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étrangers, parce que leur population et leurs affaires justifient un pareil établissement;

« Que cette infériorité du nombre des institutions de crédit est dommageable pour l'industrie française qui est en concurrence avec l'industrie des autres contrées;

<< Que les statuts de la Banque de France s'opposent à plusieurs améliorations qui sont reconnues indispensables;

« Que l'immobilisation de la majeure partie de son capital en rentes sur l'Etat tend à la frapper d'impuissance toutes les fois que les temps deviennent difficiles et les besoins du commerce plus grands;

« Qu'avec l'organisation actuelle de la Banque de France, le service important des avances sur valeurs est devenu précaire, la Banque paraissant ne le faire que malgré elle;

<< Que c'est en vain qu'on réclame de toute part une plus grande extension de crédit, plus de facilité dans sa dispensation, et la création de comptes-courants à intérêt, ce qui serait, pour la prospérité de nos campagnes et pour l'avancement de l'agriculture nationale, un inappréciable bienfait, ainsi que le démontre l'exemple de plusieurs pays étrangers remarquablement prospères, et particulièrement de l'Ecosse, où les banques font, sans péril pour elles-mêmes, des avances à découvert sur caution;

« Que la faculté illimitée d'élever le taux de l'escompte dont jouit la Banque de France, et dont elle a largement usé plusieurs fois, antérieurement à 1867, amène des perturbations dans les affaires et a pour conséquence immédiate de provoquer des crises commerciales;

« Qu'on ne saurait, en outre, méconnaître ce qu'a de fàcheux un état de choses où les profits de la Banque s'élèvent à mesure qu'augmente la détresse du commerce;

<«< Que les inconvénients et les dangers ci-dessus signalés ne peuvent être efficacement conjurés, et les avantages énumérés ci-dessus obtenus, que par la concurrence d'autres établissements de crédit jouissant également de la faculté d'émettre des billets au porteur et à vue;

« Que le principe de l'unité des banques n'a pour lui ni la théorie ni l'expérience; qu'en ce qui concerne la France, il n'est aucunement écrit dans la lor, et que le privilége de l'émission des billets de banque ne saurait être représenté comme appartenant légalement à la Banque de France, si ce n'est dans les communes où elle a fondé une succursale;

« Qu'il est d'une suprême importance qu'il se crée des établissements spéciaux de crédit propres aux diverses divisions du territoire ou aux localités dans lesquelles ils doivent exercer leur action, et que la faculté d'émission est une condition de succès de ces établissements.

«Par ces motifs, le Conseil général émet le vœu que la faculté d'émettre des billets au porteur et à vue, ou, en d'autres termes, des billets de banque, cesse d'être, en fait, le privilége exclusif de la Banque de France, et qu'il puisse être accordé à toute banque libre, sous la réserve de conditions de garantie stipulées d une manière générale. »

SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE

Réunion du 5 septembre 1867.

COMMUNICATIONS: Sur la propagation de l'économie politique dans le Wurtemberg, par M. de Steinbeis.-Sur le mouvement des Sociétés coopératives en Italie, par M. Luzzati. DISCUSSION: De l'organisation des Sociétés coopératives.

Les réunions de septembre sont en général les moins suivies. Il n'en a pas été de même de la séance du 5 de ce mois, qui a été nombreuse et une des plus intéressantes auxquelles nous ayons assisté. M. Michel Chevalier et M. Wolowski, membres de l'Institut, ont présidé la séance, à laquelle avaient été invités : M. Peruzzi, ancien ministre de l'intérieur en Italie; M. de Vincenzi, ancien ministre des travaux publics en Italie; M. de Steinbeis, président de la commission royale de Wurtemberg à l'Exposition; M. Torrigiani, professeur d'économie politique à l'université de Parme, député au parlement italien; M. Joseph de Luca, professeur de géographie et de statistique à l'université de Naples; M. le marquis de Pallavicino, de Gênes; M. Stephen Colwell, de Philadelphie; M. Viganó, professeur à l'institut technique de Milan; M. Virgilio, professeur d'économie politique à l'institut technique de Gênes; M. Luzzati, professeur d'économie politique à l'université de Milan, M. Vesey Fitz-Gérald; M. le comte Plater; M. Rozy, professeur à la Faculté de droit de Toulouse.

Après la présentation de divers ouvrages qui seront mentionnés dans un autre compte-rendu, M. Wolowski demande la parole pour une communication.

M. WOLOWSKI, membre de l'Institut, donne au nom de M. de Steinbeis, président de la commission royale du Wurtemberg à l'Exposition, des renseignements pleins d'intérêt, sur les efforts faits dans ce pays dans le but de propager la connaissance de l'économie politique.

