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LES

GRANDES COMPAGNIES DE CHEMINS DE FER

EN 1918

Les grandes Compagnies de chemins de fer ont tenu leurs assemblées générales aux dates ordinaires. Les opérations que retracent les rapports des conseils d'administration sont celles de l'année 1918, laquelle a été influencée, pour les transports commerciaux, par le relèvement des tarifs entré en vigueur le 15 avril, et, pour les transports militaires, par l'énorme activité provoquée, d'une part par l'accroissement constant des troupes américaines, d'une autre part, par le fléchissement du front italien, puis par les offensives allemandes du 21 mars et du 27 mai, enfin par les opérations des armées françaises et alliées dans la période qui va du 15 juillet à la conclusion de l'armistice du 11 novembre.

La signature de celui-ci fut loin de donner quelque répit à l'activité des chemins de fer. Bien au contraire, leur tâche devint encore plus lourde. A mesure que des voies improvisées étaient construites pour suppléer tant bien que mal à celles que l'ennemi avait détruites, il fallait, avec un matériel épuisé par un long et intensif service, que la destruction des ateliers les plus importants ne permettait pas de réparer, avec un combustible de mauvaise qualité, avec un personnel surmené et restreint, pourvoir, à la fois, au rapatriement des prisonniers en Allemagne, au transport des troupes d'occupation sur le Rhin, aux premières mesures de démobilisation, à l'évacuation d'une partie des troupes alliées, le tout sans préjudice des transports de ravitaillement civil et militaire.

Le Rapport du ministre des Travaux publics au président de la République, inséré au Journal officiel du 10 février dernier, sur «<l'Effort fait, en 1918, sur les grands réseaux d'intérêt général » a présenté un tableau résumé de la tâche accomplie et des difficultés

qu'il a fallu surmonter. C'est, en quelque sorte, la préface de l'œeuvre dont chacun des rapports des Compagnies forme un chapitre spécial.

I. COMPAGNIE DU chemin de fer de ParRIS A ORLÉANS

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La Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans a tenu son assemblée générale, sous la présidence de M. Charles Vergé, pré sident du conseil d'administration, le 29 mars.

Le Rapport constate qu'aucune ligne n'a été ouverte à l'exploitation en 1918. Les 84 kilomètres de lignes, démontés en 1917, n'ont pas été rétablis. De plus, le trafic a été suspendu sur deux autres sections, dont le démontage des voies était entrepris au mɔment de l'armistice. Le travail a été alors interrompu; puis la Compagnie a été invitée à reposer la voie.

Indépendamment du renforcement du rail sur quelques kilomètres de voie et de l'établissement de nouveaux postes d'enclenchement, la Compagnie a surtout dû procéder à des installations pour les transports intéressant la défense nationale, soit, d'une part, les transports de troupes en cours d'opérations et surtout les transports américains. Pour ceux-ci, il a fallu poursuivre le doublement provisoire de la voie dans la traversée de Nantes, le dégagement de la gare de Saint-Pierre-des-Corps, quadrupler les voies entre la bifurcation de Pont-Vert et Bourges, donner de nouveaux développements aux gares de Vierzon, Bourges, Châteauroux, Limoges, Puy-Imbert et à la desserte des appontements de Bassens, installer un grand nombre de postes télégraphiques, des voies de garage dans vingt stations et poser des kilomètres de lignes téléphoniques.

Comparé à l'effectif du matériel d'exploitation à la fin de 1917, celui dont la Compagnie disposait à la fin de 1918 est en augmentation de 84 locomotives, 85 tenders et 1 049 fourgons et wagons divers.

Sur les commandes de matériel et les achats de matériel d'occasion faits depuis la guerre, comportant une dépense d'environ 145 millions, la Compagnie avait reçu au 1er janvier 1919, 186 locomotives et 6 460 wagons divers. Elle procède, en ce moment, à de nouvelles commandes de locomotives et de voitures à voyageurs, indépendamment du matériel cédé « provisoirement » par l'Allemagne et de celui qu'elle se propose de reprendre à l'armée américaine ».

