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pour développer les facultés de l'homme, elle ne constitue pas l'homme tout entier. L'homme a sa valeur propre dont, sans savoir lire ni écrire, il fait souvent un très-heureux emploi. La commission conclut, comme pour les précédentes pétitions sur le même objet, à l'ordre du jour.

M. Dumas a ajouté quelques détails aux renseignements statistiques contenus dans le rapport. Quand il s'agit, a-t-il dit, d'organiser l'instruction primaire dans un pays aussi étendu que la France, on comprend que la principale difficulté est de trouver de bons instituteurs et de bonnes institutrices : c'est une tâche considérable et qui exige une grande circonspection. Aussi le gouvernement n'a-t-il jamais perdu de vue un si grand intérêt. Deux ou trois chiffres suffiront pour montrer les résultats qui ont été obtenus depuis dix ans. Il est constaté d'abord que, depuis ce temps, le nombre des enfants qui fréquentent les écoles primaires s'accroit d'environ 40,000 par année. Le nombre des enfants que la pétition signale comme n'allant point aux écoles est donc de plus en plus restreint, et il finira dans peu d'années par être tout à fait insignifiant. D'autre part, il s'est produit, sous l'influence des bons efforts des communes, un mouvement des plus utiles; il y a dix ans, le nombre des enfants admis aux écoles à titre gratuit était seulement d'un tiers. Aujourd'hui il est des deux tiers. Puis, par suite d'une tarification meilleure consentie par les conseils municipaux et admise par les familles, le revenu apporté par ces dernières à l'institution primaire s'est accrue de 2 millions et demi. Il en résulte qu'avec des subventions plus élevées de la part de l'État et avec cet accroissement de 2 millions et demi provenant des familles, l'administration de l'instruction publique est en mesure de faire aux instituteurs une position meilleure. Un plus grand nombre de jeunes gens seront par là attirés vers la profession d'instituteurs; le gouvernement, de son côté, sera en mesure d'exiger d'eux des garanties plus grandes, et la confiance des familles s'augmentant; au lieu de 40,000 enfants attirés chaque année par les écoles, en sus du chiffre des années précédentes, ce chiffre ira encore en croissant.

- La question des agents de change a été l'objet d'un rapport intéressant, mais qui la laisse dans le statu quo. Avec les arguments mis en avant par l'honorable rapporteur, nous ne prévoyons point comment on en sortira. M. Larrabure a déposé son rapport au nom de la commission du Corps Législatif chargée d'examiner le projet de loi sur les associations pour l'exploitation des charges d'agent de change. Les opinions diverses sur le rôle des agents de change dans les transactions financières y sont examinées au double point de vue du crédit public et de la sécurité des intérêts privés. C'est d'abord la liberté absolue des intermédiaires. « Comme système théorique, dit M. Larrabure, dont

nous nous bornons à rapporter l'opinion combattue souvent dans notre recueil, elle pourrait trouver des partisans; pour la mise en pratique, elle n'en apas trouvé. Au contraire, des partisans théoriques nous ont déclaré que, ne pouvant mettre à néant les faits existants, les droits acquis, ils renonçaient à proposer la liberté absolue. En premier lieu, il serait bien difficile de régulariser l'action et les garanties d'un nombre indéfini d'agents de change, et bien dangereux de livrer à cette confusion tant et de si précieux intérêts de famille. En 'second lieu, la faculté de présenter des successeurs pour la transmission des offices existants ayant été consacrée par la loi, il faudrait examiner s'il n'y aurait pas lieu d'indemniser leurs possesseurs. Mais alors c'est par centaines de millions qu'il faudrait compter les sacrifices à faire par le Trésor public pour un succès, en vérité, fort douteux. La liberté absolue est dangereuse ou impraticable. >>

La seconde combinaison qui a inspiré plusieurs amendements rejetés par la commission, consistait à augmenter le nombre des agents de change: «< En augmentant le nombre des agents de chance, disait-on, on amoindrirait la valeur des charges existantes, on les rendrait plus accessibles, on imposerait aux nouveaux élus l'obligation de dédommager les titulaires actuels par des indemnités équitablement arbitrées. » Mais le gouvernement, investi du droit de créer des charges de ce genre, pense que le nombre actuel suffit au besoin du public et au delà, puisque plusieurs de ces officiers ministériels ne travaillent pas autant qu'ils pourraient le faire. D'ailleurs, il a été créé dans les grands centres, et à la portée des capitaux, des parquets qui sont devenus autant d'auxiliaires pour la Bourse de Paris; il en existe à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, à Toulouse, à Lille. Le gouvernement se propose d'en instituer d'autres encore.

