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Lebrun ravir la foudre à l'aigle pindarique;
Delille, nous rendant le cygne aimé des dieux,
Moduler avec art ses chants mélodieux;

Et, de l'Eschyle anglais évoquant la grande ombre,
Ducis tremper de pleurs son vers tragique et sombre.

Si La Harpe autrefois, blessant la vérité,
Voulut noircir mes jours d'un fiel non mérité,
Oubliant sa brochure, et non pas Mélanie,
Au temps où sa vieillesse allait être bannie,
Plein du respect qu'on doit au talent malheureux,
J'ai du moins adouci des coups trop rigoureux.
Des arts abandonnés réparant l'infortune,
J'ai de leur souvenir embelli la tribune;
Talleyrand', méconnu, dans l'exil a gémi:
Il était délaissé; je devins son ami;

Un décret du sénat le rendit à la France.
J'ai vécu libre et fier, mais sans intolérance,
Plaignant le sot crédule, abhorrant l'imposteur,
Souvent persécuté, jamais persécuteur,
Adversaire constant de toute tyrannie,
Ami de la vertu, défenseur du génie,
Convaincu seulement du crime détesté
D'avoir aimé, servi, chanté la liberté.

1. Voyez le discours de Chénier à la Convention pour le rappel de Talleyrand. (Tome V des OEuvres anciennes, présente édition.)

Oui, j'ai commis ce crime, et je m'en glorifie; Oui, les sucs généreux de la philosophie

Ont contre les revers fortifié mon cœur ;

Des préjugés vieillis ils m'ont rendu vainqueur.
Aux feux qu'ont allumés Rousseau, Bayle et Voltaire,
J'ai vu se dissiper cette ombre héréditaire,

Qui couvrait les humains dans la nuit expirans,
Et j'ai su mériter la haine des tyrans.
Des esclaves vendus la colère débile
De cris calomnieux a fatigué ma bile;
Ma muse d'Archiloque implora le courroux.
Ma muse enfin retourne à des travaux plus doux.
Amitié, dont les soins font oublier l'envie;
Arts, brillans séducteurs qui colorez la vie;
Raison, guide des arts et même des plaisirs;
Embellissez encor mes studieux loisirs!
Ramenez-moi les jours d'audace et d'espérance
Où j'ai peint L'Hospital, ce Caton de la France;
Où Boulen et Seimour ont fait couler des pleurs;
Où le grand Fénélon, paré de quelques fleurs,
Et du fond de sa tombe accueillant mon hommage,
Dictait mes vers empreints de sa fidèle image!
Les nombreux ennemis contre moi conjurés
Affermiront mes pas, déja plus assurés.

Je laisse à mes écrits le soin de ma défense.
Le Dieu qui dans son art instruisit mon enfance
Donne à ses nourrissons un exemple sacré :

Si l'impudent satyre est par lui déchiré,

S'il punit d'un Midas les caprices stupides,
S'il écrase un Python sous ses flèches rapides,
De ses feux bienfaisans il mûrit les moissons;
Dans ses douze palais il conduit les saisons;
Il préside aux concerts des doctes Immortelles,
Et sur sa lyre d'or il chante au milieu d'elles.

VARIANTES

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

1795.

Page 7, vers 1.

PHILANDRE', qui, toujours sage avec profondeur,
Méprises des partis l'ambitieuse ardeur,

Fléau de la licence et de la tyrannie,

En nos tems orageux, vois-tu la calomnie
Affermir chaque jour, par de nouveaux excès,
Son pouvoir sacrilége et ses honteux succès ?
Tandis que du sénat la justice rigide

Oppose à son poignard une impuissante égide,
Triomphante, elle rit du vain courroux des lois,
Et de la renommée usurpe les cent voix.

Page 7, vers 9.

Au lieu de

D'écrivains, d'imprimeurs quelle horde insensée
Diffame ce bel art de peindre la pensée !

Un faquin sans esprit, etc. etc.

il y avait :

Quel impudent ramas de fourbes délateurs !

1. Le discours sur la Calomnie fut d'abord publié sous le titre d'épître, et renfermait les vers rapportés dans les variantes. Le début était : Philandre, etc. Chénier, par la suite, fit de grands changemens à ce poème, et lui donna le titre qu'il porte aujourd'hui. (Note de l'éditeur.)

Que de fripiers d'écrits! que de plats imposteurs !
Le démon du mensonge inspire leurs brochures;
Un peu d'or fait couler des flots d'encre et d'injures.
Un faquin sans esprit, etc. etc.

Page 8, vers 3.

Après ces mots :

Fantin se croit Tacite, et Richer Cicéron.

il y avait :

Contre tout l'Institut Charlemagne conspire:
Le fiel est leur talent; la fange est leur empire.
Cent grimauds, de Zoïle effrontés écoliers,
Barbouillant à l'envi des pamphlets journaliers,
Vont prendre tour-à-tour leçon de calomnie
Chez le docte Suard, qui ment avec génie.
Quand nos guerriers, bravant et le glaive et l'airain,
Étonnent l'Éridan, le Danube et le Rhin,

Dans les murs de Paris, etc. etc.

Page 8, vers 16 et suivans.

Au lieu de

A la honte aguerris, ces Forbans littéraires

Ont mis leur conscience aux gages des libraires.
Envieux par nature, etc. etc.

il y avait :

Ils mettent leur sottise aux gages des libraires.
Après un long voyage, insectes éphémères,
Envieux par nature, etc. etc.

Page 9, vers 1.

Après ces mots :

Ils dînent du mensonge et soupent du scandale.

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