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n'avait point encor le privilége de l'opéra, fit la mufique du ballet de Pourceaugnac; il y danfa, il y chanta, il y joua du violon. Tous les grands talens étaient employés au divertiffement du roi, & tout ce qui avait rapport aux beauxarts était honorable.

On n'écrivit point contre Pourceaugnac: on ne cherche à rabaiffer les grands-hommes , que quand ils veulent s'élever. Loin d'examiner févérement cette farce, les gens de bon goût reprochèrent à l'auteur d'avilir trop fouvent fon génie à des ouvrages frivoles qui ne méritaient pas d'examen ; mais Molière leur répondait, qu'il était comédien auffi-bien qu'auteur qu'il falait réjouir la cour & attirer le peuple, & qu'il était réduit à confulter l'intérêt de fes acteurs auffi-bien que fa propre gloire.

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LE BOURGEOIS GENTILHOMME, Comédie-ballet en profe & en cinq actes, faite & jouée à Chambord au mois d'Octobre 1670, & repréfentée à Paris le 23 Novembre de la même année.

LE Bourgeois gentilhomme eft un des plus heu

reux fujets de comédie, que le ridicule des hommes ait jamais pu fournir. La vanité, attribut de l'efpèce humaine, fait que des princes prennent le titre de rois, que les grands feigneurs veulent être princes; &, comme dit la Fontaine.

Tout prince a des ambassadeurs,

Tout marquis veut avoir des pages.

Cette faibleffe eft précisément la même que celle d'un bourgeois qui veut être homme de qualité. Mais la folie du bourgeois eft la feule qui

foit comique, & qui puiffe faire rire au théâtre: ce font les extrêmes difproportions des manières & du langage d'un homme, avec les airs & les difcours qu'il veut affecter, qui font un ridicule plaifant; cette efpèce de ridicule ne fe trouve point dans des princes ou dans des hommes élevés à la cour, qui couvrent toutes leurs fotifes du même air & du même langage; mais ce ridicule fe montre tout entier dans un bourgeois élevé groffiérement, & dont le naturel fait à tout moment un contrafte avec l'art dont il veut fe parer. C'eft ce naturel groffier qui fait le plaifant de la comédie; & voilà pourquoi ce n'eft jamais que dans la vie commune qu'on prend les perfonnages comiques. Le Mifantrope eft admirable, le Bourgeois gentilhomme eft plaifant.

Les quatre premiers actes de cette pièce peuvent paffer pour une comédie; le cinquiéme est une farce qui eft réjouissante, mais trop peu vraifemblable. Molière aurait pu donner moins de prife à la critique, en fuppofant quelque autre homme que le fils du Grand-Turc. Mais il cherchait par ce divertiffement plutôt à réjouir qu'à faire un ouvrage régulier.

Lulli fit auffi la mufique du ballet, & il y joua comme dans Pourceaugnac.

LES FOURBERIES DE

SCAPIN,

Comédie en profe & en trois actes, représentée fur le théâtre du palais-royal le 24 May 1671.

LEs Fourberies de Scapin font une de ces far

ces, que Molière avait préparées en province. Il n'avait pas fait fcrupule d'y inférer deux fcènes entières du Pédant joué, mauvaife pièce de Cirano de Bergerac. On prétend que quand on lui reprochait ce plagiarifme, il répondait: Ces deux

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fcènes font affez bonnes; cela m'appartenait de droit: il eft permis de reprendre fon bien partout où

on le trouve.

Si Molière avait donné la farce des Fourberies de Scapin pour une vraie comédie, Defpréaux aurait eu raifon de dire dans fon art poëtique:

C'est par-là que Molière illuftrant fes écrits,
Peut-être de fon art eût remporté le prix,

Si moins ami du peuple en fes doctes peintures,
Il n'eût point fait fouvent grimacer fes figures,
Quitté pour le bouffon l'agréable & le fin,
Et fans honte à Térence allié Tabarin.

Dans ce fac ridicule où Scapin s'envelope,
Je ne reconnais plus l'auteur du Mifantrope,

On pourrait répondre à ce grand critique, que Molière n'a point allié Térence avec Tabarin dans fes vraies comédies, où il furpaffe Térence: que s'il a déféré au goût du peuple, c'eft dans fes farces, dont le feul titre annonce du bas comique; & que ce bas comique était néceffaire pour foutenir fa troupe.