Mais la partie la plus importante du rapport de M. Larrabure, contestable à ces derniers points de vue sur la question spéciale des agents de change, c'est la dissertation pleine de solidité qu'il a consacrée aux marchés à terme et à la spéculation.

M. Larrabure a voulu signaler tout ce qu'il y a d'excessif dans les préventions dont la Bourse est l'objet.

« On croit, dit-il, qu'il n'y a là que du jeu, du jeu effréné, qui fait de nombreuses victimes. Il y a, en effet, du jeu; oui, les marchés à terme de la Bourse donnent lieu à des opérations fictives, ouvrent le champ aux paris sur les mouvemements des cours, et tous les cœurs honnêtes doivent le déplorer. Si on ne veut voir que cette face de la question, on aura aisément raison. Mais il faut voir le bien comme le mal. A côté de ces opérations fictives, il y a des opérations à terme sérieuses, utiles, nécessaires même et parfaitement licites. Le devoir des hommes politiques est d'éclairer le public en faisant la vraie part du bien et du mal. »

Comme exemple, M. Larrabure cite les cas les plus usuels de marchés à terme répondant à une opération très-sérieuse : « Direz-vous qu'elle est blåmable? s'écrie-t-il. Direz-vous qu'elle doit être interdite? Mais prenez garde! Vous nuiriez à l'État par cette interdiction, outre que vous enchaîneriez ce qui doit être libre; car vous interdiriez ce qui fait rechercher les effets publics, c'est-à dire la facilité et la commodité d'acheter et de vendre, par grosses masses, et en tout temps, selon ses besoins, selon ses convenances........ On a été émerveillé de la facilité avec laquelle les emprunts de la guerre de Crimée, de la guerre d'Italie, se sont faits et placés. Mais imagine-t-on, par hasard, qu'ils se seraient placés si aisément et si vite, avec les seules transactions au comptant? Vous auriez été vingt-cinq ou trente ans à les placer ainsi; ou plutôt n'ayant que la ressource de les placer au comptant, vos emprunts ne se seraient pas faits. Il en est de même des énormes capitaux qui ont servi à construire nos canaux, nos chemins de fer. Supprimez demain les marchés à terme, supprimez les facilités qu'ils donnent au mouvement des grands capitaux, et vous les verrez disparaître, et vous verrez vos travaux chômer. »>

L'honorable rapporteur adjure les hommes d'État « de diriger et de moraliser de leur mieux les efforts d'une société laborieuse qui tend vers son bien-être, et de ne pas les dénigrer sans discernement; » car ce qu'on appelle les intérêts matériels « sont les intérêts du plus grand nombre, et les associer aux grandes idées morales et religieuses, c'est le but de toute civilisation, »

-Nous ne faisons que signaler dans cette chronique un document qui mérite une étude à part, que contiendra notre prochain numéro, c'est le compte rendu de l'administration de la justice criminelle en France depuis 1854 jusqu'à 1860, rédigé par le garde des sceaux sous forme de rapport à l'Empereur. Parmi les faits qui restent acquis, il est un phénomène trop digne d'attention et probablement le plus triste que constatent et son rapport de cette année et tous les rapports annuels du ministère de la justice depuis dix ans, le seul qui soit inscrit presque à chaque paragraphe de la première partie du compte-rendu décennal. Tandis que le nombre des accusations et des accusés de crimes contre l'ordre public a diminué de près de moitié pendant l'espace de temps embrassé par le compte-rendu, tandis que celui des accusations et des accusés contre la vie et la sûreté des citoyens a diminué dans la proportion d'un cinquième, le nombre des crimes contre les mœurs, suivant une progression perpétuellement ascendante, est arrivé à former plus de la moitié du nombre total des crimes contre les personnes. Et il n'en formait que le cinquième de 1826 à 1830! Ainsi les crimes qui supposent au moins quelque énergie dans le carac

