Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

vue; quelques arches d'un pont de pierre, vu en partie au travers du bois, peuvent conferver la liaifon. Quelque interrompues, quelque variées que foient les fcenes dont il eft queftion, elles paroiffent toujours former les parties d'un même tout, qui conferve en même tems le mêlange dont une multitude d'objets eft fufceptible, & la grandeur de l'unité, la variété d'un courant, & la vafte étendue d'un lac, la majesté d'un bois & tout ce que les eaux ont de vif & d'animé.

X X X II I.

Des Ruiffeaux.

Si l'on peut quelquefois faire paffer une grande
riviere au travers d'un bois, on y introduira plus
facilement encore des courans d'eau moins con-
fidérables. Ils défigurent plus fouvent qu'ils ne
parent un pays découvert; leur cours étant moins
marqué par les eaux que par une ligne confufe de
gazon,
plein d'inégaltés, dont le verd eft diffé-
rent de celui des objets qui l'environnent. Un grand
ruiffeau peut n'être pas déplacé dans certaines ex-
pofitions, quoiqu'à découvert; mais un petit ruif-
feau est toujours plus agréable lorfqu'il fe dérobe
à un point de vue général. Les principales beautés

qui le caractérisent, font le mouvement & la variété, qui exigent de l'attention, du loifir & de la tranquillité , pour que l'œil puiffe en faifir les agrémens, & l'oreille les moindres murmures fans interruption. Il faut donc à un petit ruiffeau un lieu écarté & refferré: ainfi un taillis bien couvert, fera toujours préférable à un bois fort élevé, & un vallon enfoncé à une expofition ouverte. Un feul ruiffeau à une très - petite diftance, n'eft qu'un fimple courant; il perd tous fes charmes & tout fon mérite, & n'eft nullement proportionné à la fcene. Un grand nombre de petits ruiffeaux ont beaucoup d'effet dans certaines Situations, mais non pas comme objets. Ils ne font intéreffans que comme attributs de caractere, en arrofant tout l'intérieur du bocage,

La maffe des eaux d'une grande riviere a plus de force que de rapidité, & paroît trop lourde pour des détours & des paffages précipités: mais un ruiffeau, dont le mouvement eft très-vif, fe prête à toutes les fantaisies. De fréquens détours déguifent fa petiteffe; des inflexions courtes & peu ménagées le rendent plus animé; des chan gemens fubits dans fa largeur y jettent encore beaucoup de variété; & de quelque maniere que fon canal ferpente, augmente ou diminue, il pa

[ocr errors]

roîtra toujours naturel. L'efprit trouvé un amufement à fuivre ce petit ruiffeau dans tous les labyrinthes; à le voir forcer un paffage étroit, s'étendre dans un canal plus large, lutter contre les obfracles, & continuer fon cours embarrassé. Il y a des ruiffeaux fi confidérables, qu'ils tiennent le milieu entre une riviere & les petits ruiffeaux ordinaires aufli empruntent-ils de ces deux efpeces les traits qui les caractérisent. Sans être auffi affujettis que l'une a de certaines regles, ils ne peuvent jouir comme l'autre de cette extrême licence qui lui eft particuliere; leurs détours peuvent être plus fréquens que ceux d'une riviere, & ils peuvent couler plus long-tems que les petits ruiffeaux dans la même direction, C'est la largeur de leur canal qui fert à déterminer fi leur beauté principale réfulte de l'étendue ou de la variété.

Le murmure d'un ruiffeau eft un des principaux agrémens qui lui font propres. Si le fond fur lequel il coule, eft plein d'inégalités, la pente feule fera naître continuellement un petit bruit agréable; la moindre petite cascade, le plus petit creux, d'où l'eau ne fort qu'avec effort, produira un gafouillement délicieux qui, fans être uniforme, fe répétera fans ceffe, & c'est celui qui eft préférable à tous les autres. Le moins agréable est

celui d'une eau qui coule à-peu-près de niveau, & que de petits obftacles font réjaillit. Mais il n'y a aucun de ces murmures qui doive être entiérement exclus, & qui n'ait fon agrément particulier. Leur choix eft en notre pouvoir. En obfervant les caufes qui les produifent, nous fommes les maîtres de les augmenter, de les affoiblir & de les changer entiérement. Souvent une feule pierre ou quelques caiiloux de plus ou de moins fuffifent pour cet effet.

N

X X XIV.

'Des Cafcades.

Un petit ruiffeau ne peut prétendre qu'au gafouillement d'une très - petite chûte d'eau. Le grand bruit d'une cafcade ne convient proprement qu'à une riviere, quoique de grands ruiffeaux en approchent de fort près; & toutes les tentatives qu'on a faites pour paffer ces bornes, ont été généralement fans fuccès. L'ambition ridicule d'imiter la nature dans fes grands écarts, ne fait que déceler la foiblesse de l'art. Quoiqu'une belle riviere,dont la chûte eft rapide & profonde, foit un objet de plus magnifiques, il faut avouer qu'une fimple cascade préfente une forte de régularité qui ne

peut être balancée que par fa grandeur. Mais ce n'eft pas fa largeur qui frappe, c'eft fa profondeur. Lorfque fa chûte n'eft que de quelques pieds de haut,la régularité prédomine, & fon étendue ne fert qu'à prouver l'oftentation de ceux qui ont traité une cascade artificielle dans le goût d'une cataracte. Elle feroit moins ridicule, fi elle étoit divifée en plufieurs parties, parce que chaque partie prise féparément, feroit affez large pour fa profondeur, & qu'en général ce feroit la variété, & non lạ grandeur, qui deviendroit le caractere dominant: mais il n'eft pas facile de former un affemblage de pierres brutes, grandes & détachées, dont la force foit fuffifante pour fupporter une maffe d'eau confidérable, & on eft fouvent obligé de s'en tenir à une construction polie & uniforme, qui détruit le plus bel effet d'une cafcade. Plufieurs petites chûtes d'eau qui fe fuccedent, font préférables à une grande cafcade, dont la figure & le mouvement font trop réguliers.

Lorsqu'un tout d'une grande étendue a été ainsi divifé en plufieurs parties, & que la longueur eft devenue plus importante que la largeur, un grand ruiffeau peut le difputer à une riviere, parce qu'en général fa pente eft plus fenfible & plus uniformé ment continuée, ce qui eft très-favorable à une

« AnteriorContinuar »