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qui souffre, promène ainsi ses pensées sur différentes images, tandis que le fond de ses chagrins reste toujours le même.

Pergoleze a donc méconnu cette vérité qui tient à la théorie des passions, lorsqu'il a voulu que pas un soupir de l'ame ne ressemblât au soupir qui l'avoit précédé. Partout où il y a variété, il y a distraction, et par-tout où il y a distraction, il n'y a plus de tristesse; tant l'unité est nécessaire au sentiment; tant l'homme est foible dans cette partie même où gît toute sa force, nous voulons dire, dans la douleur.

La leçon des lamentations de Jérémie, porte un caractère tout particulier; elle peut avoir été retouchée par les modernes, mais le fond nous en paroît hébraïque, car il ne ressemble point aux airs grecs du plainchant. Le Pentateuque se chantoit à Jérusalem, comme des bucoliques, sur un mode plein et doux; les prophéties se disoient d'un ton rude et pathétique, et les pseaumes avoient un mode extatique qui leur étoit particulièrement consacré (1).

Ici, nous retombons dans ces grands sou-" venirs que le culte catholique rappelle de toutes parts. Moyse et Homère, le Liban et le Cythéron, Solyme et Rome, Babylone et

(1) Bonnet, histoire de la musique et de ses effets.

Athènes, ont laissé leurs dépouilles à nos autels.

Enfin, c'est l'enthousiasme même qui inspira le Te Deum. Lorsqu'arrêtée sur les plaines de Lens ou de Fontenoy, au milieu des foudres et du sang fumant encore, aux fanfares des clairons et des trompettes, une armée françoise, sillonnée des feux de la guerre, fléchissoit le genou et entonnoit l'hymne au Dieu des batailles ; ou bien, lorsqu'au milieu des lampes, des masses d'or, des flambeaux, des parfums, aux soupirs de l'orgue, au balancement des cloches, au frémissement des serpens et des basses, cet hymne pompeux faisoit résonner les vitraux, les souterrains et les dômes d'une vieille basilique; alors il n'y avoit point d'homme qui ne se sentît transporté, point d'homme qui n'éprouvât quelque mouvement de ce délire, que faisoit éclater Pindare aux bois d'Olympie, David au torrent de Cédron.

Au reste, en ne parlant que des chants grecs de l'église, on voit que nous n'employons pas tous nos moyens, puisque nous pourrions montrer les Ambroise, les Damase, les Saint Léon, les Saint Gregoire, travaillant eux-mêmes au rétablissement de l'art musical; que nous pourrions citer tous ces chefs-d'oeuvre de la mu sique moderne, composés pour les fêtes

chrétiennes; tous ces grands maîtres; enfin les Vinci, les Leo, les Hasse, les Galluppi, les Durante, élevés, formés et protégés dans les sacrés colléges de Rome, et la cour des souverains Pontifes.

CHAPITRE II I.

Partie historique de la Peinture chez les modernes.

LA Grèce raconte qu'une jeune fille, appercevant l'ombre de son amant sur un mur, le crayonna avec un charbon. Ainsi, selon l'antiquité, une passion volage produisoit l'art des plus parfaites illusions.

L'école chrétienne a cherché un autre maître ; elle le reconnoît dans ce grand Artiste, qui, pétrissant un peu de limon entre ses mains puissantes, dit ces paroles du peintre Faisons l'homme à notre image. Donc, pour nous, le premier trait du dessin a existé dans l'idée éternelle de Dieu; et la première statue qu'ait vue le monde, fut cette fameuse argile animée du souffle du Créateur.

Il y a une force d'erreur qui contraint au silence, comme la force de vérité : l'une et l'autre, poussées au dernier degré, emportent conviction, la première négativement, la seconde affirmativement. Ainsi,

lorsqu'on entend soutenir que le christianisme est l'ennemi des arts, on demeure muet d'étonnement, car à l'instant même on ne peut s'empêcher de se rappeler les Michel-Ange, les Raphaël, les Carache, les Dominicain, les Lesueur, les Poussin, les Coustou, et tant d'autres artistes dont les seuls noms font de gros dictionnaires. Vers le milieu du quatrième siècle, l'Empire romain envahi par les barbares, et déchiré par l'hérésie, tomba en ruines de toutes parts. Les arts ne trouvèrent plus de retraite qu'auprès des chrétiens et des empereurs orthodoxes. Théodose, par une loi spéciale de excusatione artificium, déchargea les peintres et leurs familles de tout tribut et de tout logement d'hommes de guerre. Les pères de l'église ne tarissent point sur les éloges qu'ils donnent à la peinture. Saint Grégoire s'exprime d'une manière remarquable: Vidi saepiùs inscriptionis imaginem, et sine lacrymis transire non potui, cùm tam efficaciter ob oculos poneret historiam (1); c'étoit un tableau représentant le sacrifice d'Abraham. Saint Basile va plus loin, car il assure que les peintres font autant par leurs tableaux que les orateurs par leur éloquence (2). Un moine, nommé (1) 2. conc. Nic. act. 40. (2) S, Basile, hom. 20.

Methodius, peignit dans le luitième siècle ce jugement dernier, qui convertit Bogoris, roi des Bulgares (1). Les prêtres avoient rassemblé au collège de l'orthodoxie la plus belle bibliothèque du monde, et tous les chefs-d'œuvre de l'antiquité; on y voyoit en particulier la Vénus de Praxitèle (2), ce qui prouve au moins que les fondateurs du culte catholique n'étoient pas des barbares sans goût, des moines bigots, livrés à une absurde superstition.

Ce collége fut dévasté par les Empereurs iconoclastes. Les professeurs furent brûlés vifs, et ce ne fut qu'au péril de leurs jours, que des chrétiens parvinrent à sauver la peau de dragon, de cent vingt pieds de longueur, où les œuvres d'Homère étoient écrites en lettres d'or. On livra aux flammes les tableaux des églises de stupides et furieux hérésiarques, assez semblables aux puritains de Cromwel, hachèrent à coups de sabre les admirables mosaïques de l'église de Notre-Dame de Constantinople, et du palais des Blaquernes. Les persécutions furent poussées si loin, qu'elles enveloppèrent les peintres eux-mêmes on leur défendit, sous peine de mort, de continuer

(1) Curopal. Cedren, Zonar. Maim. Hist. des Iconocl. (2) Cedren. Zonar. Constant. et Maimb. Hist. des Iconocl., etc.

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