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fuite de cafcades. La moitié de la dépenfe & du travail qu'exige une riviere pour qu'elle fe précicipite d'une certaine hauteur & une feule fois, fuffiroit pour embellir & animer un grand ruiffeau dans toute la longueur de fon cours, Or, tout bien examiné, ce que les eaux qui fe précipitent ont de plus intéreffant, c'eft l'air vivant & animé qu'elles donnent à une retraite. Une grande cafcade excite la furprife, mais la furprife dure peu ; au lieu que le mouvement, l'agitation, la fureur, l'écume & la variété des eaux, font des effets propres à captiver l'attention. Un grand ruisseau eft admirable pour les produire, fans cet air d'appareil, & ces efforts qui réveillent perpétuellement les idées de l'art.

Pour détruire tout foupçon d'artifice, il est souvent avantageux de dérober à la vue le commencement de la cascade; car c'est toujours ce commercement qui fait la difficulté. S'il eft caché, les chûtes d'eau qui fe fuccéderont, paroîtront une fuite naturelle de plufieurs cafcades précédentes, dont l'imagination groffit toujours le nombre. Lorsqu'un ruiffeau fort d'un bois, cette petite fupercherie produira un grand effet; & dans un pays ouvert, tantôt les détours fréquens d'un ruiffeau qui fer

teront naturellement les moyens d'en faire ufage. Une petite chûte d'eau, ménagée adroitement fous une arche, commencera le mouvement qui donnera un air très-naturel à une cafcade inférieure beaucoup plus considérable.

DES ROCHERS.

X X X V.

Des objets qui accompagnent les rochers. Defcription du vallon de Middleton.

LES ruiffeaux & les cafcades fe trouvent abondamment dans les rochers, & les accompagnent naturellement, C'eft dans les fcenes de cette efpece qu'il faut prodiguer tous les embellissemens dont elles font fufceptibles. Des rochers tout nuds peuvent exciter la furprife; mais ils plairont difficilement, à moins qu'ils ne foient destinés à produire certaines impreffions particulieres. Ils font trop éloignés de tout ce qui préfente une idée d'utilité, trop ftériles, trop déferts, Ils peignent plus le défaftre que la folitude, & inspirent plus d'horreur que d'effroi. Une telle perfpective fatigueroit bientôt, fi elle n'étoit adoucie par tour ce que des lieux cultivés peuvent offrir de plus agréable; & lorfque des rochers font extrêmement fauvages, de petits ruiffeaux & de petites cafcades ne fuffifent pas pour diminuer leur âpreté, il faut

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encore animer la fcene par des bois, & quelquepar tout ce qui défigne un lieu habité.

fois

Le vallon de Middleton (1) s'ouvre entre des rochers qui s'élevent infenfiblement d'un village très-pittorefque; il fe continue l'efpace d'environ deux milles jufqu'aux vaftes marais de Peake. Là est une entrée affreuse, dans un défert parfemé de rochers nuds, grifâtres, hériffés & fauvages, terminés, tantôt par des pointes efcarpées, & tantôt par de lourdes maffes: quelquefois ils s'élevent en vaftes arcs boutans, pofés les uns fur les autres, & quelquefois ils s'élancent hardiment & reftent fufpendus fous la forme la plus bifarre. On n'y verroit point de traces d'hommes fans un chemin dont l'effet eft très-peu fenfible dans cet affreux tableau, & quelques fours à chaux qui fument continuellement fur les côtés ; mais les laboureurs qui en prennent foin, demeurent fort loin de là. Il n'y a point: de cabane dans le vallon; & le fol, prefque auffi ftérile que les rochers, ne produit que quelques. buiffons à demi defféchés : c'eft une terre colorée de toutes les nuances de brun & de rouge qui dénotent fa ftérilité. Dans quelques endroits ce ne font que des couches peu nombreufes de pierres

(1) Près de Chatsworth.

noires ensevelies dans un terrein mouvant; & dans d'autres, des efflorescences & des débris de mines qui fe font précipitées dans les fonds. On observe que les veines de plomb d'un des côtés du vallon, correfpondent à d'autres veines du côté oppofé, précisément dans la même direction ; & que les rochers, quoique très différens, felon les différens lieux où ils font placés, ont pourtant des formes du même genre aux deux côtés oppofés du vallon, & patoiffent n'être que les parties d'un même tout. Il est donc affez vraisemblable que le vallon de Middleton a été formé dans ces rochers par quelque ébranlement violent de notre globe, mais trop ancien pour n'être pas effacé de la mémoire des hommes, ou qui eft peut-être arrivé dans le tems que l'Angleterre n'étoit pas encore peuplée. L'afpect du lieu juftifie cette conjecture, & n'a pas peu fervi à donner du crédit aux contes que fait le peuple des environs pour en augmenter l'horreur. Ils montrent encore un abîme on fe précipita, difent ils, une jeune bergere au désespoir d'avoir été abandonnée de fon amant, & ils vous conduifent à une caverne où l'on a trouvé un fquelette; mais c'efttout ce qui refte d'un malheu

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