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laisser influencer par divers agents extérieurs et de subir des changements dans leur composition interne. Nous avons dit qu'il existait deux types de poudre sans fumée. Le type à la nitroglycérine est employé pour leur flotte par l'Allemagne, l'Italie, le Japon, le Brésil, l'Argentine et la GrandeBretagne. La France, les Etats-Unis et la Russie se servent du type à la nitrocellulose. Pour leur armée de terre, l'Allemagne, le Japon, le Brésil, l'Argentine admettent bien la poudre à la nitrocellulose. La Grande-Bretagne est la seule qui soit exclusivement fidèle à la poudre à la nitroglycérine, aussi bien pour l'armée de terre que pour l'armée de mer. Les poudres de l'armée de terre ne sont point conservées dans des conditions et dans des milieux aussi dangereux que les poudres des flottes de guerre; c'est pour cela que les pays que nous mentionnions à l'instant, tout en se refusant à employer des explosifs à la nitrocellulose à bord de leurs navires de guerre, n'hésitent point à en faire usage pour leur artillerie de terre. Et ce qui est important à remarquer, c'est que ce sont, pour ainsi dire, les seuls pays faisant usage, pour la marine, de poudre à la nitrocellulose, qui aient eu de graves accidents à déplorer. Nous visons la France et les Etats-Unis, en mettant à part la Russie, dont les navires restent presque constamment sous des climats froids, où les soutes à munitions ne peuvent guère voir s'élever leur température; d'autre part, ses bateaux ne demeurent pas toujours à la mer et sous vapeur. C'est ce que M. Yves Guyot rappelait dans l'Information, en disant que les deux marines qui ont eu à enregistrer d'épouvantables accidents sont celles qui se servent de poudres à base de nitrocellulose et qui refusent d'employer les poudres à base de nitroglycérine.

Il serait sans doute exagéré de considérer les poudres sans fumée à base de nitroglycérine comme parfaitement stables; et le fait est que la Grande-Bretagne, notamment, prend toutes les précautions pour assurer le refroidissement des soutes où sont enfermées les poudres de guerre, et pour surveiller, autant qu'il est possible, les modifications que peuvent subir ces explosifs. Cette poudre, à la nitroglycérine, est un mélange intime de ce qu'on appelle le nitrocoton, ou coton nitré, et de nitroglycérine. On y ajoute une petite quantité de substance non volatile, généralement ce qu'on nomme de la gelée minérale, autrement dit de la vaseline. La gélatinisation est parfaite, la masse est homogène; la vaseline

ainsi ajoutée au produit le préserve de l'humidité, le met à l'abri des changements que pourraient causer des modifications dans l'état atmosphérique, et, en même temps, maintient la masse dans un état d'humidité constant. Pour la poudre à la nitrocellulose, sa base est naturellement cette nitrocellulose, qui est bien une sorte de coton nitré, mais contenant moins d'azote que l'espèce de coton-poudre employé dans la poudre à la nitroglycérine. L'addition d'éther et d'alcool n'assure pas une gélatinisation aussi bonne que dans l'autre type d'explosif. Il est impossible d'y incorporer de la vaseline, et c'est ce qui fait que les différences de température, les différences d'humidité, agissent considérablement sur cette sorte de poudre. Dans ces conditions, il est absolument nécessaire de l'enfermer dans des boîtes hermétiquement scellées, d'autant que, si elle perdait une partie de l'humidité naturelle qu'elle contient, il se produirait des modifications très nuisibles dans la justesse du tir au moment de son emploi. Et c'est précisément le fait que la poudre est hermétiquement scellée dans une boîte étanche, qui a une influence délétère sur la stabilité chimique de la poudre, principalement dans les climats chauds ou dans les soutes chaudes. Qu'on nous pardonne des indications chimiques et savantes, mais elles sont indispensables. Il se produit une décomposition, avec émission de produits gazeux qui ne peuvent s'échapper et qui, mis en liberté à l'intérieur de la boîte, ont une influence nocive sur le reste de la poudre. Il débute donc une décomposition graduelle qui ne peut aller qu'en s'accentuant de jour en jour. Il faudrait pouvoir aérer la poudre et évacuer les gaz de décomposition, ce qui est impossible à un autre égard. En s'accumulant, ces produits gazeux engendreront suffisamment de chaleur pour enflammer la poudre même; cela causera naturellement, au bout d'un certain temps, une pression telle que la combustion se changera en explosion, et que le navire sautera très probablement. Cette accumulation de gaz, avec ses conséquences terribles, ne se produit point quand il s'agit de poudres à la nitroglycérine, puisqu'on peut les mettre dans des soutes susceptibles d'être aérées librement et non point dans des boîtes fermées hermétiquement. Il est bien vrai que des optimistes (et dans le monopole des poudres tout le monde est volontairement optimiste) ont affirmé que la poudre B, par elle seule, ne peut faire explosion; ce qui n'empêche point qu'on recon

