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Ce reffort fi puiffant, l'ame de la nature,
Etait enfeveli dans une nuit obfcure:

Le compas de Newton, mefurant l'univers,
Lève enfin ce grand voile, & les cieux font ouverts.
Il découvre à mes yeux, par une main favante,
De l'aftre des faifons la robe étincelante :
L'émeraude, l'azur, le pourpre, le rubis,
Sont l'immortel tiffu dont brillent fes habits,
Chacun de fes rayons dans fa fubftance pure,
Porte en foi les couleurs dont fe peint la nature;
Et confondus enfemble ils éclairent nos yeux,
Ils animent le monde, ils empliffent les cieux.

Confidens du Très-Haut, fubftances éternelles
Qui brûlez de fes feux, qui couvrez de vos ailes
Le trône où votre maître eft affis parmi vous,
Parlez, du grand Newton n'étiez-vous point jaloux?
La mer entend fa voix. Je vois l'humide empire
S'élever, s'avancer vers le ciel qui l'attire ;
Mais un pouvoir central arrête fes efforts;
La mer tombe, s'affaiffe, & roule vers fes bords.
Comètes que l'on craint à l'égal du tonnerre,
Ceffez d'épouvanter les peuples de la terre:
Dans une ellipfe immenfe achevez votre cours;
Remontez, defcendez près de l'aftre des jours;
Lancez vos feux, volez; & revenant fans ceffe,
Des mondes épuisés ranimez la vieillesse.

Et toi, foeur du foleil, aftre qui dans les cieux, Des fages éblouis trompais les faibles yeux, Newton de ta carrière a marqué les limites; Marche, éclaire les nuits, tes bornes font prefcrites. Terre, change de forme, & que la pefanteur En abaiffant le pôle élève l'équateur.

Pôle immobile aux yeux, fi lent dans votre course, Fuyez le char glacé des fept aftres de l'ourse : Embraffez dans le cours de vos longs mouvemens, a) Deux cent fiécles entiers par-delà fix mille ans.

Que ces objets sont beaux! Que notre ame épurée Vole à ces vérités dont elle eft éclairée ! Oui, dans le fein de DIEU, loin de ce corps mortel,

a) C'est la période de la préceffion des équinoxes, laquelle s'accomplit en vingt-fix mille neuf cent ans ou environ.

L'efprit femble écouter la voix de l'Eternel.
Vous, à qui cette voix fe fait fi bien entendre,
Comment avez-vous pu, dans un âge encor tendre,
Malgré les vains plaisirs, ces écueils des beaux jours,
Prendre un vol fi hardi, suivre un fi vafte cours?
Marcher après Newton dans cette route obfcure
Du labyrinthe immenfe où fe perd la nature?
Puiffai-je auprès de vous, dans ce temple écarté,
Aux regards des Français montrer la vérité!.
Tandis b) qu'Algarotti, für d'inftruire & de plaire,
Vers le Tibre étonné conduit cette étrangère,
Que de nouvelles fleurs il orne fes attraits,
Le compas à la main, j'en tracerai les traits;
De mes crayons groffiers je peindrai l'immortelle,
Cherchant à l'embellir, je la rendrais moins belle.
Elle eft, ainfi que vous, noble, fimple & fans fards,
Au-deffus de l'éloge, au-dessus de mon art.

b) Mr. Algarotti, jeune Vénitien, faifait imprimer alors à Venife un traité fur la lumière, dans lequel il expliquait l'attraction. Mr. de Voltaire fut le premier en France qui expliqua les découvertes de ce grand-homme.

NOUVELLE EPITRE DÉDICATOIRE

A MADAME LA MARQUISE DU CHATELET, de l'édition de 1745.

MADAME,

Orfque je mis pour la première fois votre nom refpectable à la tête de ces élémens de philofophie, je m'inftruifais avec vous. Mais vous avez pris depuis un vol que je ne peux plus fuivre. Je me trouve à préfent dans le cas d'un grammairien qui aurait préfenté un effai de rhétorique ou à Démosthène ou à Cicéron. J'offre de fimples élémens à celle qui a pénétré toutes les profondeurs de la géométrie tranfcendante, &

qui feule parmi nous a traduit & commenté le grand Newton.