Le Moniteur wurtembourgeois se trouve en compagnie d'un supplément hebdomadaire, tiré maintenant à six mille exemplaires, et consacré à répandre les plus saines notions d'économie politique, sous la forme la plus accessible à tous. De nombreuses traductions de tracts anglais et de conférences françaises, des notices statistiques rédigées avec soin, le résumé des faits et des travaux économiques, etc., donnent à cette publication beaucoup d'attrait et d'utilité.

D'un autre côté, le Wurtemberg, qui possède à Tubingue la seule Fa3 SERIE. T. VII. — 15 septembre 1867.

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culté d'économie politique qui existe dans les Universités d'Allemagne, a essayé de généraliser cette étude, en la faisant pénétrer dans l'enseignement des séminaires catholiques et protestants. D'après ce que nous apprend M. de Steinbeis, ces derniers ont été seuls à opposer d'abord quelques difficultés à cette heureuse innovation; maintenant elle se trouve accueillie partout avec faveur, et elle contribue beaucoup à répandre dans le sein de la nation des idées justes relativement aux conditions et aux résultats du travail.

La Société d'économie politique s'associe à la motion faite par M. Wolowski, en remerciant M. de Steinbeis, de l'initiative éclairée qu'il a prise pour faire adopter ces fécondes améliorations.

M. Wolowski annonce ensuite qu'un autre des honorables invités, M. Luzzati, professeur d'économie politique à l'université de Milan, pourrait donner à la Société d'intéressants renseignements sur le mouvement des sociétés coopératives en Italie.

M. LUZZATI, se rendant à l'invitation du président, jette un rapide coup d'œil sur la marche de la coopération en Italie. Il est heureux de pouvoir soumettre à la bienveillante appréciation de la Société des économistes les premières expériences tentées au delà des Alpes, les débuts de ce mouvement coopératif né d'hier au souffle vivifiant de la liberté. S'étant consacré à la coopération et passant sa jeunesse dans une continuelle familiarité avec les classes ouvrières, la seule récompense qu'il ambitionne est l'heureux développement des institutions coopératives qui avec l'aide d'hommes dévoués deviennent de jour en jour plus florissantes et plus nombreuses. La Société italienne tout entière favorise le mouvement. On commence à comprendre que la liberté ne saurait se conserver sans le bien-être matériel et moral des classes laborieuses. C'est pourquoi riches et savants, économistes et financiers, se mêlent au peuple, et tous les citoyens concourent à fêter dans la coopération la religion commune du travail.

Les institutions ouvrières de l'Italie se divisent en quatre branches principales, qui sont: les sociétes de secours mutuels, les banques populaires mutuelles, les magasins coopératifs ou sociétés alimentaires, et les sociétés de production.

M. Luzzati, sans avoir la prétention d'épuiser son sujet, le temps lui faisant défaut, se propose de ne passer en revue que les faits et les idées les plus dignes d'interêt et dont il s'efforce incessamment d'inspirer les coopérateurs de son pays.

En Italie, les sociétés de secours mutuels ont donné l'élan au mouvement cooperatif, eiles ont servi en quelque sorte d'apprentissage à la cooperation, et leur nom. re s'élève actuellement à plus de 600. Ces societes sont irreprochables au point de vue moral et nourrissent dans

leur sein le feu sacré de la bienveillance fraternelle; mais elles pèchent par le côté économique: elles n'ont point encore trouvé le moyen de proportionner les cotisations aux charges éventuelles. C'est ainsi qu'elles se sont engagées à payer des pensions de retraite aux vieillards sans régler le montant de leurs promesses sur des tables de vie moyenne et de mortalité. La caisse d'épargne de Milan, une des institutions de crédit les plus remarquables du monde, et qui avait l'année dernière en dépôt plus de 150 millions de francs, a institué un conseil d'hommes compétents, dont la mission est de distribuer des prix d'encouragement aux meilleures sociétés de secours mutuels, et de les ramener aux véritables principes du contrat d'assurance mutuelle qui est la base de ces institutions. Cette commission, dont l'orateur a l'honneur de faire partie et qui est présidée par M. Henri Fano, un des plus infatigables et des plus intelligents promoteurs des institutions ouvrières a déjà exercé une assez grande influence. Un grand nombre de sociétés se sont empressées d'appliquer les principes posés dans les rapports du conseil, qui travaille sans relâche à fixer pour l'Italie les lois de la maladie et de la mortalité suivant l'âge, le sexe et la profession, spécialement parmi les classes ouvrières. Les calculs ont été commencés d'après des observations dont le nombre, qui s'accroît chaque jour, s'élève dès à présent à plus de 40,000.-Avant d'aborder un autre ordre d'idées, M. Luzzati rappelle le principe qu'il s'est toujours efforcé de mettre en pratique et qui consiste à détourner le plus possible d'un emploi stérile en rentes publiques ou à la caisse d'épargne, les capitaux amassés pour les sociétés de secours mutuels et de les faire servir aux besoins infinis du peuple, c'est-à-dire de ceux-là même qui ont réalisé les épargnes.

