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sible, et leur défend expressément d'obéir à une municipalité conspiratrice que la Convention nationale vient de mettre hors de la loi.

» Tout le ralliement des autorités constituées et de la force publique est à la Convention nationale. »

En peu d'heures le tableau change. Barras, ses adjoints, d'autres députés, des envoyés de toutes les sections annoncent tour à tour les plus heureux résultats : les conjurés sont enveloppés sur tous les points; aucune résistance n'a obligé de recourir aux armes ; à la voix des représentans du peuple les troupes se sont déclarées avec enthousiasme pour la Convention nationale; les citoyens, détrompés, accourent pour lui faire un rempart de leur corps ; la commune est dissoute; la plupart des rebelles sont pris; quelques uns ont essayé de se détruire; on les amène; Robespierre aîné est sur un brancard.

Le président (Charlier). «Le lâche Robespierre est là ; vous ne voulez pas qu'il entre? (Un grand nombre de voix : Non! non!)

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Thuriot. « Apporter dans le sein de la Convention le corps d'un homme couvert de tous les crimes ce serait enlever à cette belle journée tout l'éclat qui lui convient; le cadavre d'un tyran ne peut que porter la peste ! La place qui est marquée pour lui et ses complices c'est la place de la Révolution ; il faut que les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai. » (Oui! Oui! Applaudissemens.)

Le vœu de Thuriot est aussitôt converti en un décret. Tandis qu'au seul nom de Robespierre expirant quelques membres sont encore transportés de vengeance, Dubois-Crancé, plus calme, se rappelle un mot curieux sans doute, mais qu'il rend plus remarquable encore par la circonstance où il le cite: Je dois, dit Dubois-Crancé, rendre ici hommage à la sagacité de Marat. (Attention.) A l'époque du jugement du tyran Capet il me dit en parlant de Robespierre: tu vois bien ce coquin-là? Comment coquin! m'écrié-je. Oui, reprit

Marat, cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés.

Legendre arrive avec des clés à la main; il monte à la tribune, et rend compte de l'expédition qu'il vient de faire. Legendre s'est rendu aux Jacobins dans l'intention de brûler la cervelle au nommé Vivier, scélérat dévoué à Robespierre, et qui la veille avait présidé cette société : il ne l'a point trouvé ; mais il a harangué les citoyennes des tribunes, les a renvoyées, a fermé les portes, et gardé les clés : Comme c'est la Convention en masse, dit-il, qui a sauvé la patrie, demain la Convention nationale en masse sera jacobine; ce sera la vertu qui ira rouvrir les portes de cette société. (Et l'on applaudit.)

Sur la proposition de Thirion la Convention met Vivier hors de la loi.

Il est six heures du matin. On annonce que partout le calme règne. La séance est suspendue.

Elle est reprise à neuf heures (10 thermidor ).

La Convention reçoit de nombreuses adresses de félicitations. Sur la proposition de Granet elle décrète que les sections de Paris ont bien mérité de la patrie.

Thuriot et Bentabole s'étonnent de ne pas apprendre que la tête des conspirateurs est tombée, et sur leur demande les comités sont chargés de donner des ordres en conséquence.

Bientôt après Barrère annonce que les coupables ne sont plus (1).

(1) Successivement arrêtés, vingt-deux ont été guillotinés le 10 thermidor, soixante-treize le 11, et douze le lendemain. Le décret qui les mettait hors de la loi dispensait de toute autre formalité que l'identité constatée par témoins sur la motion d'Elie Lacoste la Convention avait abrogé, pour cette circonstance seulement, le décret qui ordonnait que la reconnaissance des individus mis hors la loi eût lieu devant deux officiers municipaux.

RAPPORT fait au nom des comités de salut public et de

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súreté générale, par Barrère.

Citoyens, la justice nationale a triomphé! Le peuple s'est montré aussi grand qu'il fut jamais, et les sections de Paris ont bien mérité de la République. Voilà les premières paroles qui doivent sortir des comités de salut public et de sûreté générale, et qui doivent être proférées dans le sein de la Convention.

» Voilà donc les dangers que l'orgueil, l'esprit de domination et le poison du despotisme ont fait courir à la liberté! Un seul homme a manqué de déchirer la patrie, un seul individu a manqué d'allumer le feu de la guerre civile et de flétrir la liberté, car elle ne peut ni se perdre ni s'obscurcir !

» C'est une grande leçon pour les assemblées de législateurs! c'est un grand exemple pour tous les citoyens !

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Quand un homme s'empare despotiquement de la volonté, des délibérations et des mouvemens de la plus nombreuse, de la plus célèbre société populaire, il devient insensiblement le dominateur de l'opinion publique, et l'opinion publique, qui seule a le droit de régner sur un peuple libre, perd son empire.

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Quand un homme seul a dans les mains les influences des sociétés, de l'autorité judiciaire, révolutionnaire et du pouvoir militaire, il n'y a plus de contre-poids suffisant pour maintenir une assemblée nationale libre, un gouvernement actif et droit, et une égalité légale.

