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Décembre 1781.

M. de la Harpe pourrait faire une longue Iliade de tous les revers, de toutes les contrariétés qu'éprouve sa malheureuse Jeanne de Naples; même avant de paraître sur la scène, on l'a vue près de deux mois sur le répertoire de la comédie, arrêtée tantôt par des censeurs, tantôt par la police; un jour, par , par M. l'archevêque (1), le lendemain par le ministre des affaires étrangères, à qui l'on avait persuadé, sur les imputations les plus absurdes, qu'il y trouverait des traits dont quelques puissances de l'Europe pourraient avoir à se plaindre ; une autrefois, par des tracasseries de coulisse ; la veille même du jour qu'elle devait être donnée, par un accident arrivé à l'un des principaux acteurs,

(1) Le vers supprimé par la piété de feu M. de Beaumont, le voici:

Là, trente régions fléchissent sous un prêtre.

Ce bon prélat croyait devoir attacher une grande importance au mot prêtre, et ne voulait pas permettre qu'il fût profané au théâtre. Ces messieurs, dit M. d'Alembert, sont comme le Scapin de la Comédie italienne, qui se fâche toujours de quelque manière qu'il entende prononcer le mot de maraud.

par

Larive, qui, dans la répétition du combat, avait été blessé assez grièvement à la main, grâce à la maladresse du prince qu'il devait tuer; enfin, des ordres surpris à la religion de M. le Garde-des-sceaux, la malignité de quelques amis de l'auteur ayant prévenu le chef de la magistrature que cette pièce offrait le spectacle indécent d'un souverain s'oubliant assez pour se battre contre un de ses sujets, et d'une reine jugée et détrônée par une assemblée des états-généraux. Enfin, après avoir triomphé de tant d'obstacles, Jeanne de Naples a paru le 12 décembre......

:

Vient ensuite l'extrait de la pièce finissant ainsi Nous croyons n'avoir pas négligé d'indiquer les beautés de détail qui distinguent cet ouvrage ; mais ces beautés peuvent-elles suppléer à ce qui lui manque, et sur-tout au défaut d'intérêt? Moins que jamais, sans doute, dans un moment où l'on ne va chercher au spectacle que des émotions vives et passagères, où l'on pardonne volontiers les fautes d'art même les plus grossières, pourvu qu'il en résulte une marche plus rapide, un spectacle plus pompeux. Quel que soit le sort de Jeanne de Naples, il est malheureux d'avoir à dire que nous ne connaissons personne aujourd'hui capable de

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composer une pièce de théâtre avec plus de goût, mais encore, de l'écrire avec plus d'élégance et de correction. Ce n'est pourtant, dit-on, que l'ouvrage d'un mois ; mais ici, plus que jamais, le temps ne fait rien à l'affaire.

IMPROMPTU de M. Rhulières, sur les bruits du retour de M. le duc de Choiseul et de M. Necker au ministère.

Le Necker, le Choiseul, malgré les envieux,
Vont faire encor le bonheur de la France.
Notre bon Roi veut avoir sous les yeux
Et la recette et la dépense.

HISOIRE DE LA MAISON DE BOURBON, in-4o. 1782, tome 3, par M. Désormeaux.

Le troisième volume commence à l'an 1527 et finit en 1562. Il contient plus d'événemens intéressans que les deux premiers volumes; ces événemens sont aussi plus connus. Cet ouvrage suppose beaucoup de connaissances et une critique fort judicieuse; mais, sans être dépourvue d'intérêt et de clarté, la narration de M. Désormeaux devient souvent pénible par une recherche de style qui ne produit que de longues phrases chargées d'épithètes, n'ajoute rien à la

force de l'expression, et manque souvent de justesse et de goût.

L'AMI DES ENFANS, par M. Berquin.]

Il en paraît un volume in-16 tous les mois on en a fait déjà deux éditions.

:

peu

Il y a si de livres dont on puisse occuper utilement le premier âge, qu'il faut bien savoir quelque gré aux écrivains qui, sans s'approcher du but, s'en éloignent moins que les autres M. Berquin a paru être de ce nombre. Son Ami des Enfans est un recueil de fables, de contes, de dialogues, de petits drames traduits ou imités en grande partie de l'allemand. La morale que renferment tous ces petits ouvrages, est en général assez raisonnable; mais l'idée en est presque toujours trop vague, trop superficielle; la forme un peu niaise, un peu monotone. Il n'est pas vrai, comme l'a dit Fontenelle, que le naïf ne soit qu'une nuance du bas et du niais; il est au moins très-sûr qu'il n'y a le plus souvent qu'une nuance très-légère qui les sépare il n'appartient qu'au tact le plus fin et le plus exercé de ne jamais les confondre.

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SUPPLÉMENT

A L'ANNÉE 1783, POUR LE MOIS d'aout.

NOUVELLE traduction de l'Essai sur l'Homme,

par Pope, en vers français, précédée d'un discours, et suivie de notes, par M. de Fontanes; 1 vol. in-8o. (1)

Ce poëme n'a point répondu aux espérances qu'on avait conçues du talent de M. de Fontanes, et sur les lectures particulières qu'il en avait faites et sur plusieurs autres morceaux de poésies qu'on a vus de lui dans différens recueils. On ne lui dispute point le mérite d'entendre ce qu'on appelle la facture des vers; on lui sait gré d'avoir un style en général assez exempt de manière et d'affectation; mais on le trouve

(1) Comme ces deux Morceaux de la Correspondance de M. Grimm ne se trouvent pas dans les 16 volumes imprimés, j'ai tout lieu de croire qu'ils n'étaient pas dans la copie dont l'éditeur de la 2o. partie s'est servi. (Note de l'Editeur du Supplément. )

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