Le total général des recettes s'élève à 512 401 651 fr. 62, et celui

des dépenses à 434 988 717 fr. 91. Aux recettes, les transports de la guerre sont inscrits pour 144 442 185 fr. 98, en augmentation de plus de 40 millions sur ceux de 1917. En dépense, les indemnités pour pertes, retards et avaries, figurent pour 10 587 048 francs, en augmentation de 4 millions sur 1917. Les impôts sur les transports à grande et petite vitesse ne sont pas inscrits dans les comptes. On sait que le taux en a été rehaussé à partir du 1er juillet 1918.

Ils se sont élevés à 38 709 736 fr. 93, en augmentation de 23 909 424 francs sur 1917.

Déduction faite des opérations concernant les exercices clos, le produit net d'exploitation est de 70 415 565 francs. Le coefficient d'exploitation est de 85,76 p. 100. En 1917, il avait été de 68,50

p. 100.

commerciaux

Les recettes sont en augmentation de 87 millions sur 1917. Cette augmentation porte pour 47 millions sur les transports et pour 40 millions sur les transports militaires. Les recettes afférentes à ceux-ci (< ne comprennent pas, dit le rapport, celles des transports, très importants, de l'armée américaine dont la liquidation subit un retard qui ne nous est pas imputable et qui nous cause un sérieux préjudice ».

Au cours de 1918, le réseau d'Orléans a eu, non seulement à participer au ravitaillement de nos armées en troupes, chevaux, vivres, matériel, mais aussi à assurer la majeure partie des transports de l'armée américaine. « L'importance de ces transports et l'activité des opérations militaires du front, pendant les mois qui ont précédé la signature de l'armistice, ont exigé de notre part un effort considérable, qui s'est traduit par l'emploi de 2 025 410 wagons, soit 832 236 de plus qu'en 1917, et par la mise en marche de plus de 22 000 trains spéciaux. »

En 1918, pour les transports commerciaux, la recette des voyageurs a été de 140 788 105 francs, en augmentation de 45 877 062 francs sur celle de 1917. La majoration de 25 p. 100 des taxes de transport entre dans ce chiffre pour 22 024 903 francs. Le nombre des billets délivrés a atteint 61 millions, en augmentation de 6 millions sur 1917. Cet accroissement est dû, pour une large part, à l'exode de la capitale au moment de l'avance allemande de mars et des bombardements, suivi du retour, quelques mois plus tard, et à la rentrée dans leurs foyers d'une partie des habitants des régions libérées.

La recette des transports de marchandises et d'animaux G. V. s'est élevée à 67 691 737 francs, dont 8716 816 francs, provien

nent de la majoration des tarifs. Elle est supérieure de 20 millions celle de 1913. à celle de 1917 et de 26 millions

La recette des transports de marchandises P. V. n'est, malgré la majoration des tarifs, que de 118 497 623 francs, inférieure de 14 millions à celle de 1917 et de 17 millions à celle de 1913.

La diminution de tonnage, d'environ 3 millions et demi de tonnes porte à peu près sur toutes les sortes de marchandises. Notamment, le nombre des têtes de bétail transportées en petite vitesse accuse une diminution de 623 047 unités.

Pour faire face à l'énorme trafic que résument les chiffres ci-dessus, la Compagnie ne disposait que de moyens d'action restreints. La mobilisation, les réformes, les décès ont réduit son personnel régulier d'environ dix mille agents qu'elle a dû remplacer par un personnel de fortune, hétéroclite pendant la période d'hostilités et qui, lui-même, a été désorganisé à la suite de l'armistice. Les agents des chemins de fer belges et américains sont rentrés dans leur pays; les hommes de la réserve de la territoriale, démobilisés, ont été remplacés par des hommes de classes plus jeunes qui manquent d'intruction professionnelle. Enfin, l'épidémie de grippe a encore été cause de nouvelles difficultés.

