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encore qu'ils avaient le droit de fixer le prix du beurre, des pommes de terre, des légumes.

Du moment que les représentants des pouvoirs publics déclarent qu'ils peuvent fixer les prix, ils proclament que les prix sont indépendants des conditions économiques et ne sont que le résultat de la volonté des marchands et de l'autorité. A Creil, a eu lieu une réunion du Conseil municipal de Creil et des marchands, sous la présidence du sous-préfet de Senlis. On avait décidé que le prix du pain serait abaissé de 0 fr. 04 par kilo, celui de la viande de 0 fr. 20 par kilo, celui du lait de 0 fr. 05 par litre. En réponse, les ouvriers firent une émeute.

Au marché de Saint-Genest-Lespt, le maire, M. Bonhomme, a fait aviser, à son de cloche, les ménagères de ne pas payer au-dessus des prix fixés par la municipalité.

A Romans, le commissaire de police a invité les vendeurs de denrées à ne pas dépasser les prix ci-après : œufs, 1 fr. 20 la douzaine; beurre, 1 fr. 50 la livre; pêches, 0 fr. 50 le quarteron; raisins, 0 fr. 40 le kilo. Il eût été bien embarrassé pour dresser un procès-verbal contre les marchands récalcitrants.

La Confédération générale du travail a établi une liste de tarifs que voici :

Pain: de 0 fr. 70 à 0 fr. 75 les 2 kilos. Lait: de 0 fr. 20 à 0 fr. 25 le litre. Beurre: de 1 fr. 40 à 1 fr. 50 la livre. Vin: de 0 fr. 40 à 0 fr. 50 le litre. Saindoux: de 0 fr. 80 à 0 fr. 90 la livre. Bœuf (pot-au-feu): de 0 fr. 70 à 0 fr. 80 la livre. Veau (ragoût): de 0 fr. 90 à 1 fr. la livre. Mouton (ragoût): de 0 fr. 80 à 0 fr. 90 la livre. Porcs: de 1 fr. 20 à 1 fr. 40 la livre. Lapin: de 0 fr. 90 à 1 fr. la livre. Pommes de terre: 0 fr. 15 le kilo. Eufs: de 1 fr. à 1 fr. 20 la douzaine. Haricots verts: 0 fr. 40 la livre. Sucre: 0 fr. 65 le kilo. Carottes: 0 fr. 40 la botte. Oignons: 0 fr. 25 le kilo. Navets: 0 fr. 30 la botte.

Son procédé est bien simple: elle n'a pas tenu compte de la hausse. Cependant, elle a reconnu qu'il était difficile d'établir un tarif pour les salades, les carottes, les oignons vendus à la pièce ou à la botte.

Des maires ne se sont pas bornés à taxer; ils ont vendu eux-mêmes. Le maire de Cherbourg, M. Delagarde, a demandé au Conseil municipal un crédit de 5000 francs pour acheter du beurre et des œufs qui devaient être délivrés : le

beurre à 1 fr. 50 la livre, et les œufs, à 1 fr. 30 la douzaine. M. Menier et moi, nous avions fondé, en 1878, la Ligue des consommateurs et des contribuables qui avait pour objet de réclamer le libre-échange à l'extérieur et à l'intérieur. Une ligue des consommateurs fondée, il y a deux ans, est pleine de sympathie pour les manifestations contre les marchands: Ces manifestations, dit son secrétaire, vont donner aux idées qui nous inspirent une diffusion extraordinaire »; et il vante le « boycottage » de la viande qui a eu lieu aux Etats-Unis, les émeutes de Moabit, à Berlin, qui eurent pour point de départ la hausse de la viande et la mise à l'index des boucheries, la grève des viticulteurs du Midi, en 1907, les émeutes des voyageurs de l'Ouest, la grève de l'alcool à Roubaix; à Tourcoing, les protestations de 1910 contre le renchérissement de la vie et la grève du sucre 1. La Ligue des consommateurs a sa tactique c'est la grève contre un seul produit à la fois. Ainsi, il y aura la grève du porc les adhérents n'en achèteront plus. Si les grévistes étaient nombreux et persévérants, ils réussiraient certainement: le porc n'étant plus demandé, il serait offert; mais combien de temps et par combien de personnes cette grève devrait-elle être pratiquée pour être efficace? Il y aurait des grèves successives de carottes, de poireaux, d'oignons, d'ail, de pommes de terre, mais je ferai observer que la cherté produit exactement ce résultat. Les achats diminuent, parce qu'un certain nombre de ménagères, sans entente préalable, par la force des choses, sont obligées de s'abstenir à l'égard de certains produits.

