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de Toulon, les Prussiens de Landau, les Autrichiens de Maubeuge, et les brigands royalistes de la Loire et de la Vendée?

Non, non! les cris des victimes du patriotisme ne protesteront jamais contre nous; nous sauverons la République et les républicains! Des mesures promptes et terribles sont prises dans l'intérieur ; les armées ne respirent que la haine des tyrans, et brûlent de les vaincre. Ainsi, du centre aux frontières, peuple, soldats, législateurs, tous votent la mort des traîtres et l'anéantissement absolu des factions criminelles ; tous votent une campagne terrible contre les hordes étrangères, le bannissement prochain des ennemis de la révolution, la marche du gouvernement révolutionnaire et l'affermissement de la République !

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Citoyens, nous ne cesserons de vous répéter cette vérité : le gouvernement d'un peuple libre n'a d'autre garantie que justice et la vertu du peuple. Il est donc vrai que ceux qui cherchent à altérer sa justice et à corrompre sa vertu ôtent au gouvernement sa garantie, et au peuple son gouvernement; ils doivent donc périr plutôt que la République.

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» La Convention nationale ne veut et ne peut vouloir que la République, parce que le peuple a voulu et veut la République ceux qui corrompent ou détruisent la garantie du gouvernement ne veulent donc pas la République; il faut donc aussi que les corrupteurs périssent, ou la République ne sera jamais affermie. Méconnaître ces vérités c'est faire renaître l'espérance des conspirateurs, établir l'impunité des traîtres, rallier les conjurés du dehors, et faire courir de nouveaux dangers au peuple et à la liberté.

» Mais telle la Convention nationale s'est montrée lorsqu'il s'est agi de punir les fédéralistes et le tyran, telle elle se montrera toujours pour punir les faux patriotes et les traîtres. Quand elle pense aux biens de tout genre qui doivent résulter des lois républicaines pour les Français, elle ne peut s'empêcher de leur rappeler que le plus grand des forfaits est de s'opposer à l'affermissement de la République, et de rejeter la nation dans les chaînes qu'elle a brisées.

» La Convention nationale invite tous les citoyens à démasquer les charlatans en patriotisme, et à dénoncer les traîtres ;

à maintenir la dignité du peuple français, et à étendre le principe politique de l'unité de la République à l'unité des esprits et des cœurs.

» Elle ne cessera de poursuivre tous les attentats contre la liberté, toutes les injustices, toutes les négligences des fonctionnaires publics; elle punira leur orgueil, et les forcera de se renfermer dans les bornes de leurs fonctions: elle fera cesser, par tous les moyens que la puissance du peuple a remis dans ses mains, tous les abus par lesquels on s'est efforcé de corrompre ou de paralyser le gouvernement révolutionnaire.

>> Et vous, soldats de la République, suivez le cours de vos victoires! C'est pour vos succès que nous travaillons en faisant tomber les têtes conspiratrices : ce sont des trahisons que nous éloignons de vos camps, des intelligences que nous détruisons dans les places, des défaites que nous épargnons à votre courage; ce sont vos amis, vos frères, vos familles que nous défendons en détruisant les factions de l'intérieur, comme vous les défendez en exterminant les armées de l'étranger.

» La Convention nationale rappelle à tous les citoyens et à tous les fonctionnaires que la justice et la probité sont à l'ordre du jour dans la République française:

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La commune de Paris était humiliée, et son club réduit au silence; mais le coup avait retenti dans la Convention nationale, où de vieux cordeliers (1) restaient l'espoir des partisans de l'autorité qui s'était longtemps attribué l'initiative de l'insurrection : le triomphe des jacobins purs ne pouvait donc être complet que par l'anéantissement de ces dangereux rivaux.

Robespierre et Saint-Just, jusqu'alors de bonne foi dans leur cruelle erreur, vont eux-mêmes céder à la jalousie, à l'ambition; ils précipiteront l'action lente et salutaire de la justice nationale; ils abaisseront le caractère républicain jusqu'aux calculs de la tyrannie; ils frapperont un coup

(1) A cette époque Camille Desmoulins publiait, sous le titre du Vieux Cordelier, un pamphlet qui lui attira la censure des jacobins et la haine des républicains rigoristes.

d'état; et leurs collègues au comité seconderont encore leurs vues, la Convention les sanctionnera, l'opinion publique même y applaudira, par cette raison que dans leurs principales victimes, dans la personne de Danton surtout, c'est l'immoralité audacieuse qu'ils puniront.

Un fait personnel, qui ne devrait salir aucune de nos pages, doit néanmoins être mentionné ici. Delaunay l'aîné, Chabot, Bazire et Julien de Toulouse, déshonorant leur qualité de représentant du peuple, s'étaient procuré de honteuses richesses en altérant un décret relatif à la compagnie des Indes, et, soit à cette occasion, soit par les seules relations du monde, des repas splendides avaient eu lieu à la même époque: on en citait à cent écus par tête. A ces banquets peu républicains se trouvaient réunis des étrangers et des banquiers intéressés à la fraude, les députés qui s'en étaient rendus coupables; d'autres députés qui n'y avaient pris aucune part, enfin des citoyens de toutes les classes, attirés seulement par l'attrait du plaisir ou par les séductions de la débauche; la révolution et ses hommes, la politique et ses secrets présumés devenaient nécessairement le texte intarrissable de leurs conversations. De là une source féconde de présomptions pour les vindicatifs et soupçonneux réformateurs : ou tous les convives sont complices du crime de faux, ou ceux qui n'y ont pas coopéré tramaient avec les autres une nouvelle conspiration; donc tous ont encouru la punition des traîtres... De là surtout un précipice ouvert pour engloutir leurs ennemis personnels.

