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HYMNE

SUR ᏞᎪ TRANSLATION

DES CENDRES DE VOLTAIRE

AU PANTHEON FRANÇAIS,

LE 12 JUILLET 1791.

MUSIQUE DE GOSSEC.

AH! ce n'est point des pleurs qu'il est tems de répandre; C'est le jour du triomphe, et non pas des regrets: Que nos chants d'allégresse accompagnent la cendre Du plus illustre des Français.

Jadis, par les tyrans, cette cendre exilée,
Au milieu des sanglots, fuyait loin de nos yeux;
Mais, par un peuple libre aujourd'hui rappelée,
Elle vient consacrer ces lieux.

Salut! mortel divin, bienfaiteur de la terre:
Nos murs, privés de toi, vont te reconquérir;
C'est à nous qu'appartient tout ce qui fut Voltaire;
Nos murs t'ont vu naître et mourir 1.

1. Voltaire naquit à Châtenay près Paris, le 20 février 1694, ct mourut, à Paris même, le 30 mai 1778.

Ton souffle créateur nous fit ce que nous sommes:
Reçois le libre encens de la France à genoux;
Sois désormais le dieu du temple des grands hommes,
Toi, qui les as surpassés tous.

Le flambeau vigilant de ta raison sublime
Sur des prêtres menteurs éclaira les mortels;
Fléau de ces tyrans, tu découvris l'abîme

Qu'ils creusaient aux pieds des autels.

Tes tragiques pinceaux des demi-dieux du Tibre
Ont su ressusciter les antiques vertus;

Et la France a conçu le besoin d'être libre
Aux fiers accens des deux Brutus.

Sur cent tons différens, ta lyre enchanteresse,
Fidèle à la raison comme à l'humanité,
Aux mensonges brillans inventés par la Grèce
Unit la simple vérité.

Citoyens! courez tous au-devant de Voltaire:
Il renaît parmi nous, grand, chéri, respecté;
Comme à son dernier jour, ne prêchant à la terre
Que Dieu seul et la liberté.

Il cherche en vain ces tours, cet enfer du génie, Dont son aspect deux fois fit le temple des arts; La Bastille est tombée avec la tyrannie

Qui bâtit ses triples remparts.

Il voit ce champ de Mars, où la liberté sainte
De son trône immortel posa les fondemens;
Des Français rassemblés dans cette auguste enceinte
Il reçoit les seconds sermens.

Le fanatisme impur, cette sanglante idole,
Suit le char de triomphe avec des cris affreux;
Tels Émile ou César, aux murs du Capitole,
Traînaient les rois vaincus par eux.

Moins belle fut jadis sa dernière victoire, Lorsqu'aux jeux du théâtre un peuple transporté, A ce vieillard mourant sous le poids de la gloire, Décernait l'immortalité.

La Barre! Jean Calas! venez, plaintives ombres, Innocens condamnés, dont il fut le vengeur: Accourez un moment du fond des rives sombres; Joignez-vous au triomphateur.

Chantez, peuples pasteurs, qui des monts helvétiques
Vîtes long-tems planer cet aigle audacieux;
Habitans du Jura, que vos accens rustiques
Portent sa gloire jusqu'aux cieux.

Fils d'Albion, chantez; Américains, Bataves,
Chantez; de la Raison célébrez le soutien;
Ah! de tous les mortels qui ne sont point esclaves
Voltaire est le concitoyen.

Vous, peuples, qu'en secret lasse la tyrannie,
Chantez la liberté viendra briser vos fers;
Sa main dresse en nos murs un autel au génie :
C'est un beau jour pour l'univers.

Dieu des dieux, roi des rois, nature, Providence,
Être seul immuable et seul illimité,
Créateur incréé, suprême intelligence,
Bonté, justice éternité:

Tu fis la liberté; l'homme a fait l'esclavage:
Mais souvent dans son siècle un mortel inspiré,
Pour les siècles suivans, de ton sublime ouvrage
Conserve le dépôt sacré.

Dieu de la liberté, chéris toujours la France; Fertilise nos champs, protége nos remparts; Accorde-nous la paix, et l'heureuse abondance, Et l'empire éternel des arts.

Donne-nous des vertus, des talens, des lumières, L'amour de nos devoirs, le respect de nos droits, Une liberté pure, et des lois tutélaires,

Et des mœurs dignes de nos lois !

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