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NOTICE SUR HORACE.

Horace (Quintus Horatius Flaccus) naquit le 8 décembre de l'an de Rome 688, à Venouse, ville située sur les confins de l'Apulie et de la Lucanie, sous le consulat de Lucius Aurélius Cotta et de Lucius Manlius Torquatus. Son père, Flavius Flaccus, simple collecteur d'impôts, l'amena de bonne heure à Rome pour lui faire suivre les leçons des maîtres les plus estimés. L'un de ces maîtres fut le grammairien et rhéteur Orbilius, dont Suétone fait mention dans sa Vie d'Horace. Après avoir passé huit années à Rome, Horace alla perfectionner son éducation à Athènes. César venait de périr. Marcus Brutus, passant à Athènes pour se rendre en Thessalie, où il rassemblait une armée considérable, emmena avec lui plusieurs des jeunes Romains qui se trouvaient dans cette ville. Du nombre fut Horace, qui reçut de Brutus le grade de tribun militaire. Bientôt l'armée des derniers défenseurs de la république et celle des héritiers de César furent en présence dans les champs de Philippes, en Macédoine. On sait que Cassius, ne voulant pas survivre à la ruine de la république, se donna la mort à la fin de la bataille, et que Brutus se perça le cœur de son épée; quant à Horace, il abandonna son poste, et prit la fuite en jetant loin de lui son bouclier qui ralentissait sa course.

Cependant le modeste patrimoine d'Horace avait été confisqué, comme tous les biens du parti vaincu, pour devenir la récompense des vétérans de César. Horace revint à Rome, et se cacha pendant quelque temps dans la maison d'Élius Lamia. Il y fit connaissance avec ly Virgile, qui, loin de se montrer jaloux d'un génie qui M133214

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pouvait devenir son rival, le recommanda à Mécène et lui fit rendre ses biens. Bientôt Mécène admit Horace dans son intimité, et le présenta à Auguste, qui lui offrit un emploi de secrétaire auprès de sa personne. Horace refusa ces fonctions, qui étaient peu d'accord avec ses goûts, et n'en demeura pas moins l'ami de Mécène et d'Auguste, qui le comblèrent de bienfaits : il est vrai que dans ses odes le poëte ne se montrait pas avare de louanges. Quand Auguste, inquiet des préparatifs maritimes que Sextus Pompée faisait contre lui, voulut faire sa paix avec Antoine, Horace accompagna Mécène à Brindes, où furent discutées les conditions du traité signé peu de temps après à Tarente.

Mais Horace, quoique fort habile à ménager l'amitié des grands, était peu fait pour une vie active. Le séjour de Rome avait pour lui peu d'attrait. Aussi le voit-on de moins en moins assidu auprès d'Auguste et même de Mécène, demeurant plus volontiers, l'été dans sa campagne de la Sabine, qu'il tenait de la libéralité de Mécène, et l'hiver, dans une autre maison plus modeste qu'il possédait aux environs de Tarente. Mécène se plaignit un jour de cet abandon, et Horace, dans une épître pleine de noblesse, se montra résigné à rendre tout ce qu'il avait reçu plutôt qu'à sacrifier sa liberté. Auguste parut également piqué de ce qu'aucune des épîtres du poëte ne lui était adressée, et Horace, pour le satisfaire, écrivit celle que l'on regarde comme la dernière de toutes, si l'on en excepte l'Art poétique.

Mécène mourut au commencement de novembre de l'an 745, et Horáce le suivit au tombeau le vingt-septième jour du même mois, à l'âge de cinquante-sept ans, faisant Auguste son héritier. Les deux amis furent enterrés l'un à côté de l'autre sur le mont Esquilin.

Pour estimer le caractère d'Horace, dit Schoell dans son Histoire abrégée de la littérature romaine, il suffit de lire sans prévention ses ouvrages, mais surtout ses satires et ses épîtres, où son âme s'est peinte

tout entière. Elle était noble et généreuse. Sa philoso phie était celle d'un homme aimable qui tolère les faiblesses des autres et ne se refuse aucune jouissance que la vertu ne réprouve pas.

«Ce qui fait le principal charme des épitres d'Horace, c'est la variété qui règne dans les caractères des personnes auxquelles elles sont adressées, et d'après lesquelles le poëte, change et varie son ton et ses couleurs. En général les satires de ce poëte sont plus piquantes que ses épîtres; mais celles-ci sont plus douces et plus agréables: la lecture des premières égaye et amuse, celle des autres rend meilleur.

Horace doit être regardé comme le second des poëtes romains. Il est pour la poésie lyrique ce que Virgile est pour l'épopée et pour le genre didactique; l'un et l'autre n'ont pas été égalés par les poëtes des temps suivants. Mais si Virgile s'élève au-dessus de cette troupe de poëtes épiques qui l'imitèrent, qui se parèrent de ses lambeaux, Horace paraît seul comme poëte lyrique. La littérature latine ne lui en avait offert aucun à surpasser, et, parmi ses imitateurs, aucun ne fut seulement digne de lui être comparé.

« Horace fit connaître aux Romains la poésie lyrique dans son dernier degré de perfection. Sans doute, il montre, comme poëte lyrique, moins d'originalité que dans ses satires; mais on est allé beaucoup trop loin lorsqu'on a voulu ne reconnaître dans ce beau génie que le caractère d'imitateur. Ce n'était certainement pas un petit mérite aux yeux de ses contemporains, que de reproduire dans une langue peu flexible les plus belles productions de la poésie grecque, et de les reproduire dans des rhythmes dont la langue latine paraissait moins susceptible. Mais ce n'est pas le seul éloge que mérite Horace. Un grand nombre de ses odes, celles qui célèbrent Auguste et sa famille, celles qui tonnent contre les vices de son siècle, lui appartiennent en propre, et, à l'exception de quelques légers rapports,

les critiques ont vainement tenté d'en découvrir les originaux ou les modèles, dans ce qui nous reste de la littérature grecque. Elles ont un caractère d'originalité et quelque chose de si particulier, qu'il est impossible de méconnaître qu'elles sont une création de l'imagination d'Horace, et qu'elles lui ont été inspirées par les objets qui l'entouraient et par les circonstances où il vivait. Ces odes sont regardées par tous les connaisseurs comme les plus belles qu'il ait composées. Lors même qu'Horace imite les modèles grecs, il sait se mettre à la place des poëtes qu'il a devant les yeux; il donne à leurs idées et à leurs images quelque chose de romain qui en efface souvent le caractère primitif, et qui ne pouvait sortir que d'un génie assez heureux pour produire de lui-même. Dans toutes ces imitations, son jugement, son esprit, sa grâce, le goût qu'il montre, font disparaître tout ce qui pouvait donner à ses compositions un air de copie.

"Horace possède au suprême degré l'art d'intéresser et d'entraîner son lecteur; il sait ennoblir les objets les plus insignifiants; ses descriptions et ses comparaisons sont toujours courtes, mais en peu de traits elles achèvent le tableau qu'il veut mettre devant nos yeux; son langage est pur, élégant, et le modèle de l'urbanité; sa versification est aussi harmonieuse dans le rhythme lyrique que celle de Virgile est parfaite dans le mètre héroïque. La lecture d'Horace fera toujours le charme des hommes instruits et sensibles; elle plaira surtout à ceux que l'expérience du monde aura guéris des vaines passions qui tourmentent le commun des hommes. »

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