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Vengeur alors que vous rencontrerez les tyrans de la mer! La marine des rois n'était qu'un luxe dispendieux; la marine de la République est une arme sûre pour parvenir à l'affranchissement des mers la liberté a une autre ambition que le commerce; celui-ci veut des esclaves, et qu'un seul peuple y domine; la liberté ne veut pas plus de tyrans sur les mers que sur la terre!

» Ce n'est pas pour être esclaves maritimes que la nature nous a donné tout ce qui est nécessaire à la construction, des ports nombreux recevant des vaisseaux, et des mers baignant nos côtes; ce n'est pas pour être tyrannisés par des banquiers et des marchands de Londres que la révolution a remis dans nos mains une fortune énorme, des bois immenses, une population guerrière et des marins habiles!

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Français! soyez braves et grands comme les républicains qui montaient le Vengeur, et bientôt l'Angleterre sera détruite; rendez les mers libres de ces pirates et de ces marchands d'hommes, et les ombres des marins qui se sont immortalisés sur le Vengeur se réjouiront encore dans leur tombeau, creusé par leur courage dans l'abîme des mers! >

DECRET. (Adopté sur le champ, et salué, comme le récit, par des témoignages de reconnaissance et d'admiration, par des cris prolongés de vive la République!)

Art. 1°. Une forme du vaisseau de ligne le Vengeur sera suspendue à la voûte du Panthéon, et les noms des braves républicains composant l'équipage de ce vaisseau seront inscrits sur la colonne du Panthéon.

2. A cet effet les agens maritimes des ports de Brest et de Rochefort enverront sans délai à la Convention nationale le rôle d'équipage du vaisseau le Vengeur.

3. Le vaisseau à trois ponts qui est en construction dans le bassin couvert de Brest portera le nom du Vengeur. Le commissaire de la marine donnera les ordres les plus prompts pour accélérer la construction de ce vaisseau.

4. La Convention nationale appelle les artistes, peintres, sculpteurs et poètes, à concourir pour transmettre à la postérité le trait sublime du dévouement républicain des citoyens formant l'équipage du Vengeur. Il sera décerné dans une fête nationale des récompenses au peintre, au poète et au sculpteur qui auront le plus dignement célébré la gloire de ces républi

cains.

FIN DU LIVRE PREMIER.

LIVRE II.

LÉGISLATION CONSTITUTIONNELLE.

DANS les périls imminens, dans les circonstances politiques les plus graves la Convention nationale étonnait par la promptitude et par la grandeur de ses dispositions; au même instant une mesure était proposée, sentie, rejetée ou admise; et souvent c'est au sein même des tourmentes qu'elle décida, également sans les discuter, des questions législatives de premier ordre : la lettre de sa loi étant positive, elle jugeait inutile d'en délayer l'esprit ; c'était la réticence du génie.

ABOLITION DE LA CONTRAINTE PAR CORPS POUR DETTES.

Séance du 9 mars 1793.

La trahison de Dumourier allait perdre la République : pour la sauver, les pères de la patrie embrassaient à la fois dans leur pensée et le peuple et l'armée, et les besoins et les ressources; à leur voix s'élevait un tribunal redoutable pour punir les ennemis du dedans, et l'étranger vainqueur s'arrêtait intimidé... (Voyez tome XI.) Danton interrompt un instant les délibérations que commandaient les circonstances.

Danton. Non sans doute, citoyens, l'espoir de vos commissaires ne sera point déçu! Oui, vos ennemis, les ennemis de la liberté seront exterminés, parce que vos efforts ne vont point se ralentir! Vous serez dignes d'être les régulateurs de l'énergie nationale. Vos commissaires, en se disséminant sur toutes les parties de la République, vont répéter aux Français que la grande querelle qui s'est élevée entre le despotisme et

la liberté va enfin être terminée ! Le peuple français sera vengé! C'est à nous qu'il appartient de mettre le monde politique en harmonie, de créer des lois concordantes avec cette harmonie.

» Mais avant de vous entretenir de ces grands objets, je viens vous demander la déclaration d'un principe trop longtemps méconnu, l'abolition d'une erreur funeste, la destruction de la tyrannie de la richesse sur la misère.

» Si la mesure que je propose est adoptée, bientôt ce Pitt, ce Breteuil de la diplomatie anglaise, et ce Burke, l'abbé Maury du parlement britannique, qui donnent aujourd'hui au peuple anglais une impulsion si contraire à la liberté, seront anéantis!

» Que demandez-vous? Vous voulez que tous les Français s'arment pour la défense commune. Hé bien, il est une classe d'hommes qu'aucun crime n'a souillés, qui a des bras, mais qui n'a pas la liberté; c'est celle des malheureux détenus pour dettes. C'est une honte pour l'humanité, pour la philosophie, qu'un homme en recevant de l'argent puisse hypothéquer et sa personne et sa sûreté!

