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végétaux entre lesquels peut se pratiquer la rotation, si favorable au maintien de la fertilité du sol. Ne sait-on pas aussi combien la cherté et la mauvaise qualité du fer, de l'acier, des instruments d'agriculture, des semences, etc., sont nuisibles au progrès agricole?

Heureusement le progrès qui s'est réalisé, depuis quelques années, en ce qui concerne les idées de liberté du travail et de l'échange, permet d'espérer que cet obstacle sera un des premiers à s'anéantir.

Enfin, si l'on calcule la part qui revient à l'agriculture ou aux communes rurales, dans le vaste ensemble des dépenses publiques, on trouve que cette part est extrêmement faible par rapport à celle qui est attribuée aux grandes villes et spécialement à la capitale. Une répartition plus équitable du produit des impôts, payés par tous, et leur application au perfectionnement de la voirie vicinale, des cours d'eau, etc., aurait une influence très-favorable sur le développement de l'agriculture, en attendant l'époque, bien éloignée encore, où la réduction des attributions exagérées de l'État, amenant une diminution correspondante du budget des dépenses, laisserait à chaque citoyen la libre disposition d'une plus forte partie de son revenu, qu'il pourrait consacrer à l'accroissement de sa puissance productive.

Nous aurions encore beaucoup à dire, sur les entraves au progrès agricole résultant de l'imperfection des institutions sociales; mais craignant, d'une part, de prolonger démesurément cette étude et, d'un autre côté, d'empiéter sur le domaine de la politique pure, nous passons à l'examen de la seconde question.

Ce n'est qu'à l'aide du capital que l'on peut obtenir le concours gratuit de la puissance productive naturelle du sol et, jusqu'à une certaine limite, si large qu'elle n'est presque jamais atteinte, ce concours est proportionné à la grandeur du capital, consacré à le solliciter. Cette vérité, élémentaire au point de paraître triviale, n'en est pas moins méconnue par la plupart des agriculteurs, qui ne peuvent comprendre qu'une faible étendue de terre, cultivée avec un capital suffisant, est plus productive qu'une vaste étendue de terrain, manquant d'une bonne partie de l'outillage et des avances, nécessaires à sa complète exploitation.

Une partie de ce capital doit se trouver fixée au sol, sous forme d'ameublissement, de nettoyage, d'amendement permanent, de

bâtiments d'exploitation, de plantations, d'irrigation ou d'asséchement, etc. Or, qu'elle est l'exploitation rurale qui ne laisse rien à désirer sous ce rapport?

Sous forme de capital engagé à échéance plus ou moins lointaine se présentent les instruments aratoires, de transport et d'autres machines-outils; les chevaux et les bestiaux; enfin, le capital circulant se compose de la somme nécessaire à l'acquisition des semences, de l'engrais, au payement des salaires, aux dépenses du ménage, aux frais imprévus. Non-seulement cette dernière portion du capital doit exister, mais, comme il fonctionne moins régulièrement que dans le commerce et dans la plupart des autres branches de l'industrie, il doit être disponible en temps opportun, sans exiger un encaisse trop considérable, qui laisserait improductive une portion du fonds de roulement.

Le capital, on le sait, ne s'improvise pas; il est le fruit, lentement et péniblement acquis, des profits recueillis et épargnés dans les temps prospères. A la vérité, une fois commencée, sa formation se poursuit et s'achève de plus en plus rapidement, en élevant la production et en rendant l'épargne subséquente plus facile.

Cet accroissement du capital circulant de l'agriculture, toutefois, serait rendu beaucoup plus rapide, si ceux qui en ont besoin jouissaient de la faculté de l'emprunter à des conditions raisonnables. Malheureusement cette faculté n'existe pas, ou tout au moins n'est

que très-incomplète; en d'autres termes, l'agriculture manque de crédit, ou n'en jouit qu'à un degré infiniment moindre que les autres branches de la production.

A quoi cela tient-il? à diverses causes, dont les principales sont l'absence presque absolue, chez le cultivateur, de notions relatives au mouvement du crédit et à son utilité; ajoutons aussi, au risque de froisser mainte susceptibilité, la rareté de cette probité scrupuleuse, de ce profond respect de l'échéance, si caractéristique des personnes habituées à faire un large usage du crédit, quelque puisse être, d'ailleurs, la fermeté de leurs principes de morale, en d'autres circonstances.

Une deuxième cause, plus importante encore, gît dans le manque de la liberté d'émission de billets au porteur et à vue, qu'ils émanent d'une banque, de tout autre établissement de crédit, ou même d'un simple particulier, parvenu à quelque titre que ce soit, à inspirer confiance en sa signature. En supposant même que cette liberté

existât, il est douteux que l'on en fasse, d'ici à longtemps, un usage aussi étendu qu'en Écosse, où il existe une banque d'émission par 5,000 habitants et que dans l'île de Jersey, où 73 établissements de crédit font circuler, parmi 55,000 habitants, une valeur estimée à 2 milliards de francs environ en billets de 25 francs. Il est vrai qu'une circulation aussi considérable, fruit d'une longue pratique et d'ha-bitudes de stricte probité, n'est pas nécessaire pour que l'agriculture française éprouve les bienfaisants effets du crédit, qui iraient en s'élevant à mesure qu'ils seraient mieux appréciés par le public; en effet, l'agriculteur peut non-seulement équilibrer ses recettes avec ses dépenses, pendant le courant de l'année, presque sans encaisse métallique, et compenser les pertes des mauvaises années par l'excédant que laissent les bonnes récoltes, mais il peut encore faire usage de capitaux empruntés, en dehors du cercle des agricul

teurs.