On sait que le Journal officiel a publié le 3 février dernier, un décret rendant, à partir du 10 février, «la direction des réseaux, aux administrations qui en sont chargées en temps de paix ». Un peu hâtivement, ce décret avait été considéré comme marquant le retour à la vie normale.

Le Rapport dit à ce propos :

« Le Gouvernement n'a pas cru devoir attendre que notre tâche fût plus facile pour nous rendre la gestion et la responsabilité des transports, en supprimant la Commission de réseau qui dirigeait le service depuis 1914 avec un zèle et un esprit d'entente auxquels il est juste de rendre hommage. Mais si le nouveau régime institué à partir du 10 février dernier aggrave considérablement notre responsabilité, il ne nous donne qu'une apparence de liberté d'action; non seulement, en effet, il maintient notre réseau sous le régime de la réquisition, mais encore il nous impose des priorités soit générales, soit particulières, pour un très grand nombre de transports. Nous restons ainsi en fâcheuse posture vis-à-vis du public, auquel nous ne pouvons offrir, une fois ces priorités satisfaites, que des moyens d'action extrêmement réduits. Il nous a semblé, comme aux autres Compagnies, que nous ne pouvions accepter une situation aussi contraire à l'équité sans protester et sans réserver nos droits. »

TOME LXII.

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MAI 1919.

12

Les charges du capital s'élèvent à 155 009 911 fr. 31. Le produit de l'exploitation étant de 78 326 848 fr. 68, l'insuffisance à couvrir par la garantie d'intérêt est de 77 683 064 francs. Cette somme, la plus élevée que la Compagnie ait jamais atteinte, est supérieure de 56 millions à celle de 1917, malgré une augmentation de re cettes de plus de 100 millions. C'est qu'en même temps, des augmentations de dépenses beaucoup plus considérables, se sont produites pour le personnel, le combustible et la réparation du matériel roulant.

La dépense annuelle a augmenté de près de 100 millions pour le combustible, et de 45 millions pour la réparation du matériel roulant depuis 1914.

Quant à la situation du personnel, elle a été considérablement améliorée, soit par le relèvement des traitements et de leurs accessoires, soit par les allocations spéciales de cherté de vie. La dépense supplémentaire qui en est résultée s'est élevée, pour l'exercice 1918, à près de 100 millions, indépendamment de la part que l'Etat a prise à sa charge.

Le Rapport fait prévoir que « cette situation paraît devoir s'aggraver encore dans l'exercice actuel, car nous voyons les charges de notre exploitation s'accroître de jour en jour, sans que les pouvoirs publics, toujours prêts à nous inciter aux dépenses, se préoccupent au même degré de nous assurer les ressources correspondantes. De nouvelles augmentations sont à l'étude, sur des bases uniformes pour tous les réseaux. Mais le personnel revendique un programme de salaires encore beaucoup plus coûteux, auquel il joint `des demandes, comme celles de la journée de huit heures et de la semaine anglaise, qui entraîneraient, pour les Compagnies des charges énormes, pour le public des sujétions très sensibles, et pour l'exécution du service une véritable impossibilité si la mesure devait être réalisée sans tempérament et sans délais. »>

Il constate que le relèvement de tarifs appliqué depuis le 1er avril 1918 n'a produit que 48 millions. Des relèvements partiels des ta rifs de marchandises accompagnés de simplifications réclamées par le public, sont actuellement proposés à l'administration supérieure; mais ce ne sera là qu'un palliatif insuffisant aux dépenses nouvelles envisagées plus haut, et un second relèvement général des tarifs s'imposera si l'on veut se conformer au principe si rationnel que formulait récemment M. le Ministre des Travaux publics, à savoir que « les recettes des chemins de fer doivent équilibrer leurs dépenses ».

Revenant sur la question du traité Cotelle, concernant les trans

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