Imágenes de páginas
PDF
EPUB

que la force armée sera confiée à un de ses membres : Barras, ajoute Vouland, aura le courage d'accepter... Barras est proclamé commandant général. Il demande et obtient pour adjoints ses collègues Ferraud, Fréron, Rovère, Delmas, Bollet, Léonard Bourdon, Bourdon (de l'Oise), Legendre, Goupillaud (de Fontenay), Beaupré et Huguet.

Le rapporteur des comités vient ensuite confirmer les nouvelles déjà données, et proposer un décret qui est adopté sur le champ..

RAPPORT fait par Barrère au nom des comités de salut public et de sûreté générale.

[ocr errors]

Citoyens, elle a donc éclaté cette horrible conjuration tramée sous le manteau du patriotisme, et par des usurpateurs de l'opinion publique! Elle tenait à des ramifications nombreuses, et qui se sont découvertes dans cette soirée avec une rapidité effroyable; car les événemens de la moitié de cette journée doivent dessiller les yeux aux citoyens les plus incrédules. Tous les préparatifs de cette contre-révolution étaient faits, toutes les dispositions prêtes, et il ne peut y avoir dans ceux qui y coopèrent que des complices. Pendant que vous rendiez des décrets salutaires Hanriot répandait dans les rues de Paris le bruit qu'on venait d'assassiner Robespierre; les nouvelles les plus infâmes étaient publiées contre vous; des cartouches étaient distribuées aux gendarmes pour frapper les représentans du peuple, et les soldats fidèles viennent de déposer sur le bureau du comité des cartouches distribuées par le crime.

>> Pendant ce temps l'administration de police, d'après un mandat du maire, l'agent national de la commune de Paris, et l'un de ses substituts, décernaient un mandat de liberté pour les citoyens Lavalette et Boulanger, officiers de la force armée parisienne, et pour Villatte, juré du tribunal révolutionnaire. Ainsi l'administration de police, le maire et l'agent national se constituaient les supérieurs du comité de sûreté générale, qui avait fait arrêter Villatte, et usurpaient effrontément l'autorité nationale, confiée à la Convention.

» Au même instant Hanriot faisait traduire à la Force

un gendarme porteur d'un décret de la Convention, jusqu'à ce que les magistrats du peuple, disait-il, en eussent ordonné autrement.

» Tandis que Hanriot créait des magistratures, il insultait à votre autorité, arrêtait le sergent de la Convention; il faisait battre le rappel dans une section, la générale dans l'autre, et le tocsin dans les sections qui environnent la commune. Le maire de Paris envoyait à toutes les barrières des ordres pour leur fermeture. Nous vous demandons un décret pour faire de nouvelles défenses de fermer les barrières, et de réputer ennemis du peuple ceux qui désobéiraient à ce décret.

>>

Boulanger s'était réfugié au camp de Paris. Hanriot traversait les rues à cheval en criant : on assassine les patriotes! aux armes contre la Convention! et il excitait le peuple, qui, calme, ne répondait point à ces agressions insolentes.

[ocr errors]

Payan déclamait à la commune contre la représentation nationale, et la commune se constituait en insurrection ouverte contre la Convention.

» Le comité révolutionnaire du Temple nous apprend que la commune de Paris vient de fermer les barrières, et de convoquer sur le champ les sections pour délibérer sur les dangers de la patrie.

» A la municipalité il y a un ordre de ne laisser entrer aucun envoyé de la Convention; cependant l'huissier a été admis. Un municipal, au décret qui appelle la municipalité à la barre, a répondu : oui, nous irons, mais avec le peuple!

» Il a ajouté à cette réponse un geste que le peuple n'aurait pas avoué, parce que le peuple s'honore lui-même en honorant ses représentans.

» Vous voyez ici la conspiration la plus atroce, une conspiration militaire, une conspiration ourdie avec une latitude, avec un art et un sang-froid que n'eurent jamais ni les Pisistrate, ni les Catilina.

» Une partie des sections s'est déjà prononcée pour la représentation du peuple; une autre partie accourt au secours de la loi. Si quelques unes sont égarées ou gagnées par des intrigues communales, ne croyez pas que le prestige puisse durer.

» En attendant, déclarez hors de la loi tous ceux qui donneraient des ordres pour faire avancer la force armée contre la Convention nationale, ou pour l'inexécution de ses décrets. Il faut aussi mettre hors de la loi les individus qui, frappés de décret d'arrestation ou d'accusation, n'auront pas déféré à la loi, ou qui s'y seraient soustraits.

» Le courage doit accompagner la vertu publique, et la vertu doit caractériser les représentans du peuple : avec du courage et le peuple vous vaincrez.