Molière ne penfait pas que les Fourberies de Scapin & le Mariage forcé valuffent l'Avare, le Tartuffe, le Mifantrope, les Femmes favantes, ou fuffent même du même genre. De plus, comment Defpréaux peut-il dire, que Moliere peut-être de fon art eût emporté le prix ? Qui aura donc ce prix, fi Molière ne l'a pas ?

P SICH É,

Tragédie-ballet en vers libres & en cinq actes, représentée devant le roi, dans la falle des machines du palais des Tuileries, en Janvier & durant le carnaval de l'année 1670, & donnée au public fur le théâtre du palais royal en 1671..

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LE fpectacle de l'opéra, connu en France fous

le ministère du cardinal Magarin, était tombé par

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fa mort. Il commençait à fe relever. Perrin, introducteur des ambaffadeurs chez Monfieur, frère de Louis XIV; Cambert, intendant de la mufique de la reine-mère, & le marquis de Sourdiac homme de goût, qui avait du génie pour les machines, avaient obtenu en 1669 le privilège de l'opéra; mais ils ne donnèrent rien au public qu'en 1671. On ne croyait pas alors que les Français puffent jamais foutenir trois heures de mufique & qu'une tragédie toute chantée pût réuffir. On penfait que le comble de la perfection est une tragédie déclamée, avec des chants & des danfes dans les intermèdes. On ne fongeoit pas que fi une tragédie eft belle & intéreffante, les entr'actes de mufique doivent en devenir froids; & que fi les intermèdes font brillans, l'oreille a peine à revenir tout d'un coup du charme de la mufique à la fimple déclamation. Un ballet peut délaffer dans les entr'actes d'une pièce ennuyeufe; mais une bonne pièce n'en a pas befoin, & l'on joue Athalie fans les cœurs & fans la mufique. Ce ne fut que quelques années après, que Lulli & Quinault nous apprirent qu'on pouvait chanter toute une tragédie, comme on faifait en Italie, & qu'on la pouvait même rendre intéreffante: perfection que l'Italie ne connaisfait pas.

Depuis la mort du cardinal Mazarin, on n'avait donc donné que des pièces à machines avec des divertiffemens en mufique, telles qu'Androméde & la toifon d'or. On voulut donner au roi & à la cour pour l'hiver de 1670, un divertiffement dans ce goût, & y ajouter des danfes, Molière fut chargé du fujet de la fable le plus ingénieux & le plus galand, & qui était alors en vogue par le roman beaucoup trop allongé, que la Fontaine venait de donner en 1669.

Il ne put faire que le premier acte, la première fcène du fecond, & la première du troifième; le tems preffait: Pierre Corneille fe chargea du refte de la pièce; il voulut bien s'affujettir au plan d'un autre; & ce génie mâle, que l'âge rendoit fec & févère, s'amollit pour plaire à Louis XIV, L'au

teur de Cinna fit à l'âge de 67 ans cette déclaration de Pfiché à l'Amour, qui paffe encor pour un des morceaux les plus tendres & les plus naturels qui foient au théâtre.

Toutes les paroles qui fe chantent font de Quinault: Lulli compofa les airs. Il ne manquait à cette fociété de grands-hommes que le feul Racine, afin que tout ce qu'il y eut jadis de plus excellent au théâtre fe fût réuni pour fervir un roi, qui méritait d'être fervi par de tels hommes.

Pfiché n'eft pas une excellente pièce, & les derniers actes en font très languiffans; mais la beauté du fujet, les ornemens dont elle fut emnbellie, & la dépenfe royale qu'on fit pour ce fpectacle, firent pardonner fes défauts.

LES FEMMES SAVANTES, Comédie en vers & en cing actes, répréfentée fur le théatre du palais-royal le 11 Mars 1672.

C

ETTE comédie, qui eft mife par les connaiffeurs dans le rang du Tartuffe, & du Misantrope, attaquoit un ridicule qui ne femblait propre à réjouir ni le peuple, ni la cour, à qui ce ridicule paraiffait être également étranger. Elle fut reçue d'abord affez froidement; mais les connaiffeurs rendirent bientôt à Molière les fuffrages de la ville; & un mot du roi, lui donna ceux de la cour. L'intrigue, qui en effet a quelque chofe de plus plaifant que celle du Mifantrope, foutint la pièce longtems.

Plus on la vit, plus on admira comment Molière avait pu jetter tant de comique fur un fujet qui paraiffait fournir plus de pédanterie que d'agrément. Tous ceux qui font au fait de l'histoire littéraire de ce tems-là, favent que Ménage y eft joué fous le nom de Vadius, & que Trifotin eft le fameux abbé Cottin, fi connu par les fatyres de Despréaux,

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