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rations de la pensée de l'homme, si ce n'est pour les rapporter à Dieu? Que me revient-il de savoir que je reçois ou non mes idées par les sens? M. de Condillac s'écrie : « Tous

» les métaphysiciens se sont perdus dans des » mondes enchantés, moi seul j'ai trouvé le » vrai; ma science est de la plus grande » utilité. Je vais vous dire ce que c'est que » la conscience, l'attention, la réminiscence »>? Et à quoi tout cela me conduira-t-il? Une chose n'est bonne, une chose n'est positive qu'autant qu'elle renferme une intention morale; or, toute métaphysique qui n'est pas théologie, comme celle des anciens et des chrétiens; toute métaphysique qui creuse un abîne entre l'homme et Dieu, qui prétend que le dernier n'étant que ténèbres, on ne doit pas s'en occuper ; cette métaphysique est tout à-la-fois futile et dangereuse, parce qu'elle manque de but.

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L'autre au contraire, en m'associant à la divinité, en me donnant une immense idée de ma grandeur, et de la perfection de mon être me dispose à bien penser et à bien agir. Toutes les fins morales viennent par cet anneau se rattacher à cette haute métaphysique, qui n'est alors qu'un chemin plus sublime, pour arriver à la vertu. C'est ce que Platon appeloit par excellence la science des Dieux, et Pytha

gore, la géométrie divine. Hors de là, la métaphysique n'est plus qu'un microscope, qui nous découvre curieusement quelques petits objets que n'auroit pu saisir la vue simple; mais qu'on peut ignorer ou connoître, sans qu'ils forment, ou qu'ils remplissent un vide, dans l'existence.

CHAPITRE I V.

SUITE DES PHILOSOPHES CHRÉTIENS.

Publicistes.

Nous avons fait, dans ces derniers temps, un grand bruit de notre science politique; on diroit qu'avant nous le monde moderne n'eût jamais entendu parler de liberté, ni des différentes formes sociales. C'est apparemment pour cela que nous les avons essayées toutes avec tant d'habileté et de bonheur. Cependant, Machiavel, Thomas Morus, Mariana, Bodin, Grotius, Puffendorf et Locke, tous philosophes chrétiens, s'étoient occupés de la nature des Gouvernemens bien avant MM. Mably et Rousseau.

Nous ne ferons point l'analyse des ouvrages de ces publicistes, dont il nous suffit de rappeler les noms, pour prouver que tous les genres de gloire littéraire appartiennent au christianisme; nous montrerons ailleurs ce que

la liberté du genre humain doit à cette même religion, qu'on accuse de prêcher l'esclavage.

Il seroit bien à desirer, si on s'occupe encore d'écrits de politique ( ce qu'à Dieu ne plaise!), qu'on retrouvât pour ces sortes d'ouvrages, les grâces que leur prêtoient les anciens. La Cyropédie de Xénophon, la République et les Lois de Platon, sont toutà-la-fois de graves traités et des livres pleins de charmes. Platon excelle à donner un tour merveilleux aux discussions les plus stériles; il sait mettre de l'enchantement jusques dans l'énoncé d'une loi. Ici ce sont trois vieillards qui discourent en allant de Gnosse à l'antre de Jupiter, et qui se reposent sous de hauts cyprès, et dans de riantes prairies; là, c'est le meurtrier involontaire, qui, un pied dans la mer, fait des libations à Neptune; plus loin, un poëte étranger est reçu avec des chants et des parfums: on l'appelle un homme tout divin, on le couronne de lauriers, et tout chargé d'honneurs, on le conduit hors du territoire de la République. Ainsi, Platon a cent manières agréables de proposer ses idées; il adoucit jusqu'aux sentences les plus sévères, en considérant les délits, sous un jour tout religieux.

Remarquons que les publicistes modernes ont vanté le Gouvernement républicain, tandis que les écrivains politiques de la

Grèce ont généralement donné la préférence à la monarchie. Pourquoi cela? parce que les uns et les autres haïssoient ce qu'ils avoient, et aimoient ce qu'ils n'avoient pas : c'est l'histoire de tous les hommes.

Au reste, les sages de la Grèce envisageoient la société sous les rapports moraux; nos derniers philosophes l'ont considérée sous les rapports politiques. Les premiers vouloient que le Gouvernement découlât des mœurs ; les seconds, que les mœurs dérivassent du Gouvernement. La philosophie des uns s'appuyoit sur la religion; la philosophie des autres, sur l'athéïsme. Les Platon crioient aux peuples Soyez vertueux, vous serez libres »; nous leur avons dit : Soyez libres, vous serez vertueux ». La Grèce, avec de tels sentimens, fut heureuse. Qu'obtiendrons-nous avec les principes opposés ?

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CHAPITRE V.

MORALISTE S.

La Bruyère.

LES Les écrivains du même siècle, quelque différens qu'ils soient par le génie, ont tous cependant quelque chose de commun entre eux. On reconnoît ceux du bel âge de la

France, à la fermeté de leur style, au pcu de recherche de leurs expressions, à la simplicité de leurs tours, et pourtant à une certaine construction de phrase, grecque et latine, qui, sans nuire au génie de la langue françoise, annonce les excellens modèles dont ces hommes s'étoient nourris.

De plus, les littératures se divisent, pour ainsi dire, par groupes qui suivent tel ou tel maître, telle ou telle école. Ainsi, les écrivains de Port-Royal se distinguent des écrivains de la Société ; ainsi, Fénélon, Massillon et Fléchier se touchent par quelques points ; et Pascal, Bossuet et la Bruyère, par quelques autres. Ces derniers sont snrtout remarquables par une sorte de brusquerie de pensée et de style, qui leur est particulière. Mais il faut convenir que la Bruyère, qui imite volontiers Pascal (1), affoiblit quelquefois et les preuves, et la manière originale de ce grand génie. Quand l'auteur des Caractères, voulant démontrer la petitesse de l'homme, dit : Vous êtes placée, ô Lucile, quelque part sur cet atôme, etc. il reste bien loin de ce fameux morceau de

l'auteur des Pensées : « Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini? qui le peut comprendre?

(1) Sur-tout dans le chapitre des esprits-forts.

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