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LE FONDS DES SALAIRES

Les économistes ont beaucoup écrit, sans toujours s'entendre, pour déterminer ce qu'ils ont appelé le fonds des salaires ›, autrement dit pour savoir avec quoi se paye le travail.

Eh! tout simplement avec du travail. Travail d'hier ou travail d'aujourd'hui, voire même travail de demain, dont on escompte le résultat. Travail de la main ou travail de la tête. Application, à l'utilisation des choses qui nous entourent, de l'effort matériel qui les met à notre portée, en les déplaçant et en les transformant, ou de l'effort de la pensée, qui en découvre les propriétés et fait connaître les moyens de les adapter à notre usage. « Tout vient du travail », a dit Laboulaye; c'est-à-dire de l'ensemencement de la vie dans les choses.

J'ai dit moi-même, maintes fois et sous maintes formes, quand un homme travaille pour lui-même, son salaire c'est le résultat de son travail. S'il travaille pour un autre, son salaire est l'équivalent de ce que son travail procure ou est supposé procurer à celui pour qui il travaille. Et si celui-ci peut lui donner cet équivalent, s'il peut lui avancer son salaire, c'est parce que, sur le produit d'un travail antérieur, il a été possible de faire une réserve permettant de payer un nouveau travail avant d'en avoir recouvré le prix. C'est donc toujours le travail qui salarie le travail. Que le travail actuel, par quelque imperfection, cesse d'être d'un produit supérieur ou au moins égal à ce qu'il coûte, que la production ne compense plus la consommation, il devient, quoique l'on dise ou fasse, impossible de continuer à faire les avances de salaires il n'y a plus, en dehors de la rétribution directe du travail par lui-même, de fonds des salaires.

Prétendre augmenter la rétribution du travail sans augmenter la productivité de ce travail est donc une pure chimère; c'est vouloir puiser à une source au delà de son débit. Et c'est là la dangereuse illusion sous l'influence de laquelle une partie trop considérable des sociétés actuelles s'acharne à réduire elle-même, en voulant consommer plus qu'elle ne produit, sa pitance du jour et sa réserve du lendemain.

F. PASSY.

LA LIGUE DU LIBRE-ÉCHANGE

Son activité a repris vers la mi-octobre, après la longue période des vacances, employées à préparer la campagne d'automne. Elle a fait déjà tirer toute une série de publications, exposant ce qu'est la liberté des échanges, pour tant de gens qui l'ignorent; et elle a pu déjà distribuer quelques milliers de ces brochures : tout particulièrement la conférence faite par M. Biard d'Aunet sur la Ligue et la liberté commerciale, conférence faite à Bordeaux, et qui nous a valu la précieuse adhésion de la Chambre de commerce de Bordeaux. L'autre brochure de fonds, qui est en distribution, est la conférence faite à Paris par M. Yves Guyot sur le Libre-Echange. Nous pouvons, d'ailleurs, dès maintenant, en sollicitant des adhésions, signaler les adhérents d'importance que nous possédons dans le monde industriel et commercial de la France et de l'étranger, et dans toutes les professions pour ainsi dire; aussi bien la métallurgie, le commerce des laines, la savonnerie, la parfumerie, les produits pharmaceutiques, la verrerie, la mégisserie, la rubannerie, que les vins, les grands magasins, etc. Les noms ainsi donnés ont une grande influence sur les indécis en particulier. La communication que M. Yves Guyot devait faire au Congrès de la Paix, à Rome, sur la Jalousie commerciale et les relations internationales, est, elle aussi, mise en distribution; et nous comptons sur elle pour augmenter le nombre des adhésions dans les milieux pacifistes, où la Ligue est déjà connue par des distributions de manifestes aux membres des grandes associations spéciales.

A la suite des manifestations très nettes en faveur de la liberté du commerce, de l'abaissement des droits sur les viandes frigorifiées en particulier, et de la suppression des mesures soidisant sanitaires; comme suite aussi à la séance de la Société d'Economie politique où le Syndicat de la Boucherie de Paris