naît qu'elle est susceptible de s'altérer avec le temps. On affirme qu'elle avertit elle-même quand elle devient dangereuse; mais, pour profiter de cet avertissement, encore faut-il examiner ces poudres presque à chaque instant, alors que le fait qu'elles sont dans des boîtes scellées gêne étrangement pareil examen. D'ailleurs, une note qu'un personnage particulièrement compétent a publiée en réponse à un article paru dans l'Illustration, est venue faire justice de ces fameux avertissements. A Madagascar, le magasin à poudres d'Orangéa a pris feu le lendemain du jour où une visite avait démontré que les poudres étaient en parfait état! Cette circonstance a été rappelée par M. Clémentel; et l'histoire de ces poudres qui avertissent du moment où elles vont devenir dangereuses, et de ces démonstrations données par les fonctionnaires spécialistes que les poudres sont en parfait état... au moment où elles vont prendre feu, nous rappelle la tranquille et néfaste assurance du Gouverneur de la Martinique pendant la fameuse éruption d'il y a quelques années. Il ramenait la population apeurée, en lui affirmant que tout danger était passé, quelques minutes avant que le volcan ne l'engloutît lui-même avec cette population.

La seule particularité que l'on puisse, ou plutôt que l'on ait pu signaler à un certain moment en faveur des poudres sans fumée à la nitrocellulose telles que nous les employons, est qu'elles exerceraient moins d'érosion à l'intérieur du tube du canon où l'explosif est employé. Cela a peut-être été vrai à un certain moment, quand les poudres à la nitroglycérine contenaient une trop grande proportion de cette dernière substance. Aujourd'hui, cela n'est plus vrai.

On a bien parlé de retirer des approvisionnements les poudres un peu anciennes; mais qu'entendre par ce mot? Sera-ce deux ans? Sera-ce un an? Sera-ce quatre ans? La décomposition peut, dans tel ou tel cas, se faire beaucoup plus rapidement que dans tel autre. Dans un article récent d'une revue de vulgarisation, on s'élevait contre toute idée de suppression du monopole pour résoudre cette question des poudres de guerre, et on affirmait que, dans tous les pays, on emploie des poudres analogues à la nôtre, peut-être,... identiques, non point. Nous avons expliqué la différence qu'il y a entre les deux catégories de poudres; et si l'on ne se heurtait pas à l'entêtement, à l'amour-propre, et à la suffisance des fonctionnaires du monopole des pou

dres, la solution serait facile : adopter les poudres sans fumée qui, dans les pays que nous indiquions tout à l'heure, n'ont encore donné lieu à aucun des accidents dont les poudres à la nitrocellulose n'ont point été avares.

Daniel BELLET.

LE MARCHÉ DES CAPITAUX A BERLIN

1816-18401

L'exportation des capitaux à l'étranger que les uns préconisent et que d'autres abhorrent, a acquis une importance croissante. depuis une trentaine d'années. Elle est mal vue par les ministres des Finances, qui craignent l'exode au point de vue fiscal, elle est préconisée par les ministres des Affaires Etrangères qui y voient un moyen d'action et d'influence. Cette exportation peut se faire de différentes manières, par l'acquisition de titres de rentes, d'obligations de chemins de fer, d'actions industrielles, par l'exportation d'hommes (émigrations) ou de marchandises. Avec l'enchaînement des phénomènes économiques à travers l'histoire, il est intéressant de connaître l'organisation du marché des capitaux à Berlin dans le premier tiers du dix-neuvième siècle et ses relations avec les pays étrangers. M. Bernard Brockhage, qui est un élève du professeur Schmoller, a entrepris d'écrire l'histoire de l'exportation des capitaux prusso-allemands et il a publié le premier volume qui va de 1816 à 1840.

A la fin du dix-huitième siècle, on rencontre un marché sur lequel on traitait des valeurs étrangères à Amsterdam qui était devenu un grand centre financier, depuis que l'esprit d'entreprise des Hollandais avait diminué. Il y avait un surplus de capitaux cherchant des emplois. Les marchés de Paris et de Londres avaient une portée nationale, il en était de même de Vienne. L'Allemagne était sortie appauvrie des guerres du dix-septième siècle. Francfort-sur-le-Mein était un centre d'affaires, un point de jonction entre les différents Etats.

1. Der Berliner Markt für auslaendische Staatspaperei (1816 à 1840), par BERNARD BROCKHAGE. Chez Duneker et Humblot, Leipzig, 1910.

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