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fuyante, un beau périftile, dont chaque face a dix fuperbes colonnes. Cet objet imprime un caractere de majesté fur tout ce qui l'environne, & jette dans l'ame une forte d'admiration & de refpect religieux qui fe répand fur l'enfemble, mais fans avoir rien de noir ni de mélancolique ; & les fenfations qu'il produit, ont plus de douceur que de trifteffe. Il ne s'y trouve point d'eaux pour embellir la fcene, point de lointains qui l'enrichiffent. Toutes fes parties font vaftes : l'idée en eft fublime, & l'exécution heureufe: elle eft indépendante de tous ornemens étrangers, & fe foutient par fa propre grandeur.

Les fcenes dont je viens de donner la defcription, font les plus belles & les plus caractérisées; mais les jardins en renferment beaucoup d'autres, dont les objets nombreux diverfement combinés, produifent les effets les plus variés, & quelquefois à de très-petites diftances. Ces effets font toujours dus à l'inégalité du terrein & à la variété des plantations & des bâtimens. On a fouvent blâmé la multiplicité de ces derniers, comme un des défauts de Stowe ; & il faut avouer qu'ils doivent paroître trop nombreux à un étranger qui paffe en revue, en deux ou trois heures, vingt ou trente édifices du premier ordre, mêlés avec quel

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ques autres moins considérables; mais les bois, qui deviennent tous les jours plus beaux, font infenfiblement difparoître ce défaut, en cachant les bâtimens, & empêchant qu'on n'en apperçoive un auffi grand nombre à la fois. Chacun fert à décorer une fcene qui lui eft propre ; & lorsqu'on les confidere féparément, en différens tems & à loisir, il est très-difficile de déterminer celui qui est superflu. Je conviens auffi que ces bâtimens fi multipliés détruifent toute idée de filence & de retraite. Stowe n'eft caractérisé que par la magnificence & la fplendeur. Il eft, comme ces lieux célebres de l'antiquité, confacrés à la religion & remplis de bocages mystérieux, de fontaines facrées & de temples érigés en l'honneur de plufieurs divinités. Ils étoient l'objet de la vénération & du culte de la moitié des nations païennes, & l'on y accouroit en foule des climats les plus éloignés. La magnificence & la grandeur de Stowe fe trouvent par-tout mêlées avec l'agrément, la beauté & l'élégance.

Au milieu de tous les embelliffemens qu'on peut introduire dans cette efpece de jardin, un champ ordinaire, ou un chemin deftiné aux troupeaux, eft quelquefois un délaffement agréable; & les fcenes même les plus fauvages dans certaines po

fitions, n'y feront pas déplacées. Je conviens qu'à proprement parler, ce ne font pas des parties d'un jardin, mais elles peuvent être renfermées dans fon enceinte; & fi elles font placées dans le voifinage des scenes les plus embellies, elles ferviront à adoucir les paffages de l'une à l'autre, & nous ferons toujours les maîtres des changemens. Cette culture exquife, qui eft néceffaire aux acceffoires d'une maison, manqueroit d'une certaine perfection, fi l'on n'y voyoit quelques traces des autres caracteres, même fur une très-petite échelle. Tous les genres ont tant de chofes communes entr'eux, qu'on peut fouvent les mêler avec fuccès, & toujours les placer comme bordures.

D'UNE CARRIERE.

L X.

Des décorations d'une carriere.

UNE carriere (1) qui differe fi prodigieufement d'un jardin par l'étendue, fe rapproche pourtant de fon caractere dans beaucoup de circonftances; car,indépendamment de leur reffemblance du côté de la culture & des agrémens, l'analogie devient encore plus fenfible par cet effet. propre à une carriere d'étendre l'idée de la maifon, & de lier tout un pays au bâtiment principal. Il faut donc

(1) J'ai déja déclaré, dans ma note au commencement du chapitre LI, pag. 210, la raifon qui m'a déterminé à me fervir du mot carriere, pour exprimer celui de riding. Il n'est pas étonnant que nous n'ayons pas le terme fynonyme de cette efpece de chemin orné à la maniere Angloise, puisque nous n'avons pas la chofe même. Je prie donc le lecteur de ne pas oublier, que j'entends par carriere, un chemin fort long (quoique renfermé dans l'enceinte d'un domaine), varié & embelli, foit par l'art, foit par la nature, & principalement destiné aux promenades à cheval.

que les marques qui fervent à la caractériser & à la diftinguer d'un chemin ordinaire, foient principalement empruntées d'un jardin : celles que pourroient fournir une ferme ou un parc, font foibles & en petit nombre. Les feuls objets propres aux jardins, la placeront naturellement dans l'étendue du domaine. Des arbres d'une certaine espece fuffifent affez fouvent pour cet effet: des fapins plantés fur les bords des chemins, ou préfentés en perfpective fous la forme de maffifs ou de bois, indiquent le voifinage d'un château ou d'une maifon de campagne confidérable. Les tilleuls mêine & les maronniers d'inde en rappellent l'idée, parce qu'on les a extrêmement multipliés dans les lieux qu'on a voulu orner, & qu'on en voit rarement dans les campagnes ordinaires. Lorfqu'une carriere traverse un bois, on feroit très bien de jetter dans les taillis une grande quantité de ces arbriffeaux que nous avons tranfplantés des campagnes dans nos jardins, à caufe de leur beauté ou de leur bonne odeur, tels que l'églantier odorant (1), le viorne, le fusain & le chevrefeuille,

(1) C'eft un espece de rofier commun en Angleterre & en Suiffe, dont les fleurs font jaunes & les feuilles

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