Comme réformes générales, cette ligue demande « la création d'un office de statistique de la consommation qui surveillera les variations des cours, la lutte à outrance contre les hausses injustifiées et surtout contre les trusteurs et les accapareurs, la répression des fraudes par l'obligation à la déclaration d'analyse et l'adoption du label, la suppression du pourboire, la représentation des consommateurs dans les comités d'arbitrage pour la solution des conflits entre employeurs et salariés, surtout lorsqu'il s'agit de services publics et concédés, comme les chemins de fer, les compagnies d'éclairage, etc. »

J'admire la confiance admirable du secrétaire général de

1. La Dépêche de Toulouse, 6 septembre.

la Ligue des consommateurs dans la puissance d'un office de statistique. I ignore que, tous les jours, tous les commerçants, tous les acheteurs et vendeurs surveillent les variations des cours qu'ils font eux-mêmes. Quand les cours arriveront à la connaissance de l'office de statistique, ils seront passés. Cette Ligue représente tous les vieux préjugés contre les accapareurs qu'elle appelle des trusteurs. On ne rajeunit pas les idées en rajeunissant les noms. Elle veut intervenir << entre employeurs et salariés », comme si les consommateurs avaient autre chose à demander au producteur que le bon marché et la qualité conforme. Elle veut tracasser les employeurs et les commerçants, multiplier les mesures de police, comme si toutes ces tracasseries et ces mesures n'avaient pas pour résultat une augmentation de prix; et la Ligue des consommateurs prétend défendre l'intérêt des consommateurs. Quant au protectionnisme, comme cause de cherté, elle l'ignore: et cette ignorance seule montre le caractère anti-économique de son œuvre.

Quoique M. Caillaux soit libre-échangiste, le Gouvernement est condamné à l'impuissance et à l'hypocrisie par ses ministres protectionnistes et par peur de la majorité protectionniste du Parlement.

Au milieu d'août et au commencement de septembre, il a annoncé, par deux fois, qu'il allait ouvrir une enquête sur les causes de la cherté. Il résulterait de la note du milieu de septembre que les ministres ne s'étaient pas occupés de cette question qui préoccupait tout le monde et dont tout le monde parlait. Perdus sur les sommets du pouvoir, ils ignoraient les pluies de l'année dernière et la sécheresse de cette année. Qu'un satrape oriental se trouvât ainsi séparé des réalités, c'est possible; mais les ministres de la République ne vivent pas dans un isolement tel qu'ils sont en dehors des préoccupations de leurs compatriotes. Seulement, ils n'osaient ni promettre qu'ils avaient la puissance des sorciers africains pour faire la pluie et le beau temps, ni se résigner à cet aveu d'impuissance. Est-ce qu'ils ne racontent pas tous les jours que l'Etat peut violer à son gré les lois économiques? Pourquoi donc l'Etat ne pourrait-il pas soumettre à sa volonté les lois physiques qui règlent les phénomènes météorologiques? La faculté de faire des miracles ne doit pas avoir de limites.

Impuissants au point de vue matériel, ils ne pouvaient qu'une chose: supprimer la cause politique qui venait

aggraver la cherté des vivres résultant de la sécheresse et de la chaleur; mais cette cause politique, c'est le protectionnisme.

Or, le ministère déclarait qu'il ne toucherait pas aux tarifs douaniers. M. Klotz ne pouvait démolir son œuvre.

Non seulement il déclarait qu'il ne toucherait pas aux tarifs douaniers, mais les préfets et, sur leurs ordres, les maires, multipliaient, sous prétexte d'hygiène, les mesures de protectionnisme à l'extérieur et à l'intérieur.

