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une lettre du 13 septembre, le droit de douane de 0 fr. 35, auquel il convient d'ajouter la surtaxe d'entrepôt et les frais d'inspection sanitaire qui représentent environ 0 fr. 05 par kilogramme, portent le droit à 0 fr. 40 au total, soit à 50 p. 100 de la valeur.

M. D. Zolla constatait1 que le pain qui valait 0 fr. 33 le kilogramme à Douvres valait 0 fr. 40 ou 0 fr. 42 à Calais; que pour la viande, les morceaux de choix se vendaient de 1 fr. 60 à 1 fr. 80 les 500 grammes et les seconds quartiers au détail de 0 fr. 75 à 1 fr. seulement; que la viande de mouton de la Nouvelle-Zélande est offerte dans toute la GrandeBretagne à 0 fr. 65 ou 0 fr. 75 le demi-kilogramme.

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Il n'y a que le retrait des mesures prohibitives sous prétexte d'hygiène et une modification des tarifs de douane nous ramenant non pas au régime de 1892, mais au moins au régime de 1883 sinon de 1863, qui puissent agir d'une manière efficace sur l'importation de la viande, donc sur son prix.

La manière la plus efficace d'abaisser le prix du pain, c'est la réduction du droit de 7 francs sur le blé au droit de statistique de 0 fr. 60 établi en 1861.

La politique du libre-échange seule peut dégager le Gouvernement, les membres du Parlement de leur part de responsabilité dans les privations, dans les souffrances, dans les misères qu'entraîne la cherté.

YVES GUYOT.

1. Journal des Débats, 19 septembre 1911.

LE FONCTIONNEMENT

DE L'ANTI-TRUST LAW AUX ÉTATS-UNIS

ET LA " RÈGLE DE RAISON "

Il y a de bons Trusts et il y en a de mauvais. Le président Taft nous l'a dit dès 19101. Il est vrai que nous le savions officieusement longtemps avant cette date. Toutefois, cette distinction n'a jamais été mentionnée par le Congrès; et, jusqu'au mois de mai dernier, elle n'avait pas reçu la sanction de la plus haute autorité judiciaire des Etats-Unis : la Cour suprême.

Aux yeux des masses, il faut le dire, le mot de Trust est, en Amérique, presque synonyme de monopole: ce qui n'est pas bien étonnant, étant donné le nombre de ces coalitions de capitaux qui ont eu et ont encore pour but la restriction et même la suppression de la concurrence. Si l'on jette, en effet, un coup d'œil sur les Trusts qui, depuis une vingtaine d'années, ont été l'objet de poursuites, et ont, en grande majorité, admis leur culpabilité, on voit que la proportion des mauvais est respectable, qu'elle embrasse les branches les plus variées du commerce ou de l'industrie, et affecte notamment les nécessités de la vie. On trouve sur cette liste les Chemins de fer (Affaire de la Securities Holding Co, 1902); le Trust du Bœuf (1902-1910); celui du Sel (1902); ceux du Papier (1904); des Ascenseurs Otis (Californie, 1906); l'Association nationale des Droguistes au détail (Indiana, 1906); la Standard Oil Co (1906-1911); le Trust du Tabac (1908-1911);

1. Message spécial au Congrès, 7 janvier 1910.

celui des Coupes de bois d'Oklahoma (1907); celui de la Viande en Arizona (1906); le Trust de la Térébenthine (Georgia, 1908); les Spéculateurs sur coton (New-York, 1910); la Compagnie de remorquage des grands lacs, l'Association des Epiciers en gros du Sud, la Compagnie dite des œufs et beurre, de Chicago; le Trust des Briques; celui des Baignoires; celui des Vitres; la General Electric Co; la Compagnie Westinghouse; le Trust de la Poudre (1910-1911); ceux du Combustible en Ohio (1899); du Charbon (1890, etc.); de l'Acier (1910-1911). On en relève jusqu'en Alaska (épiceries), et à Hawaï (viande). Et cette énumération est forcément incomplète. Elle laisse de côté des coalitions qui n'ont pas été punies, uniquement par suite de l'incertitude existant dans l'esprit des juges sur la portée exacte de l'Anti-Trust Law; ou parce qu'il y a cu quelque technicalité ayant amené, soit la cassation, soit la suspension du jugement.

Il n'est donc pas surprenant, nous le répétons, que le gros public, avec sa tendance à généraliser, considère tous les Trusts comme des ligues malfaisantes, formées contre le consommateur, comme des ogres dévorant sans merci leurs rivaux plus honnêtes, ou moins puissants.

Mais ce que l'on comprend mal, c'est que la loi contre les Trusts, du 2 juillet 1890, le Sherman Act, semble imbue des mêmes préjugés.

Si l'on considère simplement la rédaction de ce bill, il n'y entre aucune distinction. Toute restriction raisonnable ou déraisonnable de la concurrence est condamnée 1.

L'union de deux corporations engagées dans la même branche de commerce, dans deux Etats contigus, est par ellemême, sans autre fait contingent, une opération suspecte. On arrive ainsi à des conséquences absurdes, auxquelles s'appliquerait éminemment le fameux dicton Summum Jus, Summa Injuria. Strictement, lorsque deux camionneurs rivaux, faisant le transport de marchandises entre deux villages situés dans deux Etats différents, s'entendent pour travailler ensemble sous un tarif unique, ils restreignent la concurrence, et tombent sous l'application de l'Anti-Trust Law 2.