» Je pourrais démontrer que la déclaration du principe que je réclame est favorable à la cupidité même, car l'expérience prouve que celui qui prêtait ne prenait aucune garantie pécuniaire parce qu'il pouvait disposer de la personne de son débiteur. Mais qu'importent ces considérations mercantiles! Elles ne doivent pas influer sur une grande nation. Les principes sont éternels, et tout Français ne peut être privé de sa liberté que pour avoir forfait à la société.

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Que les propriétaires ne s'alarment point. Sans doute quelques individus se sont portés à des excès; mais la nation, toujours juste, respectera les propriétés. Respectez la misère, et la misère respectera l'opulence. Ne soyous jamais coupables envers les malheureux, et le malheureux, qui a plus d'âme que le riche, ne sera jamais coupable.

» Je demande que la Convention nationale déclare que tout citoyen français emprisonné pour dettes sera mis en liberté, parce qu'un tel emprisonnement est contraire à la saine morale, aux droits de l'homme, aux vrais principes de la liberté. » (Adopté par acclamation.)

Jean-Bon Saint-André. « La proposition de Danton n'est pas assez étendue; je demande que la contrainte par corps pour dettes soit abolie. » (Décrété sans discussion, et à la presque unanimité.)

ABOLITION DE LA LOTERIE.

Séance du 25 brumaire an 2. (15 novembre 1793.)

L'Assemblée constituante, en renversant un grand nombre de ces institutions immorales qui nourrissaient la corruption de l'ancien gouvernement, avait regretté que l'état des finances ne lui permît pas encore de renoncer au produit de la loterie. Les mœurs républicaines s'alarmèrent de cette réserve. De toute part on réclamait la suppression d'un établissement qui faisait du gouvernement un chef de banque, et de tous les citoyens des dupes. Thuriot se rendit ici l'organe des honnêtes gens.

La commune de Paris venait demander la translation de l'Opéra à l'ancien théâtre Français, en faveur du quartier Saint-Germain, dont le commerce souffrait depuis qu'il était privé d'un établissement de ce genre.

Thuriot. « Je crois que les calculs faits par la commune de Paris pour transférer l'Opéra sont justes sous tous les rapports; mais comme il peut y avoir des intérêts à balancer, il faut renvoyer cet objet au comité des domaines. Il en est un autre dont la morale fait un devoir à la Convention de s'occuper sur le champ; c'est la suppression des loteries. Une infinité de pères de famille ont été victimes de la passion meurtrière qu'elles inspirent; une masse énorme de marchands et commerçans ont vu s'engloutir leur fortune, et leurs enfans réduits à la misère. Il ne peut résulter aucun bien des loteries; leur existence est contraire à la morale comme à la politique. Vous avez en vain supprimé les petites loteries; elles n'existent que parce que les grandes sont conservées.

» Je demande que la Convention décrète :

» Art. 1or. Les loteries, de quelque nature qu'elles soient, et sous quelque dénomination qu'elles existent, sont suppri mées.

» 2. Il ne pourra être fait d'autres tirages, à compter de ce jour, que ceux qui devaient avoir lieu à raison des mises autorisées pendant le courant du présent mois.

3. Le comité des finances est chargé de présenter sans délai un projet de décret sur les mesures à prendre pour assurer les intérêts particuliers. » (Adopté sans discussion, et à l'unanimité.)

ABOLITION DE L'ESCLAVAGE DANS LES COLONIES.

Séance du 16 pluviose an 2. ( 4 février 1794.)

L'Assemblée constituante, par ses décrets du 15 mai et du 28 septembre 1791, avait donné aux gens de couleur nés de parens libres, et résidans dans les colonies, l'égalité des droits politiques avec les blancs; elle avait déclaré libre et jouissant des droits de citoyen tout individu de couleur aussitôt qu'il serait entré en France. Voilà tout ce que le côté gauche de cette Assemblée avait pu obtenir sous l'influence de la faction coloniale.

L'esclavage subsistait encore dans les colonies pour les individus non libres et pour ceux qui naîtraient d'eux.

La Convention nationale, par son décret du 27 juillet 1793, rendu sans discussion sur la proposition de Grégoire, supprima les primes accordées jusqu'alors pour la traite des nègres. Le 16 pluviose elle abolit enfin l'esclavage, et, par une conséquence nécessaire, le commerce inhumain des noirs.

Un député de Saint-Domingue, homme de couleur, venait de présenter aux représentans du peuple, avec toute l'éloquence de la nature outragée, le tableau révoltant des trahisons et de la barbarie des colons blancs on avait

des preuves que ce député ne s'était pas laissé entraîner à l'exagération du ressentiment. De vifs témoignages d'intérêt et de fraternité étaient donnés aux hommes qui réclamaient comme un bienfait leurs droits et la liberté.

Levasseur (de la Sarthe ). « Je demande que la Convention, sans céder à un mouvement d'enthousiasme, bien naturel cependant dans une telle circonstance, mais fidèle aux

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