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libéral et préparait, pour l'avenir, la suppression sans condition de l'obligation d'exploiter.

La résistance intransigeante de certains délégués, et notamment des délégués anglais, empêcha la prise en considération du vœu unanime cependant des Congrès internationaux, et ne rendit même pas possible le vote des propositions du Bureau de Berne (art. 7 et 8). L'article 5, nouveau de la Convention de Washington, maintient la déchéance pour nonexploitation dans le délai de trois ans 1.

Il est profondément regrettable que, en dépit de l'opinion unanime des jurisconsultes, ingénieurs et industriels de tous ies pays, et malgré les leçons d'une longue expérience, on puisse maintenir une disposition aussi inutile, sinon dangereuse, que celle de l'obligation d'exploiter, même corrigée par l'autorisation d'introduire de l'étranger unioniste.

On avait cru trouver, dans la nécessité de protéger le travail national, la raison d'obliger le breveté à exploiter l'invention dont l'Etat lui garantissait la protection. Malgré la prédominance encore persistante du régime protectionniste, le prétexte, jadis donné pour légitimer l'obligation d'exploiter les brevets, n'est aujourd'hui pris au sérieux par personne, et les arguments qui militent, en faveur de la suppression de l'obligation d'exploiter (en dehors même de l'impression que peut causer l'unanimité persistante des Congrès compétents), sont trop connus pour qu'il ne soit pas abusif d'y vouloir revenir 2.

Il apparaît donc bien incontestablement aujourd'hui que l'obligation d'exploiter doive disparaître prochainement des lois sur les brevets d'invention; toute la question est de savoir si elle doit disparaître sans condition ou avec l'organisation de licences obligatoires. A cet égard, les opinions sont trop contradictoires pour que l'on puisse être aussi absolu qu'au sujet de la suppression du principe même de l'obligation d'exploiter.

Les considérations économiques semblent imposer l'institution de licences obligatoires mais si l'on examine de

1. V. Journal des Economistes, juillet 1911, p. 8o. Il convient de remarquer que le texte de la convention de Washington n'a encore été ratifié par aucun des pays représentés.

2. V. Journal des Economistes, oct. 1910, p. 62 et suiv., où les opinions sur la question de l'exploitation nécessaire ou non des brevets sont exposées et analysées aussi complètement que possible.

3. V. Journal des Economistes, oct. 1910, p. 62 et suiv.

près dans quel cas il y aura lieu d'imposer la concession de licences, quelle juridiction les distribuera, dans quelles conditions et à qui seront-elles octroyées, on se heurte à des difficultés pratiques énormes. On a envisagé un autre système : l'expropriation 1, mais il n'existe, à cet égard, aucun projet précis et si ce mode de solutionner la question de l'exploitation, dans l'intérêt général, de certains brevets particulièrement utiles, est, a priori, séduisant, il comporte, en consacrant le principe d'une intervention (selon les cas du pouvoir exécutif, administratif ou judiciaire), un élément de danger pour la liberté commerciale et industrielle.

La question de la suppression de l'obligation d'exploiter unanimement désirée apparaît donc comme autant justifiée dans son principe que difficilement réalisable dans la pratique; il faudrait d'abord prévoir un mode de licences obligatoires ou d'expropriations pour cause d'utilité publique ou privée, ou tout autre système susceptible d'être accueilli unanimement: c'est sans doute sous l'influence de ces considérations d'intérêt pratique que la Conférence de Washington a maintenu, en quelque sorte malgré elle, l'obligation d'exploiter les brevets d'invention à peine de déchéance. FERNAND-JACQ.

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LES CONSTRUCTIONS NAVALES

EN FRANCE

LEUR ÉTAT

RESPONSABILITÉ DU PARLEMENT ET DE L'ADMINISTRATION

M. Rousseau, rédacteur maritime au Temps, revenant sur un sujet qui n'a malheureusement que trop retenu l'attention publique, a publié dans l'Informateur parlementaire une notice intitulée « Pour sauver quelques millions, les arsenaux et l'industrie. L'aciérie de Guérigny, qui mérite d'être signalée, quelque attristantes que soient ses constatations et ses conclusions.

A propos des commandes de cuirassés à l'industrie, à l'occasion desquelles il a été officiellement déclaré au Parlement que les arsenaux construisaient meilleur marché que l'industrie, M. Rousseau conteste l'exactitude des chiffres produits.

. Dans tout prix de revient, on incorpore deux éléments d'une part, les dépenses directes; d'autre part les frais généraux. Dans les arsenaux, les frais généraux ou du moins ceux que l'on compte dans le devis estimatif, sont uniquement des dépenses indivises, réduites au plus strict minimum, uniformément à 28 p. 100 des dépenses directes de main-d'œuvre pour le Jean-Bart, on a trouvé le moyen de les réduire encore; on ne les a plus évaluées qu'à 24 p. 100. Cette réduction du taux des frais généraux, ou plutôt des dépenses indivises, produit une économie sur le papier de près de 400 000 francs, exactement 394 000 francs, ce qui permet de réduire de quelques millimes le prix du kilo de cuirassé. ›

L'auteur remarque d'ailleurs que les chiffres portés au budget ne concordent pas entre eux; il renonce à comprendre pourquoi : ‹ Ne cherchons pas, car les chiffres de la Marine sont un peu posés au petit bonheur. Il constate, en passant, qu'à Guérigny,

lors de la création d'un outillage pour la fabrication de l'acier Martin, les dépenses indivises s'élevèrent en 1899 et 1900 à 53 p. 100 et 52,5 p. 100 des dépenses de main-d'œuvre, ce qui est loin de la proportion de 28 p. 100 adoptée une fois pour toutes dans les comptes de la Marine.

Encore ces dépenses dites indivises ne comprennent-elles pas tout ce qui, dans l'industrie, entre dans la détermination du prix de revient.

« Nous disions que l'évaluation de la proportion des dépenses indivises est arbitraire, mais tout est arbitraire dans un devis estimatif de la Marine, ainsi que le prouve le rapport de M. Klotz :

En effet, dit l'ex-rapporteur général, aujourd'hui ministre des

‹ Finances, dans le prix de revient d'un bâtiment construit pour « un arsenal, on fait entrer les frais généraux suivants :

a) Dépenses générales de fonctionnement des ateliers de l'arsenal en personnel et en matériel (charbon, conducteurs des mo<teurs d'atelier, etc.), appelées dépenses indivises.

b) Dépenses d'outillage affectées spécialement aux construc<tions neuves petit outillage usé dans la construction (outils, perçeuses électriques, comptabilité), cales de construction, un cer<tain nombre de machines-outils.

< On ne compte pas dans les frais généraux :

c) A tort, suivant nous, les dépenses en salaires du personnel • technique (ingénieurs, agents) occupés uniquement à la construc<< tion; ils sont payés sur chapitres spéciaux du budget. Le prix < du navire construit dans l'arsenal serait à majorer d'autant.

d) Avec raison, les dépenses de gros outillage. L'arsenal est < nécessaire en temps de guerre. Il a besoin, à cet effet, d'ateliers, ‹ de bassins de radoub, de grues, etc. En temps de paix, l'Etat <a le choix entre deux solutions; laisser ce matériel inutilisé, ou ‹ bien l'employer aux constructions neuves. Il a évidemment intérêt à adopter cette seconde solution. Comme le matériel existerait « même s'il n'y avait pas de constructions neuves, il est légitime ‹ de ne pas en compter les frais dans le prix de revient de ces < constructions ».

« Nous ne discuterons point ce qu'a de spécieux la distinction que fait M. Klotz entre le matériel à compter et le matériel à ne pas compter dans le prix de revient du navire, ce qu'il dit étant la démonstration même de l'arbitraire dans l'établissement du devis estimatif de la construction. Nous devons cependant faire remarquer que le matériel s'use et se remplace pendant la paix et qu'il est juste de majorer de son prix les produits fabriqués que l'on utilise. ›

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Et c'est ainsi que raisonnait un personnage officiel, bientôt après ministre des Finances!

Il existe cependant un comité dit du compte des travaux, institué par décret de septembre 1888 comme garantie du contrôle des Chambres, et composé de membres des deux chambres du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes et de l'inspection des Finances. Mais, comme le fait remarquer M. Rousseau, ce comité paraît

aussi peu connu de la Marine que du Parlement ».

C'est ainsi que le prix de revient à la tonne des trois croiseurs cuirassés Jules-Ferry, Léon-Gambetta et Victor-Hugo est fixé par la Marine à 2211 francs, 2230 et 2286 francs.

• Le comité du compte des travaux a justement examiné les comptes de ces trois navires et a évalué les frais généraux dont on devait majorer le prix de chacun d'eux. Le calcul des frais généraux aboutit à une majoration de 12 à 23 p. 100 du prix total, de telle sorte que le prix de la tonne est monté à 2512 francs pour le Léon-Gambetta, à 2705 francs pour le Victor-Hugo et à 2717 francs pour le Jules-Ferry, prix sensiblement supérieur à celui payé pour des bateaux similaires construits pour l'industrie. Voici les chiffres donnés par le comité d'examen des comptes des travaux pour ces trois croiseurs :

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Il est à signaler qu'à Cherbourg, pour la construction du Jules-Ferry, on éleva une cale couverte qui ne fut utilisée que cette seule fois, car le Jules-Ferry a été le dernier grand bateau fait à Cherbourg.

Le comité des travaux proteste « dans son dernier rapport contre le classement illogique de dépenses communes, qui aboutit à faire considérer comme dépenses communes non répartissables une masse considérable de dépenses budgétaires qui devraient, puisqu'elles s'appliquent directement à l'exécution des travaux suivis dans les comptes de l'année, figurer à ce double titre pour une part déterminée dans le prix de revient de ces travaux ›.

L'administration ne tient pas compte des protestations du comité des travaux dans ses estimations ultérieures; elle passe même sous silence un décret du 18 mars 1910, prescrivant d'appliquer les frais généraux aux comptes des travaux.

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