Le résultat d'un usage plus constant et plus étendu du crédit serait une affluence considérable du capital vers l'industrie agricole et l'emploi, actif et judicieux, qui serait fait de ce capital. Enfin, une application aux opérations agricoles, des principes si féconds de l'association et de la division du travail, compléterait l'ensemble des moyens par lesquels les ouvriers trouveraient, dans les travaux des champs, un plus utile emploi et, partant, une plus ample rémunération de leur labeur.

III

En résumé, l'émigration des populations ouvrières, des campagnes vers les villes, a pour cause la différence entre les salaires industriels et les salaires agricoles; elle continuera, avec une intensité décroissante, jusqu'à ce que cette différence ait cessé d'exister, en tenant compte, toutefois, des frais de production respectifs du travail dans les deux milieux.

Les salaires sont plus élevés dans les villes que dans les campagnes, parce que les industries qui s'exercent dans les premières, possédant plus de capital et de crédit, un outillage plus puissant et plus perfectionné, de meilleurs procédés de fabrication, de transport, de vente, etc., que l'agriculture, le travail y est plus productif et peut, dès lors, être mieux rémunéré.

L'égalité des salaires entre les industries manufacturières et les industries rurales ne s'établira donc qu'alors que ces dernières

auront réalisé les progrès qui les mettront au niveau des premières. L'égalité des salaires au niveau le plus élevé est un bien pour les ouvriers, sans qu'il en résulte aucun dommage, ni pour les autres catégories de producteurs, ni pour les consommateurs, puisque cette élévation est la conséquence d'un accroissement de la production, dont tout le monde prend sa part, soit sous les formes de salaires et de profits, soit sous celle de gratuité; en somme, l'émigration, ayant pour tendance d'amener ce résultat, est donc un bien aussi, dont il y a lieu de s'applaudir.

Ce bien, néanmoins, n'est pas exempt d'un certain mélange de mal.

En ce qui concerne les ouvriers, celui-ci provient de l'ignorance, qui ne leur permet pas de peser, avec le degré d'exactitude convenable, les chances favorables ou défavorables de l'émigration, ce qui les expose à faire fausse route et, par conséquent, à détruire une partie des bons effets de ce mouvement, tant pour eux-mêmes que pour les autres fractions de la société. Pour les agriculteurs, ce mal est plus grave encore, et cette gravité explique les doléances que leur arrache l'émigration, sans toutefois les justifier entièrement. Il consiste, en partie, dans leur propre ignorance des moyens généraux, propres à y porter remède; dans le manque de connaissances scientifiques et techniques, dont la possession leur serait nécessaire pour mieux tirer parti des forces productives naturelles du sol et pour donner au travail agricole une organisation plus intelligente.

A ce mal contribue aussi, dans une large mesure, la pénurie du capital agricole, ou, ce qui est la même chose, la disproportion extrême entre ce capital et l'étendue du fonds de terre à exploiter, enfin, l'absence totale du crédit, qui remédierait du moins pour une forte part, à cette pénurie, par un emploi plus actif des ressources existantes et par la faculté d'en emprunter ailleurs.

Finalement, les causes du mal, dont les agriculteurs se plaignent avec le plus de raison, sont : la conscription, la lourdeur et l'iniquité de la répartition des impôts, les entraves à la liberté de l'échange (principalement celle qui consiste dans les octrois), et à celle du crédit, l'absorption d'une portion trop considérable du revenu public par les grandes villes, notamment, par celle de Paris, etc.

Il suffit, en quelque sorte, de signaler les sources de ces maux,

pour en indiquer du même coup les remèdes qui, pour les populations laborieuses, doivent consister dans la diffusion la plus large et le perfectionnement de l'instruction primaire et, surtout, de l'éducation; pour les agriculteurs, la propagation de l'enseignement scientifique, économique et technique, la diminution et la répar tition plus équitable des impôts y compris celui du sang, et des dépenses publiques, enfin, la suppression, la plus complète possible, de toute entrave à la liberté du travail, de l'échange et du crédit. A ces diverses conditions qui, nous en convenons volontiers, ne sont pas d'une réalisation facile, la dépopulation des campagnes s'arrêterait à sa limite utile et peut être l'émigration aurait-elle lieu en un sens inverse, vers certaines régions agricoles, plus favorisées que d'autres des dons de la nature, et où les cultivateurs seraient parvenus à en tirer parti à l'aide de procédés plus perfectionnés. CH. LE HARDY DE BEAULIEU.

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OPINIONS DES AUTEURS ANCIENS ET MODERNES.

Les auteurs antérieurs à 1789. - Les économistes et les auteurs modernes.
Arguments pour et contre.

Que, sous l'ancien régime, dans un temps où l'organisation politique et sociale de notre pays admettait le principe et consacrait la légitimité de toutes sortes de priviléges, celui de la naissance compris, et alors que partout se rencontrait l'appropriation privée de choses qui en paraissent le moins susceptibles, il y ait eu aussi des priviléges de fonctions et offices publics qui, de la sorte, devenaient autant de propriétés

(1) Voir le Journal des Économistes, numéros d'avril, de mai et de juillet 1867.

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