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était représenté et où l'on a discuté la question de la cherté; la Ligue est en train d'agir activement dans le milieu de l'alimentation parisienne, où elle semble rencontrer bon accueil. Aussi bien certaines manifestations très précieuses se sont produites dans le sein de Chambres de commerce ou d'Associations importantes. C'est ainsi que, tandis que la Chambre de commerce de Bordeaux prenait une délibération (qui sera distribuée largement par la Ligue), demandant formellement l'abaissement des tarifs douaniers; tandis que la Chambre de commerce d'Arras demandait formellement la suspension momentanée ou même la suppression des droits frappant les denrées alimentaires, en attendant la revision générale des douanes; le Syndicat des Exportateurs de Marseille prenait une délibération qu'il communiquait à la Ligue, et où il réclamait la suspension des droits de douane sur tous les produits de nécessité, en même temps qu'une revision générale de l'excessif tarif douanier. De son côté, la Chambre de commerce française de Londres, dont le président comme le secrétaire font partie de la Ligue, envoyait aux ministres français du Commerce, de l'Agriculture, des Finances, une lettre où elle demande, notamment, l'atténuation, sinon la suppression, des droits sur les viandes congelées ou frigorifiées, et l'abrogation des exigences dites sanitaires. La Chambre de commerce de Londres a mis en lumière les avantages énormes que l'introduction de ces viandes à bon marché vaut au consommateur anglais. La campagne que nous menons est forcément internationale autant que nationale, puisque l'établissement de traités de commerce, tout au moins, nécessite des bonnes volontés et une compréhension vraie des intérêts communs et généraux, aussi bien de l'autre côté de la frontière que de ce côté. C'est pourquoi certains des adhérents que nous comptons un peu dans tous les pays, particulièrement en Suisse, M. le professeur de Wilde et M. Viollier, préparent une campagne plus active de propagande, de conférences dans le milieu helvétique. De même notre collègue M. Milan Krésic, bien connu des économistes qui ont des relations avec la Croatie, va commencer, de son côté, une campagne, en faveur du libre-échange, tout comme le professeur Thiron, à Jassy. En Italie, certains membres du Parlement, comme M. E. Chiesa, se documentent sur notre œuvre, qui les intéresse pratiquement.

Notre Ligue a pris une part assez active au Congrès organisé ces jours derniers par le Comité franco-allemand, dont M. Coquet (notre collègue de la Ligue), est secrétaire général; comité qui ne peut être que particulièrement favorable aux traités de

commerce et au resserrement des relations commerciales entre peuples.

Nous n'avons pu, comme nous en avions été priés, prendre part à une réunion de la Ligue des Consommateurs; étant donné que le programme de cette Ligue comprend une campagne acharnée contre les intermédiaires, et que nous sommes naturellement convaincus que l'activité des intermédiaires, c'est-à-dire le commerce, librement exercée, rend des services précieux au consommateur; mais nous avons été heureux, néanmoins, de voir que la Ligue des Consommateurs appréciait nos efforts, puisqu'elle nous de mandait de les joindre aux siens; nous avons été enchantés de constater qu'elle réclame une diminution, sinon une disparition, de ces droits de douane qu'elle reconnaît comme élevant le prix des denrées, et, par suite, de la vie de tous.

Aussi bien un mouvement se fait dans le Parlement en faveur de l'abaissement, tout au moins, de certains droits de douane; et la Ligue compte agir au moins auprès des députés, qui semblent manifester des tendances plus éclairées et plus libérales en matière de tarification douanière.

Certaines conférences sont en préparation en province, notamment une conférence au Havre, grâce aux excellents éléments commerciaux et industriels que la Ligue y compte déjà.

Nous constatons avec plaisir que la campagne de la Ligue continue d'attirer l'attention, presque toujours bienveillante, de la presse française et étrangère. C'est le Figaro, c'est la Cote de la Bourse et de la Banque, l'Information, la Vie financière, le Monde financier, la France, El Economista de Madrid, l'Allier socialiste le Jura démocratique, le Bulletin de la Chambre des Négociants commissionnaires et du commerce extérieur, le Bulletin de la Chambre de commerce de Verviers qui, ces jours derniers, parlaient de la Ligue, de ses efforts, citaient ou analysaient ses réunions, ses publications; tandis qu'une série de journaux attirent l'attention sur la cherté, sur l'incidence des droits de douane. Au moment où nous écrivons, paraît une nouvelle revue tri-langue, le Mercure franco-ibéro-américain, qui va être l'organe des relations des races latines de l'Amérique centrale ou méridionale avec la France, et qui, tout en publiant un article sur l'urgence qu'il y a d'établir un commerce de viandes réfrigérées entre l'Argentine et la France (au grand avantage de l'un et de l'autre pays), signale la Ligue du Libre-Echange et lui souhaite bonne chance dans les efforts qu'elle fait en faveur du commerce.

Nous avons le plaisir d'annoncer l'apparition très prochaine d'une très importante publication, sous ce titre le Carnet comTOME XXXII. NOVEMBRE 1911

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mercial, industriel, colonial et agricole, organe de défense économique des groupements et syndicats du Sud-Est. Cet organe soutiendra hardiment la liberté commerciale. Nous en sommes certains; car la Fédération des groupements du Sud-Est a pour président M. Henri Rastit, président de la Société pour la défense du commerce et de l'industrie de Marseille qui avait organisé M. Roland, président de la Société d'Etudes économiques, les deux conférences du 20 juin, pour permettre à MM. Yves Guyot et Schelle d'exposer le programme de la Ligue du Libre-Echange. Le présent est déjà satisfaisant, l'avenir s'annonce comme meilleur.

avec

D. B.

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