[ocr errors]

L'objet de l'attente des comités est que les citoyens de Paris se souviendront de la République, à laquelle ils appartiennent; qu'ils n'iront pas jurer fidélité à une commune infidèle à son devoir, et complice de la conspiration la plus horrible. Quelques-uns de ceux que la Convention a frappés se sont évadés, et ont cherché un asile dans le sein de cette commune. Comment ont-ils consenti à souiller ainsi la maison des citoyens de Paris, et peuvent-ils compter sur une longue impunité s'ils croient être au milieu de Français, au milieu de républicains? La patrie observe Paris, et la Convention nationale saura juger les bons citoyens.

» Les sections s'assemblent; c'est à elles que nous devons nous adresser.

[ocr errors]

DÉCRET.

< La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public et de sûreté générale, défend de fermer les barrières, ni de convoquer les sections sans une autorisation des comités de salut public et de sûreté générale.

» Elle met hors de la loi tous les fonctionnaires publics qui donneraient les ordres pour faire avancer la force armée contre la Convention nationale, ou pour l'inexécution des décrets qu'elle a rendus.

» Elle met aussi hors de la loi les individus qui, frappés de décret d'arrestation ou d'accusation, n'auraient pas déféré à la loi, ou qui s'y seraient soustraits.

» La Convention nationale compte sur le zèle, le patriotisme et la fidélité des sections de Paris envers la République indivi

[ocr errors]

sible, et leur défend expressément d'obéir à une municipalité conspiratrice que la Convention nationale vient de mettre hors de la loi.

>> Tout le ralliement des autorités constituées et de la force publique est à la Convention nationale. »

En peu d'heures le tableau change. Barras, ses adjoints, d'autres députés, des envoyés de toutes les sections annoncent tour à tour les plus heureux résultats : les conjurés sont enveloppés sur tous les points; aucune résistance n'a obligé de recourir aux armes ; à la voix des représentans du peuple les troupes se sont déclarées avec enthousiasme pour la Convention nationale; les citoyens, détrompés, accourent pour lui faire un rempart de leur corps; la commune est dissoute; la plupart des rebelles sont pris; quelques uns ont essayé de se détruire; on les amène; Robespierre aîné est sur un brancard.

Le président (Charlier). « Le lâche Robespierre est là ; vous ne voulez pas qu'il entre? (Un grand nombre de voix : Non! non!)

Thuriot. « Apporter dans le sein de la Convention le corps d'un homme couvert de tous les crimes ce serait enlever à cette belle journée tout l'éclat qui lui convient; le cadavre d'un tyran ne peut que porter la peste ! La place qui est marquée ! pour lui et ses complices c'est la place de la Révolution; il faut les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai. » (Oui! Oui! Applaudissemens.)

que

Le vœu de Thuriot est aussitôt converti en un décret. Tandis qu'au seul nom de Robespierre expirant quelques membres sont encore transportés de vengeance, Dubois-Crancé, plus calme, se rappelle un mot curieux sans doute, mais qu'il rend plus remarquable encore par la circonstance où il le cite: Je dois, dit Dubois-Crancé, rendre ici hommage à la sagacité de Marat. (Attention.) A l'époque du jugement du tyran Capet il me dit en parlant de Robespierre: tu vois bien ce coquin-là? Comment coquin! m'écrié-je. Oui, reprit

Marat, cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés.

[ocr errors]

Legendre arrivé avec des clés à la main; il monte à la tribune, et rend compte de l'expédition qu'il vient de faire. Legendre s'est rendu aux Jacobins dans l'intention de brûler la cervelle au nommé Vivier, scélérat dévoué à Robespierre, et qui la veille avait présidé cette société : il ne l'a point trouvé; mais il a harangué les citoyennes des tribunes, les a renvoyées, a fermé les portes, et gardé les clés : →→ Comme c'est la Convention en masse, dit-il, qui à sauvé la patrie, demain la Convention nationale en masse sera jacobine; ce sera la vertu qui ira rouvrir les portes de cette société. - (Et l'on applaudit.).

Sur la proposition de Thirion la Convention met Vivier hors de la loi.

Il est six heures du matin. On annonce que partout le calme règne. La séance est suspendue.

Elle est reprise à neuf heures (10 thermidor).

La Convention reçoit de nombreuses adresses de félicitations. Sur la proposition de Granet elle décrète que les sections de Paris ont bien mérité de la patrie.

Thuriot et Bentabole s'étonnent de ne pas apprendre que la tête des conspirateurs est tombée, et sur leur demande les comités sont chargés de donner des ordres en conséquence.

Bientôt après Barrère annonce que les coupables ne sont plus (1).

(1) Successivement arrêtés, vingt-deux ont été guillotinés le 10 thermidor, soixante-treize le 11, et douze le lendemain. Le décret qui les mettait hors de la loi dispensait de toute autre formalité que l'identité constatée par témoins sur la motion d'Elie Lacoste la Convention avait abrogé, pour cette circonstance seulement, le décret qui ordonnait que la reconnaissance des individus mis hors la loi eût lieu devant deux officiers municipaux.

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »