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qu'elle parut au monde ; ils lui prêtèrent leurs charmes terrestres, elle leur donna sa divinité la Musique nota ses chants, la Peinture la représenta dans ses douloureux triomphes, la Sculpture se plut à rêver avec elle sur les tombeaux, et l'Architecture lui bâtit des temples sublimes et mélancoliques comme sa pensée.

Platon a merveilleusement défini la vraie nature de la musique « On ne doit pas, » dit-il, juger de la musique par le plaisir, ni rechercher celle qui n'auroit d'autre » objet que le plaisir ; mais celle qui contient » en soi la ressemblance du beau ».

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En effet, la musique considérée comme art, est une imitation de la nature; sa perfection est donc de représenter la plus belle nature possible. Or, le plaisir est une chose d'opinion, qui varie selon les temps, les mœurs et les peuples, et qui ne peut être le beau, puisque le beau est un, et existe absolument. De là toute institution qui sert à purifier l'ame, à en écarter le trouble et les dissonances, à y faire naître la vertu, est par cette qualité même, propice à la plus belle musique, ou à l'imitation la plus parfaite du beau. Mais si cette institutiou est en outre de nature religieuse, elle possède alors toutes les conditions essentielles à l'harmonie; à savoir le beau et le mystérieux:

le chant nous vient des anges, et la source des concerts est dans le ciel.

C'est la religion qui fait gémir, au milieu de la nuit, la vestale sous ces dômes tranquilles; c'est la religion qui chante si doucement au bord du lit de l'infortuné. Elle est fille des harpes et du torrent; Jérémie lui dut ses lamentations, et David ses pénitences sublimes. Plus fière sous l'ancienne alliance, elle ne peignit que des douleurs de monarque et de prophètes; plus modeste, et non moins royale, sous la nouvelle loi, ses soupirs conviennent également aux puissans et aux foibles, parce qu'elle a trouvé dans Jésus-Christ l'humilité unie à la grandeur.

Ajoutons que la religion chrétienne est essentiellement mélodieuse, par la seule raison qu'elle aime la solitude. Ce n'est pas qu'elle soit l'ennemie du monde, elle s'y montre au contraire très-aimable; mais cette céleste Philomèle préfère le désert; elle est un peu étrangère sous les toits des hommes; elle aime mieux les forêts, qui sont les palais de son père et son ancienne patrie. C'est là qu'elle élève la voix vers le firmament, au milieu des concerts de la nature : la nature publie sans cesse les louanges du créateur, et il n'y a rien de plus religieux que les cantiques que chantent, avec les vents, les chênes et les roseaux du désert. ·

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Ainsi le musicien qui veut suivre la religion dans tous ses rapports, est obligé d'apprendre l'imitation des harmonies de la solitude. Il faut qu'il connoisse ces notes mélancoliques que rendent les eaux et les arbres; il faut qu'il ait étudié le bruit des vents dans les cloîtres, et ces murmures qui règnent dans l'herbe des cimetières, dans les souterrains des morts, et dans les temples gothiques.

Le christianisme a inventé l'orgue, et donné des soupirs à l'airain même. Il a sauvé la musique dans les siècles barbares; là où il a placé son trône, là s'est formé un peuple qui chante naturellement comme les oiseaux. Le chant est fils des prières, et les prières sont les compagnes de la religion. Quand elle a civilisé les sauvages, ce n'a été que par des cantiques; et l'Iroquois qui n'avoit point cédé à ses dogmes, a cédé à ses concerts. O religion de paix! vous n'avez pas, comme les autres cultes, dicté aux humains des préceptes de haine et de discorde; vous leur avez seulement enseigné l'amour et l'harmonie.

CHAPITRE II.

Du chant Grégorien.

Si l'histoire ne prouvoit pas que le chant Grégorien est le reste de cette musique antique dont on raconte tant de miracles, il suffiroit d'examiner son échelle, pour se convaincre de sa haute origine. Avant GuiArétin, elle ne s'élevoit pas au-dessus de la quinte, en commençant par l'ut: ut, ré, mi, fa, sol. Ces cinq tons sont la gamme naturelle de la voix, et donnent une phrase pleine et agréable.

M. Burette nous a conservé quelques airs grecs. En les comparant au plain-chant, on voit que c'est absolument le même systême. La plupart des pseaumes sont sublimes de gravité, particulièrement le Dixit Dominus Domino meo, le Confitebor tibi et le Laudate, `pueri. L'In exitu, arrangé par Rameau, est d'un caractère moins ancien; il est peut-être du temps de l'Ut queant laxis, c'est-à-dire, du siècle de Charlemagne.

Le christianisme est sérieux comme l'homme et son sourire même est grave. Rien n'est beau comme les soupirs que nos maux arrachent à la religion. Tout l'office des morts est un chef-d'œuvre; on croit en

tendre les sourds retentissemens du tombeau. Il reste une ancienne tradition * que le chant qui délivre les morts, comme l'appelle un de nos meilleurs poëtes, est celui-là même que l'on chantoit aux pompes funèbres des Athéniens, vers le temps de Périclès.

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Dans les divers offices de la semaine sainte, on remarque la Passion de saint Mathieu. Le récitatif de l'historien, les cris de la popu lace juive, la noblesse des réponses de Jésus, forment le drame le plus pathétique.

Pergoleze a déployé dans le Stabat Mater, toute la richesse de son art; mais a-t-il surpassé le simple chant de l'église? Il a varié la musique sur chaque strophe; et pourtant le caractère essentiel de la tristesse consiste dans la répétition du même sentiment, et, pour ainsi dire, dans la monotonie de la douleur. Diverses raisons peuvent faire couler les larmes, mais les larmes ont toujours une semblable amertume: d'ailleurs, il est rare qu'on pleure à-lafois pour une foule de maux; et quand les blessures sont multipliées, il y en a toujours une plus cuisante que les autres, qui finit par absorber les moindres peines. Telle est la raison du charme de nos vieilles romances françoises. Ce chant pareil, qui revient à chaque couplet sur des paroles variées, imite parfaitement la nature : l'homme

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