.

>> On ne pouvait pas lui dire : le fils du tyran ou un autre Bourbon, ou bien l'un des fils du roi Georges, te rendraient heureux; mais on lui disait: tu es malheureux!... On lui traçait le tableau de la disette qu'ils cherchaient eux-mêmes à amener ; on lui disait que les œufs, , que le sucre n'étaient pas abondans. On ne lui disait pas que sa liberté valait quelque chose, que l'humiliation de ses oppresseurs et tous les autres effets de la révolution n'étaient pas des biens méprisables, qu'il combattait encore, que la ruine de ses ennemis pouvait seule assurer son bonheur....; mais il sentait tout cela. Enfin ils ne pouvaient pas asservir le peuple français par la force ni par son propre consentement; ils cherchaient à l'enchaîner par la subversion, par la révolte, par la corruption des mœurs.

» Ils ont érigé l'immoralité non seulement en système, mais en religion; ils ont cherché à éteindre tous les sentimens généreux de la nature par leurs exemples autant que par leurs préceptes. Le méchant voudrait dans son cœur qu'il ne restât pas sur la terre un seul homme de bien, afin de n'y plus rencontrer un seul accusateur, et de pouvoir y respirer en paix. Ceux-ci allèrent chercher dans les esprits et dans les cœurs tout ce qui sert d'appui à la morale pour l'en arracher, et pour étouffer l'accusateur invisible que la nature y a caché.

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» Les tyrans, satisfaits de l'audace de leurs émissaires, s'empressèrent d'étaler aux yeux de leurs sujets les extravagances qu'ils avaient achetées, et, feignant de croire que c'était là le peuple français, ils semblèrent leur dire : que gagneriez-vous à secouer notre joug? vous le voyez, les républicains ne valent pas mieux que nous. Les tyrans ennemis de la France avaient ordonné un plan qui devait, si leurs espérances avaient été parfaitement remplies, embraser tout à coup notre République, et élever une barrière insurmontable entre elle et les autres peuples: les conjurés l'exécutèrent : les mêmes fourbes qui avaient invoqué la souveraineté du peuple pour égorger la Convention nationale alléguèrent la haine de la superstition pour nous donner la guerre civile et l'athéisme. › Que voulaient-ils ceux qui, au sein des conspirations dont

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nous étions environnés, au milieu des embarras d'une telle guerre, au moment où les torches de la discorde civile fumaient encore, attaquèrent tout à coup tous les cultes par la violence, pour s'ériger eux-mêmes en apôtres fougueux du néant, et en missionnaires fanatiques de l'athéisme? Quel était le motif de cette grande opération tramée dans les ténèbres de la nuit, à l'insu de la Convention nationale des prêtres, par des étrangers et par des conspirateurs? Était-ce l'amour de la patrie? La patrie leur a déjà infligé le supplice des traîtres. Était-ce la haine des prêtres? Les prêtres étaient leurs amis. Était-ce l'horreur du fanatisme? C'était le seul moyen de lui fournir des armes. Était-ce le désir de hâter le triomphe de la raison? Mais on ne cessait de l'outrager par des violences absurdes, et par des extravagances concertées pour la rendre odieuse; on ne semblait la reléguer dans les temples que pour la bannir de la République.

>> On servait la cause des rois ligués contre nous, des rois qui avaient eux-mêmes annoncé d'avance ces événemens, et qui s'en prévalaient avec succès pour exciter contre nous le fanatisme des peuples par des manifestes et par des prières publiques. Il faut voir avec quelle sainte colère M. Pitt nous oppose ces faits, et avec quel soin le petit nombre d'hommes intègres qui existe au parlement d'Angleterre les rejette sur quelques hommes méprisables, désavoués et punis par vous.

» Cependant, tandis que ceux-ci remplissaient leur mission, le peuple Anglais jeûnait pour expier les péchés payés par M. Pitt, et les bourgeois de Londres portaient le deuil du culte catholique, comme ils avaient porté celui du roi Capet et de la reine Antoinette.

» Admirable politique du ministre de Georges, qui faisait insulter l'Etre suprême par ses émissaires, et voulait le venger par les baïonnettes anglaises et autrichiennes ! J'aime beaucoup la piété des rois, et je crois fermement à la religion de M. Pitt: il est certain du moins qu'il a trouvé de bons amis en France, car, suivant tous les calculs de la prudence humaine, l'intrigue dont je parle devait allumer un incendie rapide dans toute la République, et lui susciter de nouveau ennemis au dehors.

» Heureusement le génie du peuple français, sa passion inaltérable pour la liberté, la sagesse avec laquelle vous avez averti les patriotes de bonne foi qui pouvaient être entraînés par l'exemple dangereux des inventeurs hypocrites de cette machination; enfin le soin qu'ont pris les prêtres eux-mêmes de désabuser le peuple sur leur propre compte, toutes ces causes ont prévenu la plus grande partie des inconvéniens que les conspirateurs en attendaient. C'est à vous de faire cesser les autres, et de mettre à profit s'il est possible la perversité même de nos ennemis pour assurer le triomphe des principes et de la liberté.

»Ne consultez que le bien de la patrie et les intérêts de l'humanité. Toute institution, toute doctrine qui console et qui élève les âmes doit être accueillie; rejettez toutes celles qui tendent à les dégrader et à les corrompre. Ranimez, exaltez tous les sentimens généreux et toutes les grandes idées morales qu'on a voulu éteindre; rapprochez par le charme de l'amitié et par le lien de la vertu les hommes qu'on a voulu diviser. Qui donc t'a donné la mission d'annoncer au peuple que la Divinité n'existe pas, ô toi qui te passionnes pour cette aride doctrine, et qui ne te passionnas jamais pour la patrie ? Quel avantage trouves-tu à persuader à l'homme qu'une force aveugle préside à ses destinées, et frappe au hasard le crime et la vertu ? que son âme n'est qu'un souffle léger qui s'éteint aux portes du tombeau ?

» L'idée de son néant lui inspirera-t-elle des sentimens plus purs et plus élevés que celle de son immortalité ? lui inspirerat-elle plus de respect pour ses semblables et pour lui-même, plus de dévouement pour la patrie, plus d'audace à braver la tyrannie, plus de mépris pour la mort ou pour la volupté? Vous qui regrettez un ami vertueux, vous aimez à penser que la plus belle partie de lui-même a échappé au trépas! Vous qui pleurez sur le cercueil d'un fils ou d'une épouse, êtes-vous consolés par celui qui vous dit qu'il ne reste plus d'eux qu'une vile poussière? Malheureux qui expirez sous les coups d'un assassin, votre dernier soupir est un appel à la justice éternelle! L'innocence sur l'échafaud fait pâlir le tyran sur son char de triomphe aurait-elle cet ascendant si le tombeau égalait

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