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Enfin tous ces objets, combinaisons fécondes

De la flamme, de l'air, de la terre et de l'onde.
D'un œil plus curieux et plus avide encor
Du règne végétal je cherche le trésor.

Là, sont en cent tableaux, avec art mariées,
Du varec, fils des mers, les teintes variées;
Le lichen parasite, aux chênes attaché; 28
Le puissant agaric, qui du sang épanché 29
Arrête les ruisseaux, et dont le sein fidèle
Du caillou pétillant recueille l'étincelle;
Le nénuphar, ami de l'humide séjour,
Destructeur des plaisirs et poison de l'amour,
Et ces rameaux vivans, ces plantes populeuses, 31
De deux règnes rivaux races miraculeuses.
Dans le monde vivant même variété !

Le contraste surtout en fera la beauté.

Un même lieu voit l'aigle et la mouche légère, Les oiseaux du climat, la caille passagère, L'ours à la masse informe et le léger chevreuil, Et la lente tortue et le vif écureuil; bonub eif L'animal recouvert de son épaisse croûte, Celui dont la coquille est arrondie en voûte; L'écaille du serpent, et celle du poisson,

Le poil uni du rat, les dards du hérisson;

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Le nautile, sur l'eau dirigeant sa gondole ; 34
La grue, au haut des airs navigant sans boussole;
Le perroquet, le singe, imitateurs adroits,
L'un des gestes de l'homme et l'autre de sa voix;
Les peuples casaniers, les races vagabondes;
L'équivoque habitant de la terre et des ondes, 35
Et les oiseaux rameurs 36, et les poissons ailés. 37
Vous-mêmes dans ces lieux vous serez appelés,
Vous le dernier degré de cette grande échelle,
Vous, insectes sans nombre, ou volans ou sans aile,
Qui rampez dans les champs, sucez les arbrisseaux,
Tourbillonnez dans l'air, ou jouez sur les eaux.

Là je place le ver, la nymphe, la chenille ;
Son fils, beau parvenu, honteux de sa famille ;
L'insecte de tout rang et de toutes couleurs ;
L'habitant de la fange, et les hôtes des fleurs ;
Et ceux qui, se creusant un plus secret asile,
Des tumeurs d'une feuille ont fait leur domicile; 38
Le ver rongeur des fruits, et le ver assassin,
En rubans animés vivant dans notre sein. 39
J'y veux voir de nos murs la tapissière agile,
La mouche qui bâtit 4o, et la mouche qui file; 41
Ceux qui d'un fil doré composent leur tombeau, 42
Ceux dont l'amour dans l'ombre allume le flambeau; 43

L'insecte dont un an borne la destinée ; 44
Celui qui naît, jouit et meurt dans la journée,
Et dont la vie au moins n'a pas d'instans perdus.
Vous tous, dans l'univers en foule répandus,
Dont les races sans fin, sans fin se renouvellent,
Insectes, paroissez, vos cartons vous appellent.
Venez avec l'éclat de vos riches habits,
Vos aigrettes, vos fleurs, vos perles, vos rubis,
Et ces fourreaux brillans, et ces étuis fidèles,
Dont l'écaille défend la gaze de vos ailes; 45
Ces prismes, ces miroirs, savaiment travaillés;
Ces
yeux qu'avec tant d'art la nature a taillés, 46
Les uns semés sur vous en brillans microscopes,
D'autres se déployant en de longs télescopes.
Montrez-moi ces fuseaux, ces tarrières, ces dards,
Armes de vos combats, instrumens de vos arts,
Et les filets prudens de ces longues antennes,
Qui sondent devant vous les routes incertaines....
Que j'observe de près ces clairons, ces tambours,
Signal de vos fureurs, signal de vos amours,
Qui guidoient vos héros dans les champs de la gloire,
Et sonnoient le danger, la charge et la victoire;
Enfin tous ces ressorts, organes merveilleux, 49
Qui confondent des arts le savoir orgueilleux,

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Chefs-d'œuvres d'une main en merveilles féconde,

Dont un seul prouve un Dieu, dont un seul vaut un monde.

Tel est le triple empire à vos ordres soumis.

De nouveaux citoyens sans cesse y sont admis.
Cette ardeur d'acquérir que chaque jour augmente,
Vous embellira tout; une pierre, une plante,
Un insecte qui vole, une fleur qui sourit,

Tout vous plaît, tout vous charme, et déjà votre esprit
Voit le rang, le gradin, la tablette fidèle,

Tout prêts à recevoir leur richesse nouvelle;
Et peut-être en secret déjà vous flattez-vous
Du dépit d'un rival et d'un voisin jaloux.

Là les yeux sont charmés, la pensée est active,
L'imagination n'y reste point oisive;

Et quand par les frimats vous êtes retenus,

Elle part, elle vole aux lieux, aux champs connus;
Elle revoit le bois, le coteau, la prairie,

Où, s'offrant tout-à-coup à votre rêverie,
Une fleur, un arbuste, un caillou précieux
Vint suspendre vos pas, et vint frapper vos yeux.
Et lorsque vous quittez enfin votre retraite,
Combien des souvenirs l'illusion secrète

Des campagnes pour vous embellit le tableau !

Là votre œil découvrit un insecte nouveau ;

Ici la mer, couvrant ou quittant son rivage,
Vous fit don d'un fucus, ou d'un beau coquillage:
Là sortit de la mine un riche échantillon;
Ici, nouveau pour vous, un brillant papillon
Fut surpris sur ces fleurs, et votre main avide
De son règne incomplet courut remplir le vide.
Vous marchez: vos trésors, vos plaisirs sont par tout.
Cependant arrangez ces trésors avec goût;

Que dans tous vos cartons un ordre heureux réside.
Qu'à vos compartimens avec grâce préside
La propreté, l'aimable et simple propreté,
Qui donne un air d'éclat même à la pauvreté.
Sur tout des animaux consultez l'habitude;
Conservez à chacun son air, son attitude,

Son maintien, son regard. Que l'oiseau semble encor,
Perché sur son rameau, méditer son essor.
Avec son air fripon montrez-nous la belette
A la mine allongée, à la taille fluette;

Et, sournois dans son air, rusé dans son regard,
Qu'un projet d'embuscade occupe le renard.
Que la nature enfin soit par tout embellie,
Et même après la mort y ressemble à la vie. 50

Laissez aux cabinets des villes et des rois

Ces corps où la nature a violé ses lois,

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