Il serait facile de citer de nombreuses expériences couronnées de succès; il suffit de faire connaître en deux mots la société des serviteurs à gages de Milan qui a inauguré une combinaison financière dont l'exemple peut être utilement suivi.

Cette société, qui, après trois années d'existence, a déjà recueilli plus de 120,000 francs, qui a pourvu largement aux frais de maladie. et de vieillesse, a en outre consacré une partie de ses fonds (10,000 fr.) à l'établissement d'un magasin coopératif. Celui-ci paye à la Société de secours mutuels un intérêt de 8 010; il a réalisé dans le cours de l'année 1866 un bénéfice net de 47 0/0, chiffre qui dépasse la moyenne des bénéfices réalisés par les magasins coopératifs de l'Angleterre. La société de secours mutuels contribue ainsi à améliorer l'alimentation du peuple, tout en retirant de son capital un profit égal ou supérieur à l'emploi en rente publique ou à la Caisse d'épargne. La société a institué dans son sein le prêt d'honneur, dont le but est de soustraire les sociétaires à l'action du Mont-de-Piété qui n'a de pieux que le nom, et de les dégager de leurs dettes antérieures vis-à-vis de leurs anciens

fournisseurs, épiciers et boutiquiers, ce qui leur permet de devenir les clients du magasin-coopératif, où l'on est tenu d'acheter au comptant. Jusqu'à ce jour, tous les membres ont tenu religieusement leur promesse; personne n'a manqué au remboursement. Enfin, dans cette même société a pris naissance une caisse d'épargne, à l'usage des sociétaires et de leurs femmes: cette caisse a déjà recueilli plus de 50,000 francs. Une faible partie des bénéfices du magasin coopératif est destinée à délivrer des prix en livrets de caisse d'épargne de la société, aux enfants des sociétaires qui se sont distingués à l'école primaire. Cette heureuse combinaison financière, qui donne lieu à un mouvement d'affaires de plus de 200,000 francs par an, méritait d'être soumise à l'appréciation de la société.

La question des banques populaires a donné lieu en Italie à de vives discussions; l'on y a prêché tous les systèmes, et en s'appuyant sur l'autorité de Proudhon et de quelques noms célèbres, l'on a essayé d'ébranler les véritables principes du crédit. Lorsqu'une erreur surgit en France, elle est deux fois plus dangereuse en Italie, à cause de la contagion que la France exerce pour le mal comme pour le bien. Les principaux systèmes de crédit populaire en Italie peuvent se réduire à trois: le Crédit au travail, la Banque du peuple de Florence, et les Banques mutuelles que M. Luzzati a implantées dans son pays. Il serait trop long d'en faire un exposé détaillé; l'orateur se borne à en esquisser les principales différences. Le Crédit au travail est une doctrine qui a pris sa source à de nobles inspirations; elle veut offrir au peuple du crédit sur la seule garantie de l'honneur et du travail, sans le soumettre à la discipline de l'épargne; tandis que la doctrine de M. Luzzati se propose d'amener le peuple au crédit par la voie de la prévoyance et de l'économie. Ces deux systèmes se sont trouvés en présence à Turin, à Milan, et à Varese, où la Chambre de commerce avait invité entre autres M. Boldrini, le zélé promoteur du crédit au travail, et M. Luzzati, à exposer devant le peuple leurs théories. Un grand nombre de paysans et d'ouvriers étaient accourus pour entendre les deux orateurs, qui discutèrent la question pendant de longues heures et avec pleine liberté.

M. Luzzati démontra que si les ouvriers et les petits industriels ne constituaient pas, par leurs épargnes, le premier noyau du capital de la banque, il leur faudrait recourir aux riches ou à l'État, c'est-à-dire à la bienfaisance, et que si les capitalistes voulaient faire du crédit populaire une spéculation avantageuse, ils se verraient entraînés en quelque sorte par la force des choses à établir une banque d'usure; car un des éléments principaux du taux de l'argent est la prime d'assurance qui devrait être énorme pour s'indemniser des pertes éventuelles par suite de non-remboursement. Tous ces dangers disparaissent dans les banques mutuelles. Les travailleurs qui sont admis aux avantages du

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