1. Discours à la Chambre de commerce de Pittsburg, le 14 octobre 1902, par M. Knox, ministre d'Etat, alors attorney général des Etats-Unis. 2. Opinion d'un juge de Circuit Court, émise à l'occasion de poursuites contre la Tobacco-Trust, en 1908.

ТОМЕ ХХХII. OCTOBRE 1911

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Ce défaut, extrêmement grave, des termes du Sherman Act a été relevé par le président Taft en personne dans le Message cité plus haut. Le chef de l'Etat fit remarquer que les tribunaux croyaient devoir s'en tenir à la lettre de cette loi1; et que celte interprétation étroite était de nature à affaiblir la force morale de l'Act « en faisant rentrer sous son application des combinaisons et des arrangements ridiculement insignifiants ». Puisque la Cour suprême même, dans plusieurs de ses décisions, refusait de lire le mot « déraisonnable » devant l'expression « restriction de commerce » employée dans l'Act, il paraissait nécessaire d'amender cette loi de façon à en rendre la portée plus claire. Cette opinion de M. Taft était fortement appuyée par les Trusts, qui, en cela, n'avaient pas tort. Il saute aux yeux que le Sherman Bill, alors qu'il était à l'état de projet, ne pouvait que viser les grosses coalitions ayant pour objet de détruire la concurrence ou contrôler les prix et non des associations comme celle des deux voituriers de village dont nous parlions tout à l'heure. Cependant, le Congrès qui, lors du vote de la loi en 1890, n'avait voulu employer aucun terme restrictif dans la rédaction de l'Act, n'accepta pas davantage, en 1910, l'amendement Taft.

Le raisonnement des Congressmen s'explique jusqu'à un certain point. L'Act constituait une innovation grave. On pouvait craindre que les tribunaux se sentissent gênés par un texte limitatif; et il semblait peut-être plus sage 'de laisser à ces tribunaux une ample latitude d'interprétation. Mais si cette façon de raisonner se comprenait en 1890, elle n'avait plus guère raison d'être, vingt ans plus tard, au moment où le Président, lui-même un juriste de mérite, suggérait un amendement.

Les cours, en effet, au lieu de se sentir libres d'interpréter le Sherman Act comme le pensait le législateur de 1890, se croyaient, nous l'avons vu, liées par la phraséologie de cette loi.

C'est précisément par suite des dangers inhérents à l'application du Sherman Act, que celui-ci a été longtemps en défaveur auprès de l'administration même. Examinons, en

1. La Cour suprême, par exemple, en 1898, avait décidé que l'Act embrassait tous les contrats faits dans le but de restreindre la concurrence, et pas seulement ceux qui sont déraisonnables. (Affaire de la Trans-Missouri Freight Association.)

effet, rapidement, son fonctionnement depuis 1890 jusqu'au mois de mai dernier, époque à laquelle est intervenue la décision désormais fameuse de la Cour suprême, interprétant la loi de la façon la plus explicite et en établissant la « Règle de raison dans les relations du Gouvernement avec les Trusts et corporations analogues.

Bien que le Sherman Act répondît « au vœu de la nation », l'administration du président Harrison n'intenta que sept actions criminelles ou civiles contre les Trusts. Il n'en sortit d'ailleurs rien de satisfaisant et les affaires les plus importantes étaient encore en suspens quand M. Harrison quitta la Maison-Blanche, le 4 mars 18931. Toutefois, ce fut sous cette administration que la Cour suprême décida :

10 Que l'Act s'appliquait aux railroads (Trans-Missouri Freight Association, 1892);

20 Qu'il n'y avait aucune distinction à faire suivant que la restriction du commerce est raisonnable ou non (même affaire);

30 Que l'Act visait aussi bien les organisations du travail que les coalitions de capitalistes (affaire du Workingmen's Amalgamated Council, de New-Orléans, 1892).

Sous le président Cleveland (1893-1897), l'administration montre ouvertement son manque de confiance dans la loi. Dans la conclusion d'une poursuite entamée sous le président précédent contre le Trust du Sucre, la Cour suprême décide que le Sherman Act ne s'applique pas aux coalitions de manufacturiers, - un point de vue diamétralement opposé à celui exprimé plus tard par la même cour.

La jurisprudence de la haute cour indique, à ce moment-là, que ce sont les associations faites pour la restriction du commerce qui tombent sous le coup de l'Act. Avec la fertilité d'invention qui les caractérise, les capitalistes des grandes corporations ont alors recours au procédé des Holding Companies, trop connu des économistes pour que nous y insistions ici. Rappelons seulement que, de cette façon, le pouvoir se trouve concentré sous un contrôle unique, au lieu d'être réparti entre plusieurs sociétés de même nature, associées ou liguées".

1. The Evening Post, 23 janvier 1911.

2. Il se développa alors une véritable manie pour la constitution de ces compagnies. Un des plus parfaits types de la Holding C est la U. S. Steel Corporation.

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