Cependant l'instruction relative au crime de faux ne put donner, parmi les députés, que Fabre d'Eglantine pour complice aux quatre premiers accusés: Fabre avait été leur collègue dans la commission des finances, et peut-être leur dupe dans les changemens et altérations au décret concernant la compagnie des Indes. Mais lorsque, s'appuyant sur ce chef capital, Amar soumit à la Convention le décret qui les renvoyait tous les cinq devant le tribunal révolutionnaire, Robespierre s'empressa de maintenir un plus libre cours à la suspicion; il reprocha au rapporteur de n'avoir pas saisi l'esprit dans lequel devaient être pré

sentés les faits, qui lui paraissaient, à lui Robespierre, se rattacher à la conjuration tramée par l'étranger contre la République française. La Convention adopta cet avis, renvoya le décret au comité, et l'adopta trois jours plus tard, rédigé dans le sens indiqué. (1) C'est ainsi que ceux qui ne pouvaient être compris dans l'accusation de faux se trouvèrent enveloppés dans une vaste conspiration dont rien n'a démontré l'existence, et, selon l'observation qu'ils en ont tous faite au tribunal, jugés avec des fripons, tandis que la turpitude de ceux-ci paraissait en quelque sorte moins hideuse couverte du masque de la politique. (2)

Dans le nombre de ces députés sacrifiés à l'amour-propre,

(1) « Art. 1er. Il y a lieu à accusation contre Delaunay d'Angers, Julien de Toulouse, Fabre d'Eglantine, Chabot et Basire, députés, comme prévenus d'avoir participé à la conjuration ourdie contre le peuple français et sa liberté; ladite conjuration tendant à diffamer et avilir la représentation nationale, et à détruire par la corruption le gouvernement républicain.

>> 2. La Convention nationale les accuse d'y avoir pris part, savoir : Tesdits. Chabot, Delaunay d'Angers, Julien de Toulouse et Fabre d'Eglantine, en trafiquant de leur opinion, en devenant auteurs ou complices de la suppression et de la falsification du décret du 17 vendémiaire, concernant la compagnie des Indes, et en y substituant ou en ayant concouru à y substituer un faux décret promulgué sous la date du même jour; et ledit Basire pour s'être rendu leur complice en gardant le silence soit sur les révélations qu'ils lui ont faites de leurs manœuvres criminelles, soit sur les propositions intéressées qui lui ont été faites.

>> 3. La Convention nationale renvoie au tribunal révolutionnaire les dénommés en l'article précédent, à l'effet d'y être jugés conformément aux lois.» ( Décret du 29 ventose an 2.)- Delaunay, Chabot et Basire étaient détenus depuis plusieurs mois, Fabre depuis quarante jours. Julien avait pris la fuite; il resta impuni.

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Danton,

(2) Delaunay, Chabot, Basire, Fabre d'Eglantine, Lacroix, Camille Desmoulins, Philippeaux, Hérault-Séchelles, furent jugés ensemble, et guillotinés le 16 germinal an 2. Fabre, qui peut-être aurait pu prouver qu'il n'avait point participé sciemment au crime de ses quatre collègues, fut placé sous le coup des deux accusations.

à l'ambition, à la haine, Danton était le seul qui parût à ses ennemis un adversaire redoutable; aussi n'est-il pas de menées secrètes qu'ils n'aient conduites pour le perdre, et de précautions oratoires dont ils ne se soient servis pour préparer son accusation tant à la Convention qu'à la société des Jacobins.

Danton, puissance de tribune, avait joui d'une grande popularité, méritée par des services réels rendus à la République naissante; mais, esclave de ses habitudes comme de ses passions, depuis il s'était presque toujours montré au dessous ou au delà des circonstances: homme indolent, il perdit la confiance des révolutionnaires; orateur fougueux, il provoqua de grandes fautes; législateur inconséquent, il blâma des excès dont il avait tracé la voie; citoyen sans vertus, il donna l'exemple de la concussion et de tous les vices. Du génie par saccade, de beaux talens enchaînés par la paresse ou abandonnés aux écarts d'une imagination sans frein, du courage et de la mollesse, de l'activité et de l'insouciance, des pensées toutes romaines et des actions de sybarite, tel était cet inconcevable Danton, qui avait d'ailleurs la franchise de la force et la générosité des grands cœurs. Quelle que soit la masse de ses vices, il lui restait dans l'âme assez de vertu publique pour y étouffer toute idée de conspirer jamais en faveur de la monarchie contre le gouvernement républicain, contre la liberté de sa patrie. Cependant il a succombé sous le poids de cette accusation, dénuée de toute preuve, échafaudée sur un tissu de faits incohérens, de rapprochemens forcés, de conséquences artificieuses. (Voyez ci-après le rapport de Saint-Just.)

Dès l'ouverture de la séance du 11 germinal une sombre rumeur se répandit dans l'Assemblée : les députés, inquiets, se réunissaient en groupes; l'agitation allait croissant, lorsqu'enfin l'événement qui occupait tous les esprits devint l'objet d'une motion.

Legendre. « Citoyens, quatre membres de cette Assemblée sont arrêtés de cette nuit. Je sais que Danton en est un ; j'ignore

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