Ce philofophe recueillit pendant fa vie toute la gloire qu'il méritait; il n'excita point l'envie, parce qu'il ne put avoir de rival. Le monde favant fut fon difciple; le refte l'admira fans ofer prétendre à le concevoir. Mais l'honneur que vous lui faites aujourd'hui, eft fans doute le plus grand qu'il ait jamais reçu. Je ne fais qui des deux je dois admirer davantage, ou Newton, l'inventeur du calcul de l'infini, qui découvrit de nouvelles loix de la nature, & qui anatomifa la lumière, ou vous madame, qui au milieu des dif fipations attachées à votre état, possédez fi bien tout ce qu'il a inventé. Ceux qui vous voyent à la cour, ne vous prendraient affûrément pas pour un commentateur de philofophie : & les favans, qui font affez favans pour vous lire, se douteront encor moins que vous defcendiez aux amufemens de ce monde, avec la même facilité que vous vous élevez aux vérités les plus fublimes. Ce naturel & cette fimplicité, toûjours fi eftimables, mais fi rares avec des talens & avec la fcience, feront au moins qu'on vous pardonnera votre mérite. C'eft en général tout ce qu'on peut espérer des perfonnes avec lefquelles on paffe la vie; mais le petit nombre d'efprits fupérieurs, qui fe font appliqués aux mêmes études que vous, aura pour vous la plus grande vénération & la poftérité vous regardera avec étonnement. Je ne fuis pas furpris que des perfonnes de votre fexe ayent régné glorieufement fur de grands empires. Une femme avec un bon confeil peut gouverner comme Augufte; mais pénétrer par un travail infatigable dans des vérités dont l'approche intimide la plupart des hommes, approfondir dans fes heures de loifir ce que des philofophes les plus inftruits étudient fans relâche, c'eft ce qui n'a été donné qu'à vous, madame; & c'eft un exemple qui fera bien peu imité, &c.

A L'ABBÉ P**.

SUR LES ÉLÉMENS DE NEWTON. 1738

JE viens, monfieur, de recevoir par la pofte

une de vos feuilles périodiques dans laquelle vous rendez compte d'une nouvelle édition des élémens de Newton. J'ai reçu auffi quelques imprimés fur le même fujet. Comme je crois avoir à propos de cet ouvrage, quelque chofe à dire qui ne fera pas inutile aux belles-lettres, fouffrez que je vous prie de vouloir bien inférer dans votre feuille les réflexions fuivantes.

Il eft vrai, comme vous le dites, monfieur que j'ai envoyé à plufieurs journaux des éclairciffemens en forme de préface, pour fervir de fuplément à l'édition de Hollande, & j'apprends même que les auteurs du Journal de Trévoux ont eu la bonté d'inférer, il y a un mois, ces éclairciffemens dans leur journal. Si les nouveaux éditeurs des Elémens de Newton ont mis cette préface à la tête de leur édition, ils ont en cela rempli

mes vues.

Je vois par votre feuille que les éditeurs ont imprimé dans cette préface, cette phrafe fingulière, qu'une maladie a éclairé la fin de mon ouvrage : & vous dites que vous ne concevez pas comment la fin de mon ouvrage peut être éclairé par une maladie. C'eft ce que je ne conçois pas plus que vous. Mais n'y aurait-il pas dans le manufcrit, retardé, au lieu d'éclairé? Ce qui peutêtre eft plus difficile à concevoir, c'est comment les imprimeurs font de pareilles fautes, & comment ils ne les corrigent pas ? Ceux qui ont eu foin de cette feconde édition doivent être d'autant plus exacts, qu'ils reprochent beaucoup d'erreurs aux éditeurs d'Amfterdam, qui ont occafionné des méprifes plus fingulières.

Comme je n'ai nul intérêt, quel qu'il puiffe

être, ni à aucune de ces éditions, ni à celle qui va, dit-on, paraître en Hollande, de ce qu'on a pu recueillir de mes ouvrages, je fuis uniquement dans le cas des autres lecteurs. J'achète mon livre comme les autres, & je ne donne de préférence qu'à l'édition qui me parait la meilleure.

Je vois avec chagrin l'extrême négligence avec laquelle beaucoup de livres nouveaux font imprimés. Il y a par exemple, peu de piéces de théâtre, où il n'y ait des vers entiers oubliés. J'en remarquai derniérement quatre qui manquaient dans la comédie du Glorieux; ce qui eft d'autant plus défagréable, que peu de comédies méritent autant d'être bien imprimées. Je crois, monfieur que vous rendrez un nouveau fervice à la littérature, en recommandant une exactitude fi néceffaire & fi négligée.

Je confeillerais en général à tous les éditeurs d'ouvrages inftructifs, de faire des cartons au lieu d'errata: car j'ai remarqué que peu de lecteurs vont confulter l'errata ; & alors, ou ils reçoivent des erreurs pour des vérités, ou bien ils font des critiques précipitées & injuftes.

En voici un exemple récent, & qui doit être public, afin que dorévant les lecteurs qui veulent s'inftruire, & les critiques qui veulent nuire, foient d'autant plus fur leurs gardes.

Il vient de paraître une petite brochure fans nom d'auteur ni d'imprimeur, dans laquelle il paraît qu'on en veut beaucoup plus encor à ma perfonne qu'à la philofophie de Newton; elle eft intitulée: Lettre d'un phyficier fur la philofophie de Newton, mife à la portée de tout le monde.

L'auteur qui probablement eft mon ennemi fans me connaître, ce qui n'eft que trop commun dans la république dés lettres, s'explique ainfi fur mon compte, page 13. Il ferait inutile de faire des réflexions fur une méprife fi confidérable. Tout le monde les apperçoit, & elles feraient trop humiliantes pour Mr. de Voltaire.

Il fera curieux de voir ce que c'eft que cette méprise confidérable qui entraîne des réflexions

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