Donc, il maintenait et aggravait les causes de la cherté. Cependant, il fallait bien dire quelque chose; et alors, flattant les préjugés que manifestaient les ménagères, il a annoncé qu'il avait admis l'idée de « créer un régulateur des cours ». Quand? de suite? car la question dont les ménagères demandaient la solution était immédiate.

Non, dans l'avenir: et la note du Gouvernement disait:

Il s'agit de donner aux communes, par des modifications à la loi sur les expropriations, par une extension très marquée de leurs capacités, la faculté de participer directement ou indirectement à des entreprises de boucheries et de boulangeries coopératives qui, exploitées en régie intéressée, serviraient de régulateur à l'industrie privée.

Que signifient ces premiers mots modifications de la loi sur les expropriations? » C'est une menace contre la propriété destinée à flatter les passions socialistes. En résulte-t-il que les municipalités auront le droit d'exproprier les boulangers, les bouchers, les épiciers, les jardiniers qui vendraient leurs produits trop cher? Etant donné le sujet auquel se rapporte la note, c'est le sens logique qui doit être donné à cette locution.

La seconde partie de la phrase contient l'engagement de donner aux municipalités la facilité de participer à des entreprises de boucheries et de boulangeries ». Ce ne seront pas des boucheries et des boulangeries municipales, mais elles seront coopératives ». On fait un étrange abus du mot coopération. La coopération indique la réunion d'individus libres qui forment une société commerciale pour acheter en commun et se répartir ensuite les objets achetés. Tel est le caractère des coopératives anglaises, mais ces coopératives municipales ne vendront-elles qu'à leurs actionnaires? Alors il y aura des consommateurs privilégiés et d'autres spoliés.

la Ligue des consommateurs dans la puissance d'un office de statistique. Il ignore que, tous les jours, tous les commerçants, tous les acheteurs et vendeurs surveillent les variations des cours qu'ils font eux-mêmes. Quand les cours arriveront à la connaissance de l'office de statistique, ils seront passés. Cette Ligue représente tous les vieux préjugés contre les accapareurs qu'elle appelle des trusteurs. On ne rajeunit pas les idées en rajeunissant les noms. Elle veut intervenir << entre employeurs et salariés », comme si les consommateurs avaient autre chose à demander au producteur que le bon marché et la qualité conforme. Elle veut tracasser les employeurs et les commerçants, multiplier les mesures de police, comme si toutes ces tracasseries et ces mesures n'avaient pas pour résultat une augmentation de prix; et la Ligue des consommateurs prétend défendre l'intérêt des consommateurs. Quant au protectionnisme, comme cause de cherté, elle l'ignore: et cette ignorance seule montre le caractère anti-économique de son œuvre.

Quoique M. Caillaux soit libre-échangiste, le Gouvernement est condamné à l'impuissance et à l'hypocrisie par ses ministres protectionnistes et par peur de la majorité protectionniste du Parlement.

Au milieu d'août et au commencement de septembre, il a annoncé, par deux fois, qu'il allait ouvrir une enquête sur les causes de la cherté. Il résulterait de la note du milieu de septembre que les ministres ne s'étaient pas occupés de cette question qui préoccupait tout le monde et dont tout le monde parlait. Perdus sur les sommets du pouvoir, ils ignoraient les pluies de l'année dernière et la sécheresse de cette année. Qu'un satrape oriental se trouvât ainsi séparé des réalités, c'est possible; mais les ministres de la République ne vivent pas dans un isolement tel qu'ils sont en dehors des préoccupations de leurs compatriotes. Seulement, ils n'osaient ni promettre qu'ils avaient la puissance des sorciers africains pour faire la pluie et le beau temps, ni se résigner à cet aveu d'impuissance. Est-ce qu'ils ne racontent pas tous les jours que l'Etat peut violer à son gré les lois économiques? Pourquoi donc l'Etat ne pourrait-il pas soumettre à sa volonté les lois physiques qui règlent les phénomènes météorologiques? La faculté de faire des miracles ne doit pas avoir de limites.

Impuissants au point de vue matériel, ils ne pouvaient qu'une chose supprimer la cause politique qui venait

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