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Entend-on d'un torrent les ondes bouillonner?

Le vers tumultueux en roulant doit tonner.

Que d'un pas lent et lourd le bœuf fende la plaine;
Chaque syllabe pèse, et chaque mot se traîne.

Mais si le daim léger bondit, vole et fend l'air,

Le vers vole et le suit, aussi prompt que l'éclair. 12
Ainsi de votre chant la marche cadencée

Imite l'action et note la pensée.

Mais, malgré ces travaux, trop heureux si toujours Vous aviez à chanter les beaux lieux, les beaux jours! Mais lorsque vous dictez des préceptes rustiques,

C'est là qu'il faut ouvrir vos trésors poëtiques.
Un précepte est aride? il le faut embellir;
Ennuyeux? l'égayer; vulgaire ? l'ennoblir.

Quelquefois, des leçons interrompant la chaîne
Suspendez votre course; et, reprenant haleine,
Au lecteur fatigué présentez à propos
D'un épisode heureux l'agréable repos.

Homère, en décrivant les soins du labourage,
Offre de ce précepte une charmante image.
Chaque fois

que du boeuf pressé de l'aiguillon
Le conducteur, lassé, touche au bout du sillon,

Chaque fois, d'un vin pur abreuvé par son maître,
Il retourne gaîment à son labour champêtre.

Ainsi, par la douceur de vos digressions,

Faites boire l'oubli des austères leçons ;
Puis, suivez votre course un instant suspendue,
Et de votre sujet parcourez l'étendue.

Mais pourquoi ces conseils tracés si longuement?
Ah! pour toute leçon j'aurois dû seulement
Dire, lisez Virgile; avec quelle harmonie
Aux rustiques travaux il instruit l'Ausonie!
De la scène des champs s'il m'offre le tableau,
Que ses pinceaux sont vrais ! le limpide ruisseau,
Où le berger pensif voit flotter son image,
Rend moins fidèlement les fleurs de son rivage.
S'il me peint les bergers, leurs amours, leurs concerts,
L'âge d'or tout entier respire dans ses vers.
Lisez Virgile: heureux qui sait goûter ses charmes!
Malheureux qui le lit sans verser quelques larmes !
Lorsque sa voix si douce en des sons si touchans
S'écrie: Heureux vieillard, tu conserves tes champs!
Combien il m'intéresse à ce vieillard champêtre be
Ce verger qu'il planta, ce toit qui le vit naître,
J'y crois être avec lui; le tendre tourtereau,
Et l'amoureux ramier roucoulant sous l'ormeau,
Sur la saussaie en fleur l'abeille qui bourdonne,
Les airs qu'au haut des monts le bucheron fredonne,

Ces bois, ces frais ruisseaux! Ah! quel peintre eut jamais
De plus douces couleurs et des tableaux plus vrais !

Mais qu'entends-je ? quels sons? ah! c'est Gallus qui chante:
Il chante Lycoris, sa Lycoris absente. 13

Sa voix pour Lycoris conjure les frimats

D'émousser leurs glaçons sous ses pieds délicats.
Dieu du chant pastoral, ô Virgile! ô mon maître !
Quand je voulus chanter la nature champêtre,
Je l'observai; j'errois avec des yeux ravis
Dans les bois, dans les prés : je te lus et je vis
Que la nature et toi n'étoient qu'un. Ah! pardonne
Si, fier de ramasser des fleurs de ta couronne,
J'essayai d'imiter tes tableaux ravissans!

Que ne puis-je les rendre, ainsi que je les sens !
Mais ils ont animé mes premières esquisses,
Et s'ils n'ont fait ma gloire, ils ont fait mes délices.
Ainsi seul, à l'abri de mes rochers déserts,
Tandis que la discorde ébranloit l'univers,
Heureux, je célébrois, d'une voix libre et pure,
L'humanité, les champs, les arts et la nature.
Veuillent les dieux sourire à mes champêtres sons!
Et moi, puissé-je encor, pour prix de mes leçons,
Compter quelques printemps, et dans les champs que j'aime
Vivre pour mes amis, mes livres et moi-même !

Fin du quatrième et dernier Chant.

10

DU PREMIER CHANT.

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Nous citons ici les vers d'Horace dont ceux-ci sont l'imitation.

" Iidem eadem possunt horam durare probantes?

« Nullus in orbe sinus Baiis prælucet amœnis,

"

<<< Si dixit dives; lacus et mare sentit amorem

«

«

Festinantis heri. Cui si vitiosa libido

« Fecerit auspicium, cras ferramenta Teanum

« Tolletis, fabri. Lectus genialis in aulâ est?

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Nil ait esse prius, melius nil celibe vitâ.

« Si non est; jurat bene solis esse maritis.

"

160

**Quo teneam vultus mutantem Protea nodo? HORAT. EPISTOLARUM Lib. I. Ep. I. (Note de l'auteur.)

(2) Ou lé brochet glouton, qui dépeuple les eaux ?

Quelques-uns de ces vers sont imités de la Forêt de Windsor, par le célèbre Pope, ainsi que quelques autres vers de la description de la chasse, le sont du poëte Denham. (Note de l'auteur.)

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