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RÉPONSE

DE M. BERGERET,

ALORS DIRECTEUR DE L'ACADÉMIE.

MONSIEUR,

Le public, qui sait combien l'Académie françoise à perdu à la mort de M. Pellisson, n'a pas plus tôt ouï nommer le successeur qu'elle lui donne, qu'en même temps il l'a louée de la justice de son choix, et de savoir si heureusement réparer ses plus grandes pertes.

Celle-ci n'est pas une perte particulière qui ne regarde que nous; toute la république des lettres y est intéressée, et nous pouvons nous assurer que tous ceux qui les aiment regretteront notre illustre confrère.

Les ouvrages qu'il a faits, en quelque genre que ce soit, ont toujours eu l'approbation publique, qui n'est point sujette à la flatterie, et qui ne se donne qu'au mérite.

Ses poésies, soit galantes, soit morales, soit héroïques, soit chrétiennes, ont chacune le ca

RÉPONSE AU DISCOURS DE M. DE FÉNÉLON. 285

ractère naturel qu'elles doivent avoir, avec un tour et un agrément que lui seul pouvoit leur donner.

C'est lui aussi qui, pour faire naître dans les autres, et pour y perpétuer, à la gloire de notre nation, l'esprit et le feu de la poésie qui brilloit en lui, a toujours donné, depuis vingt ans, le prix des vers qui a été distribué par l'Académie.

Tout ce qu'il a écrit en prose sur les matières les plus différentes a été généralement estimé.

L'histoire de l'Académie françoise, par où il a commencé, laisse dans l'esprit de tous ceux qui la lisent un désir de voir celle du roi, qu'il a depuis écrite, et que dès lors on le jugea capable

d'écrire.

Le panégyrique du roi, qu'il prononça dans la place où j'ai l'honneur d'être, fut aussitôt traduit en plusieurs langues, à l'honneur de la nôtre.

La belle et éloquente préface qu'il a mise à la tête des œuvres de Sarazin, si connue et si estimée, a passé pour un chef-d'œuvre en ce genre là.

Sa paraphrase sur les institutes de Justinien est écrite d'une pureté et d'une élégance dont on ne croyoit pas jusqu'alors que cette matière fût capable.

Il y a, dans les prières qu'il a faites pour dire pendant la messe, un feu divin et une sainte onc

tion qui marquent tous les sentiments d'une véritable piété.

Ses ouvrages de controverse, éloignés de toutes sortes d'emportements, ont une certaine tendresse qui gagne le cœur de ceux dont il veut convaincre l'esprit, et la foi y est partout inséparable de la charité.

Il avoit fort avancé un grand ouvrage pour défendre la vérité du mystère de d'Eucharistie contre les faux raisonnements des hérétiques; c'est sur un ouvrage si catholique et si saint que la mort est venue le surprendre. Heureux d'avoir expiré le cœur plein de ces pensées et de ces sentiments!

Le plus grand honneur que l'Académie françoise lui pouvoit faire, après tant de réputation qu'il s'est acquise, c'étoit, monsieur, de vous nommer pour être son successeur, et de faire connoître au public que, pour bien remplir la place d'un académicien comme lui, elle a jugé qu'il en falloit un comme vous.

Je sais bien que c'est faire violence à votre modestie que de parler ici de votre mérite; mais c'est une obligation que l'Académie s'est imposée elle-même de justifier publiquement son choix; et je dois vous dire, en son nom, que nulle autre considération que celle de votre mérite personnel ne l'a obligée à vous donner son suffrage.

Elle ne l'a point donné à l'ancienne et illustre noblesse de votre maison, ni à la dignité et à l'importance de votre emploi, mais seulement aux grandes qualités qui vous y ont fait appeler.

On sait que vous aviez résolu de vous cacher toujours au monde, et qu'en cela votre modestie a été trompée par votre charité; car il est arrivé que vous étant consacré tout entier aux missions apostoliques, où vous ne pensiez qu'à suivre les mouvements d'une charité chrétienne, vous avez fait paroître, sans y penser, une éloquence véritable et solide, avec tous les talents acquis et naturels qui sont nécessaires pour la former.

Et quoique, ni dans vos discours, ni dans vos écrits, il n'y eût rien qui ressentît les lettres profanes, on ne pouvoit pas douter que vous n'en eussiez une parfaite connoissance, au dessus de laquelle vous saviez vous élever par la hauteur des mystères dont vous parliez pour la conversion des hérétiques et pour l'édification des fidèles.

Ce ministère tout apostolique, par lequel vous vous éloigniez de la cour, a été principalement ce qui a porté le roi à vous y appeler, ayant jugé que vous étiez d'autant plus capable de bien élever de jeunes princes, que vous aviez fait voir plus de charité pour le salut des peuples; et, dans cette pensée, il vous a joint à ce sage gouverneur

dont la solide vertu a mérité qu'il ait été choisi pour un si grand emploi.

Le public apprit avec joie la part qui vous y étoit donnée, parce qu'il sait que vous avez toutes les vertus nécessaires pour faire connoître aux jeunes princes leurs véritables obligations, et pour leur dire, de la manière la plus touchante, que rien ne peut être plus glorieux que d'aimer les peuples et d'en être aimés.

L'obligation de vous acquitter d'une fonction si importante fit aussitôt briller en vous toutes ces rares qualités d'esprit dont on n'avoit vu qu'une partie dans vos exercices de piété : une vaste étendue de connoissances en tout genre d'érudition, sans confusion et sans embarras; un juste discernement pour en faire l'application et l'usage; un agrément et une facilité d'expression qui vient de la clarté et de la netteté des idées; une mémoire dans laquelle comme dans une bibliothèque qui vous suit partout, vous trouvez à propos les exemples et les faits historiques dont vous avez besoin; une imagination de la beauté de celle qui fait les plus grands hommes dans tous les arts, et dont on sait, par expérience, que la force et la vivacité vous rendent les choses aussi présentes qu'elles le sont à ceux mêmes qui les ont devant les yeux.

Ainsi vous possédez avec avantage tout ce

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