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partie des camgagnes voifines, Tantôt les rochers couronnent le fommet de la colline, tantôt ils en hériffent le pied, & quelquefois ils s'élancent fur les côtés. Ils s'élevent dans certains endroits

voyez

jufqu'à trois cent cinquante pieds au-deffus de l'eau, & dans quelques autres ils ne forment qu'un rivage escarpé d'une très-petite élévation. Ils font prefque tous perpendiculaires, & présentent ou un amphithéatre, ou un précipice effrayant depuis la base jusqu'au fommet: mais quoique leurs formes foient prefque femblables,il regne dans leurs grouppes la plus grande variété. Ici vous les s'unir de la maniere la plus irréguliere; ailleurs présenter une surface plus uniforme, & quelquefois toute unie d'une extrémité à l'autre. Ils font pour la plupart compofés de maffes énormes de pierres entaffées les unes fur les autres. Il eft probable que c'est un pareil aspect qui frappa l'imagination des anciens Theffaliens, & donna naiffance à la fable des géans qui entafferent, dit-on, le Pélion fur l'Offa. Ici tout eft vafte. La hauteur, la largeur, la folidité, la hardiesse de l'exécution, l'unité de ftyle, tout tend également à former un caractere de grandeur qui ne fe dément jamais fans être uniforme, & n'a rien de mefquin fans être gigantefque. La couleur des rochers eft pref

que blanche. Le lierre & les ifs jettés çà & là fervent encore à relever leur éclat naturel, & prefque tous les intervalles qui fe trouvent entr'eux, font remplis par de fimples taillis qui diverfifient & embelliffent extrêmement cette perspective, mais n'ajoutent rien à fa majefté. De grands arbres produiroient cet effet, mais il n'y en a que fort peu dans ce vallon.Les plus beaux fe trouvent dans un petit bois qui joint les bains (1), encore font-ils peu dignes de la magnificence des objets qui les environnent, de l'élévation & de la roideur de la montagne, de la majesté des rochers, & de l'impétuofité du Derwent. Il eft vrai que cette riviere eft d'un genre trop fort pour la fcene de Madlock Bath. Elle ne préfente aucune défectuofité, quant à fa largeur & à la direction de fon cours; mais c'est un torrent furieux & terrible qui fe précipite en mille & mille cascades; l'eau n'a jamais affez d'efpace pour devenir plus tranquille après fes diverfes chûtes, & la rapidité de fon mouvement étant augmentée par des chocs répétés, elle fe précipite de nouveau avec plus de violence, vient fe brifer contre des fragmens de rochers, & répand des flots d'écume fur les mon

ceaux de pierre entraînés par le courant. Sa couleur eft conftamment d'un rouge brun, & fon écume eft d'une teinte prefque auffi forte. Dans les endroits même où il n'y a point de cafcades, la pente du lit de la riviere eft fi rapide, & les chocs fi multipliés, que le courant conferve toujours la même violence & la même agitation. Quoiqu'il y ait de la grandeur dans ce morceau de perspective, il faut convenir qu'une riviere plus tranquille, coulant avec force & rapidité, fans avoir rien de la fureur orageufe d'un torrent; fe précipitant en une feule mais fuperbe cascade, au lieu de mille autres moins confidérables; quelquefois animée par la réfiftance, fans avoir à lut¬ ter fans ceffe contre des obftacles toujours nouveaux, feroit un objet bien plus analogue à la majefté, la tranquillité & la folidité de ces magnifiques monceaux de rochers. Leur couleur brillante mêlée avec le beau verd de ces arbres vigoureux & touffus, & avec les teintes variées de quelques champs bien cultivés, répand fur cet enfemble une douce & agréable férénité, qui n'est troublée que par l'impétuofité du Derwent.

X X X V II.

Des rochers caractérisés par la terreur. Defcription de la perspective de New-Weir fur la Wye. UNE riviere telle que le Derwent conviendroit infiniment mieux à une fcene d'un genre terrible qui eft l'effet de la grandeur combinée avec la force; elle est toujours animée & intéreffante par l'étonnement & le trouble qu'elle jette dans l'ame. On peut comparer la terreur qu'inspire une scene de la nature, à celle qui naît d'une fcene dramatique. L'ame eft fortement ébranlée : mais fes fenfations ne font agréables que lorsqu'elles tiennent à la feule terreur, fans avoir rien d'horrible ni de choquant. On peut donc employer les reffources de l'art pour rendre ces fenfations plus vives, développer les objets dont la grandeur eft le caractere, donner plus de vigueur à ceux qui fe diftinguent par la force, marquer avec foin ceux qui impriment la terreur, & jetter çà & là quel ques teintes obfcures & propres à infpirer une douce mélancolie.

La grandeur eft auffi effentielle au terrible qu'au majeftueux. De grands efforts fur de petits objets

pofer qu'on ait befoin de force pour dompter des bagatelles incapables de réfiftance. On doit cependant convenir qu'un effet qui fuppofe beaucoup d'efforts & de violence, fupplée quelquefois au défaut d'étendue. Un rocher qui semble suspendu par un art invifible, & qui menace continuellement de fa chute, tire toute fa grandeur de fa fituation, & non de fes dimenfions. Un torrent nous remue d'une toute autre maniere qu'une riviere tranquille d'une largeur égale : un arbre qui ne feroit rien dans une plaine ordinaire, devient intéreffant s'il fort avec effort du milieu d'un rocher. C'est dans de pareilles circonftances que l'art est toujours mis en œuvre avec fuccès. Il est quelquefois néceffaire de couper plufieurs arbres pour en faire voir un feul qui paroît avoir ses racines dans le roc. Il eft poffible qu'en ôtant feulement quelques buiffons, on offre à la vue le fpectacle effrayant d'un rocher, dont la base a été creusée & détruite par quelque caufe extraordinaire ; & fi fur ce fommet efcarpé, il fe trouve un peu de bonne terre, & quelques arbres plantés, ce fera un objet encore plus étonnant. Quant aux eaux, on fait qu'elles font généralement fufceptibles des plus grands changemens. C'est pourquoi il eft utile de bien déterminer celles qui convien

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