» Sur quels principes établirions-nous donc la pondération des droits égaux, fondés sur la loi, si nous les laissions à la merci d'un homme, d'un tribunal, d'un commandant, d'une société, ou même des comités créés par la Convention? Elle seule doit régir, faire les lois, la guerre, la justice et la police nationale; elle est tout vous, individus, vous n'êtes rien à l'égard du peuple et de sa représentation.

» La hideuse contre- révolution s'était réfugiée à la maison commune; c'est là qu'elle a essayé plusieurs fois de s'établir, de se filtrer ensuite dans les diverses autorités constituées, soit par vanité, soit par perversité, soit par ambition, soit par

aristocratie ou par vénalité : une foule de citoyens s'étaient livrés à cette épidémie contro-révolutionnaire qui a produit tant d'obstacles à la liberté. A certaines époques la contrerévolution, usurpatrice des pouvoirs quand elle ne pouvait les renverser, a fait des efforts moins ardens, a eu des résultats plus secrets; mais aujourd'hui la contre-révolution avait jeté le masque, ses fauteurs paraissaient au grand jour, ses partisans s'aggloméraient, ses satellites se rassemblaient en foule ; et nous avons vu jouer, en quelques heures et à la fois, tous les ressorts de cette manoeuvre infernale.

Depuis Robespierre jusqu'au dernier agent de police, depuis Hanriot jusqu'au plus vil sicaire, depuis l'aristocrate jusqu'à la plus obscure dévote, depuis l'ambitieux le plus hardi jus qu'au dernier des prisonniers, tout s'est agité, tout a paru à nos yeux ; et les ombres de la nuit n'ont pu dérober à la Convention la connaissance de tant de mouvemens divers, de tant de projets parricides.

» Si des hommes qui ne veulent rien croire, ou trop croire, doutaient encore dans la journée d'hier au matin de tous les crimes commis par Robespierre et ses complices contre la patrie, ces derniers se sont chargés de dissiper eux-mêmes tous les doutes, de déchirer de leurs propres mains tous les voiles, et de montrer à des Français libres la dictature et le despotisme dans toute sa difformité.

» Par leurs agens les décrets de la Convention nationale sont enfreints; par leurs complots préparés les prisons qui reçoivent ces grands coupables ne peuvent se refermer sur eux.

» Le conseil-général de la commune s'érige en puissance plus que nationale, car elle infirme ses décrets, et accueille dans son sein des députés décrétés d'accusation pour crime de tyrannie.

» Un chef factieux de la force armée court insolemment dans les places publiques; il excite impunément les citoyens à la révolte contre l'autorité du peuple, excite leur fureur contre ses représentans, calomnie ses décrets, force les maisons d'arrêt, ordonne de n'y recevoir les prisonniers que par ordre de la commune, viole le comité de sûreté générale, menace et frappe des députés dans les rues, et crée par ses ordres militaires ce qu'il appelle des magistrats du peuple.

» Un maire, investi de la confiance des comités, les trompait encore le matin par les rapports les plus rassurans sur l'état de Paris et de l'esprit public; il faisait le soir sortir des prisons les accusés par la Convention nationale, et leur donnait une préséance dans le conseil-général de la commune. SaintJust était nommé chef d'un comité d'exécution; Lebas était le pouvoir exécutif; les deux Robespierre et Couthon étaient le conseil; Dumas s'occupait de la formation d'un tribunal contre-révolutionnaire, et trois patriotes devaient être pendus ce matin. On ne sait pas encore des nouvelles d'un commandant républicain que les conspirateurs ont fait arrêter. Payan, agent national, stipulait pour la révolte, et s'était chargé d'insulter à la représentation nationale. La municipalité se répandait dans les sections pour les corrompre, et dans la force armée pour la mettre en révolte. Le conseil s'occupait de fermer les barrières, et de nommer un général pour une force qu'ils n'avaient pas encore. Pour qui étaient-ils donc rassemblés ? pour quel intérêt allaient-ils voter dans cette assemblée munipale? Non, le souvenir d'une pareille démence ne devait pas passer à la postérité, car les efforts de quelques pygmées contre la liberté ne peuvent être que ridicules! Etrange présomption de ceux qui veulent arrêter le cours majestueux et terrible de la révolution française, et faire reculer les destinées de la première des nations! Et avec quels moyens ? Avec le talisman royal, avec des mannequins que le despotisme a brillantés autrefois. Peut-être vous ne le croiriez pas, sur le bureau de le maison commune où se tenait la séance contre-révolutionnaire était un sceau neuf, n'ayant pour empreinte qu'une fleur de lis, et déjà dans la nuit deux individus s'étaient présentés au Temple pour en demander les habitans.

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Quels étaient donc les sujets de leurs espérances ? Les sicaires, les assassins, les brigands, compagnons ordinaires de Hanriot, ses aides-de-camp et ses affidés, étaient là pour le délivrer au comité de sûreté générale, et obéir à ses ordres sanguinaires; car tout ce qui porte le nom de citoyen a manqué à ses desseins funestes; les canonniers, toujours fidèles à la patrie comme à la victoire, l'ont abandonné; des sections, trompées un instant, n'ont reconnu que la Convention.

Le jour n'avait pas encore paru lorsque les conjurés se sont

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