tère (énergie bien mal employée, sans doute) ont diminué, les crimes et les délits bas, ceux où il n'est besoin que de lâcheté et de mystère, ceux qui proviennent des vices honteux d'eux-mêmes, ceux qui supposent une imagination lentement dépravée, une vie souillée, une corruption tout ensemble raffinée et grossière, n'ont cessé de s'accroître. Ce n'est point assez. Plus on pénètre dans cette corruption, plus on examine sous toutes leurs faces les chiffres scrupuleusement relevés par le rapport, plus on découvre avec effroi de souillures dans la souillure même, plus le mal s'enchaine au mal. Une seul espèce de crime contre la vie et la sûreté des individus devient d'année en année plus fréquent c'est l'infanticide, qui se rattache si étroitement pour le moraliste attentif à l'ordre de crimes qualifiés d'attentats aux mœurs. Ce qui, parmi ces attentats eux-mêmes augmente le plus, ce sont les attentats sur les enfants De 1856 à 1860, « les accusés de cette espèce de crimes forment le tiers du nombre total des accusés de crimes contre les personnes, au lieu du treizième qu'ils formaient de 1826 à 1830. » Les coupables (chose décourageante!) se recrutent plutôt parmi les gens mariés que parmi les célibataires; et la vieillesse fournit un contingent plus nombreux que l'âge mûr et la jeunesse. Telle est la logique du vice; celle de l'algèbre n'est pas plus rigoureuse.

- Le rapport sur le budget des dépenses et des recettes pour 1863 a été déposé au nom de la commission par M. Alfred Leroux. En voici les principaux résultats.

Le budget ordinaires des dépenses, tel qu'il avait été proposé par le gouvernement, présentait une augmentation totale de 74 millions 461,105 fr. sur le budget de 1862. Les diverses économies proposées par la commission et acceptées par le Conseil d'État ont réduit cette augmentation à 61 millions 834,395 fr., et le chiffre définitif des dépenses ordinaires ne s'élève plus qu'à 1 milliard 720 millions 274,078 francs.

D'autre part, les réductions proposées sur le budget extraordinaire l'ont abaissé de 438 millions 870,000 fr. à 124 millions 444,500 fr.

Si l'on prend pour terme de comparaison les dépenses réelles et définitives de 1862, y compris le budget rectifié, on constate une diminution de 125 millions 994,650 fr. au profit du budget de 1863, tant ordinaire qu'extraordinaire.

Les différentes réductions opérées d'un commun accord entre la commission et le gouvernement lui ont permis de s'entendre aussi pour supprimer la surtaxe du sel, c'est-à-dire une charge nouvelle pour le pays de 38 millions.

Le nouvel impôt proposé sur les quittances et les factures a été remplacé par le rétablissement temporaire du double décime sur l'enregis

trement. Toutefois, en écartant ce nouvel impôt, la commission en recommande l'étude au gouvernement.

L'impôt sur les chevaux et les voitures a subi des modifications importantes. Il ne sera pas appliqué dans les communes au-dessous de 4,200 âmes; dans les communes de 20,000 âmes et au-dessous, il ne sera pas appliqué aux voitures et aux chevaux employés en partie au service de l'agriculture ou d'une industrie patentée; enfin, dans les communes au-dessus de 20,000 âmes, les voitures et les chevaux destinés au même usage ne payeront qu'une demi-taxe.

En même temps le droit sur les bordereaux des agents de change a été remanié de façon à ce qu'il se trouvera moins onéreux dans chaque espèce et plus productif dans l'ensemble.

En revanche, le rapport nous apprend que la Commission, «malgré sa répugnance naturelle à rétablir une taxe si récemment abolie, » s'est vue forcée par les nécessités financières soit du budget, rectifié de 1862, soit de celui de 1863, d'accepter l'élévation de la taxe des sucres.

La Commission admet également l'augmentation du prix des papiers timbrés et les mesures proposées relativement à certains actes de procédure.

Enfin, la Commission et le Conseil d'Etat se sont entendus pour abandonner le projet de dégrèvement qui devait s'apppliquer à cinq millions de petits contribuables. «Sans méconnaître la pensée généreuse de ce projet, dit le rapport, la Commission s'est demandé si c'était bien le moment de se montrer libéral, quand il était facile d'entrevoir la nécessité d'imposer des sacrifices multiples et considérables à d'autres contribuables en bien plus grand nombre, et dont beaucoup ne sont pas moins dignes d'intérêt et de sollicitude. »

L'enquête sur la situation de la marine marchande, en France, provoquée par le rapport adressé à l'Empereur par M. le ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, a été ouverte le 2 juin, sous la présidence de M. Rouher, devant le conseil supérieur du

commerce.

Le programme de l'enquête renferme une série de soixante-huit questions portant principalement sur les prix comparatifs de construction et d'armement des navires de la marine à voiles et à vapeur, en France et à l'étranger; sur leurs conditions respectives de navigation, sur la composition et l'aptitude des équipages, sur les éléments divers des frais de navigation et l'influence plus ou moins favorable des règlements maritimes, sur la situation du cabotage, et enfin, ce qui peut être considéré comme l'un des côtés les plus essentiels de cette enquête, sur l'action de la législation douanière et des traités de commerce relativement à l'extension de la navigation commerciale. Ce programme

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